L'agonie de la civilisation des gueules noires (original) (raw)
traits comparatifs sont presque toujours omniprésents dans la pratique ethnographique, mais perceptibles dans l'attention portée par l'observateur au groupe étudié, dans les processus de connaissance ou reconnaissance d'une autre «société». La trame de notre recherche va consister dès lors à étudier comment vivent les mineurs et leurs familles qui, à une autre époque, celle d'une ville minière, voyaient leurs projets, leurs façons de vivre liés à ce qu'avait tracé le code industriel, la mine. Comment ce groupe urbain va se réorganiser dans ce processus de déstructuration industrielle, face à la remise en cause de l'identité sociale de la communauté minière? Comment repensent-elles l'ordre quotidien à partir de ces nouveaux facteurs déterminants: la crise, le chômage, le recul économique local, le besoin de qualification du travail, et aussi les nouveaux temps modernes, de la société de consommation, de l'ère de la communication? Comment, après les remous du passé, aspire-t-elle à construire son devenir? C'est en lisant l'oeuvre de Rolande Trempé 3 sur les mineurs de Carmaux que notre attention fut attirée pour la première fois vers la ville de La Grand-Combe citée dans une note (Trempé 1971: 262). Située au nord-ouest du Département du Gard, à 192 kilomètres de la Méditerranée, 650 kilomètres de Paris et 270 kilomètres de Lyon, La Grand-Combe est née du charbon au début du XIXème siècle. Cette ville est le résultat de la volonté d'une Compagnie de mettre en place une agglomération urbaine. Le charbon y a joué pendant plus d'un siècle un rôle économique déterminant. Actuellement, la ville et ses habitants vivent les conséquences d'une grave récession économique, et c'est toute l'organisation sociale qui se trouve remise en cause. A l'exemple d'autres villes qui ont connu une crise économique, nous pouvions alors suggérer qu'à La Grand-Combe, on assistait également à la fin du «processus de reproduction d'une classe ouvrière qui trouvait en elle-même, par la solidité des liens familiaux et la solidarité des rapports de travail, les ressources suffisantes pour transmettre un savoir-faire, la fierté du métier et, en même temps, tout un mode de vie fondé sur une communauté profondément intégrée» (Pinçon 1987: 172).