Penser les territoires de l'occupation amérindienne des Antilles (original) (raw)
territoires de l'histoire amérindienne des Antilles In J. DUMONT, BERARD B. et J.--P. SAINTON (dir.), (2013), Les territoires de l'histoire antillaise, Outre--Mers, n°378--379, Société Française d'Histoire d'Outre--mer, Paris, 2013. pp. 151--164. Penser les territoires de l'histoire amérindienne des Antilles Par Benoit Bérard Conséquence de son invasion précoce par les nations européennes, l'histoire antillaise a traditionnellement été envisagée sous l'angle de la relation coloniale. Ainsi, son territoire « naturel » paraît aujourd'hui centré sur l'espace atlantique, marqué par une connexion estouest entre ancien et nouveau monde. Une réflexion sur la nature des territoires amérindiens offre la possibilité de nous dégager de ce filtre (trop ?) prégnant. En nous basant sur l'étude des premières occupations agro-céramistes, notre objectif sera alors de tenter de conceptualiser un ensemble d'entités géographiques et leurs modalités d'interaction. Il devrait ainsi être possible de mettre au jour les mécanismes de dynamiques historiques précoloniales internes à l'archipel antillais et plus largement à l'espace circum-caraïbe. Nous espérons en cela participer à la pose de quelques fondations conceptuelles pour la construction d'une histoire connectée des Antilles, connectée par la mer et l'océan, non uniquement selon un axe est-ouest mais aussi dans une approche archipélique le long d'un axe sud-nord. Une conceptualisation précoce des territoires amérindiens antillais. Largement privés de textes et de représentations géographiques (hors des sources orales et des récits liés à la colonisation européenne par définition tardifs), les anthropologues et archéologues spécialistes de l'histoire des civilisations amérindiennes ont ressenti très tôt la nécessité de conceptualiser un certain nombre d'entités culturelles et leur matérialisation spatiale. La première notion à avoir connu un important succès est celle d'aire culturelle (kulturkreis). Apparue à la fin du XIXe siècle 1 , elle va être appliquée à l'Amérique du Nord par Clark Wissler 2 puis à l'ensemble du continent par Gordon R. Willey 3 . La définition géographique de ces aires par un série de caractères culturels que sont sensées partager l'ensemble des cultures s'y étant développées a fortement été influencée par l'état des sociétés amérindiennes au moment du contact et, sous l'influence de l'écologie culturelle, par le découpage du continent en grands ensembles biogéographiques. L'archipel antillais a ainsi été intégré à l'aire caraïbe dont les limites ont été initialement définies par Irving Rouse : « The Caribbean area consist of the bassin of the Orinico River in Venezuela, the adjacent coastal areas along the Caribbean sea, and the off shore islands, including the West-indies. The land along the western side of the Caribbean, in Columbia and Central America, will be arbitrarily excluded,… » 4 . Il rompait en cela avec la notion d'aire circum-caraïbe développée précédemment par Julian Steward 5 . Ces limites ont peu changé depuis en dehors d'une extension vers la partie occidentale du plateau des Guyanes. C'est encore à Irving Rouse 6 que nous devons le cadre théorique utilisé par une majorité des archéologues antillais pour classer leurs découvertes depuis près de cinquante années. Il a ainsi défini trois types d'entités. La « série » est composée d'un ensemble de sous-séries et de complexes partageant des caractéristiques culturelles. Définie par un ensemble de « modes » considéré typique, elle est supposée correspondre à un ensemble de peuples et de cultures descendant d'un ancêtre commun et partageant de fait une même norme culturelle. Les séries connaissent un important développement dans le temps et l'espace. La « sous-série » est une 1 Frobenius L., Ursprung der kultur. Band I : Ursprung der afrikanischen kulturen, Berlin,