Jeux de pouvoir dans nos poubelles : économies morales et politiques du recyclage au tournant du XXIe siècle / Nathalie Ortar, Élisabeth Anstett, dir (original) (raw)
Recensé : Nathalie Ortar, Élisabeth Anstett (dir.), Jeux de pouvoir dans nos poubelles. Économies morales et politiques du recyclage au tournant du XXI e siècle, Paris, Éditions Petra (« Matière à recycler »), 2017, 226 p. La lecture de l'ouvrage collectif Jeu de pouvoir dans nos poubelles, dirigé par Nathalie Ortar et Élisabeth Anstett, m'a évoqué la scène d'introduction du film de Steven Soderbergh sorti en 1989, Sexe, mensonges et vidéo, où le personnage féminin principal, Ann Bishop Mullany, jouée par l'actrice Andy MacDowell, ouvre le film sur ces mots : « Des ordures… Cela fait une semaine que je ne pense qu'aux ordures. Je n'arrive pas à m'en empêcher. ». Dans ce dialogue avec son psychologue, la jeune femme fait état de l'inquiétude et des réflexions que provoquent chez elle les ordures. Si dans ses rêves, le mari d'Ann fait déborder la poubelle-questionnant ainsi les rapports intimes du couple et l'organisation de la sphère domestique-, c'est aussi un accident écologique réel et lointain, à Long Island, qui la hante : l'échouage d'une péniche remplie d'ordures. Face à l'abandon des déchets, des matières qui l'inquiètent, car « il y en a tellement », Ann Bishop Mullany s'interroge sur la responsabilité qui peut être engagée, et désespère de voir que « personne [ne] voulait plus » de la péniche d'ordures, évoquant ainsi une capitulation de la société tout entière face au problème de l'accumulation des déchets. Cette scène cinématographique donne une bonne illustration du pouvoir des ordures, qui, comme d'autres choses, matières, objets, « forcent la pensée » (Stengers, 2010), une expression que reprend à son compte la sociologue australienne Gay Hawkins, dont la contribution ouvre ce livre après une courte introduction des éditrices. On pourrait lire ce premier chapitre comme une seconde et plus longue introduction de l'ouvrage, car il offre un bon équilibre entre, d'un côté, un propos généraliste et programmatique pour les travaux de recherche en sciences humaines et sociales sur les déchets-dont le livre fait état du dynamisme et de la diversité-et de l'autre, des développements analytiques fondés sur plusieurs études de cas. La référence à cette contribution et aux travaux de son auteure occupe d'ailleurs une place centrale dans