Les premiers jalons du millénarisme : ferments d’utopie ? (original) (raw)

L’utopie classique, entre fantaisie créatrice et illusion pernicieuse

In the Classical Age, the concept of fantasy has been subject to a polytropic criticism. In the neoplatonic philosophy of the Renaissance, imagination was conceived of as being of an ontological nature. The phantastikon pneuma of human beings was consubstantial with the universal Anima mundi (the intermediate essence between divine ideas and material nature). The activity of the magicians entailed the ability to project and realize the fantasies through the vis imaginativa. Against this conception fought the doctors of the Church, who have demonized the fantastic mind, as well as the new Cartesian philosophers who treated the imagination as the " mother of all errors. " This paper aims to illustrate this evolution of the history of ideas by applying it to the genre of classical utopias. If at the beginning the term utopia described an ideal world, desirable even if impossible to attain, after the attack of the ratio-nalist philosophy it has acquired the sense, still valid today, of impossible dream, pernicious fiction, reprehensible illusion.

Histoire des utopies. 3000 ans de rêve

KWS 94, 2024

KWS n° xx / xxx 20xx 1 « Utopie », le premier sens du mot dans le dictionnaire Larousse est le suivant : « Construction imaginaire et rigoureuse d'une société, qui constitue, par rapport à celui qui la réalise, un idéal ou un contreidéal. » Dans un sens élargi, « utopie » signifie un projet dont la réalisation est impossible, une conception imaginaire : par exemple, une utopie pédagogique. L'étymologie du mot renvoie le plus souvent à un non-lieu, « utopia », ou encore à un bon lieu, « eu-topia ». Lorsque la description de la société réalise un contre-idéal, on utilisera plutôt le terme de dystopie. Dans un sens très général, les utopies ont toujours existé et ne connaissent pas de frontières civilisationnelles ; partout où des humains aspirent à vivre une vie meilleure, dans ce monde ci ou dans un autre monde, « autre » par sa localisation géographique, par sa situation dans le temps, dans le passé ou le futur, voire aussi en-dehors du monde, dans un « aprèsmonde » religieux ou fantasmatique, des humains ont imaginé, construit, idéalisé, le rêve d'une « bonne société ». Mais dans un sens restreint, identifié à un genre littéraire daté, les utopies commencent à circuler dans les livres à partir du moment où le mot est utilisé pour la première fois en 1516 sous la plume de l'humaniste anglais Thomas More. Essai Histoire des utopies.

Augustin et le millénarisme

L'article s'intéresse à la date à laquelle Augustin a pris ses distances par rapport aux idées courantes qu'il a d'abord partagées sur l'eschatologie

Futurs antérieurs et précédents uchroniques : l’anti-utopie comme conjuration de la menace

[en] Traditionally regarded as a mere critical inversion of utopia, dystopia will be characterized here as an instance of a more general critical posture, through the concepts of ‘future perfect’ and ‘counterfactual precedent’. The future perfect belongs to, but differs from the logics of alert in its temporal modalities and use of fiction: the dystopian future is described as having already happened in the actuality of the narrative present, in a paradoxical gesture which aims to conjure up the threat in the recipient’s representational space only to thwart it. The cases examined are taken from the issue of new technologies of surveillance and social control, which challenged stakeholders to update their critical reference points and anticipation skills over the last twenty years. An analysis in terms of the future perfect enables us to understand the swing of configurations: Big Brother is now downgraded as a ‘counterfactual precedent’ compared to the new threats posed by ‘societies of control’. In addition, the similar way these fictional patterns and figures operate points to a cognitive (the articulation between the real and the possible worlds accessed by anticipation) as well as a pragmatic dimension (empowering the political community to envision a new future). By the end of the analysis, fiction appears as both a mode of knowledge and a handle on the world. [fr] Traditionnellement traitée dans la continuité générique de l’utopie dont elle ne serait que l’inversion critique, l’anti-utopie est ici caractérisée comme cas particulier d’une posture critique plus générale, à travers les concepts de « futur antérieur » et de « précédent uchronique ». Relevant d’une logique de l’alerte, un futur antérieur en diffère par ses modalités temporelles ainsi que par son recours à la fiction : le futur dystopique est proposé comme déjà survenu, dans l’actualité du présent de narration, par un acte paradoxal de conjuration lequel vise à faire advenir la menace dans l’espace de représentation du destinataire pour mieux en empêcher la réalisation. Les exemples traités relèvent du dossier des nouvelles technologies de surveillance et de contrôle social, dont les acteurs ont déployé, ces vingt dernières années, une intense activité de mise à jour de leurs repères critiques et de leurs capacités d’anticipation. L’analyse en termes de futur antérieur permet de comprendre le basculement de configuration à l’œuvre : Big Brother fait désormais figure de « précédent uchronique » en regard de la nouvelle menace que ferait peser l’avènement des « sociétés de contrôle ». L’homologie de fonctionnement entre ces dispositifs fictionnels souligne leur double dimension cognitive (l’articulation entre le réel et les mondes possibles portés par l’anticipation) et pragmatique (le réengagement d’un avenir par la communauté politique à laquelle s’adresse le futur antérieur). Au terme du parcours, la fiction apparaît comme un mode de connaissance et une prise sur le monde.

L’utopie antillaise et hawaïenne

L’utopie a la connotation d’un rêve impossible. D’ailleurs, il faut s’y habituer, l’utopie en général finit mal : soit parce qu’elle est victime d’une société extérieure corrompue (Paul et Virginie de Bernardin de Saint-Pierre), soit parce qu’il s’agit d’une anti-utopie (Brave New World d’Aldous Huxley). Cependant, rien dans la définition du concept n’indique la fin malheureuse comme inhérente au projet utopique. Dans les littératures antillaises et hawaiiennes, la fin heureuse n’est d’ailleurs pas abandonnée, même si elle est loin d’être évidente. En ce qui concerne les littératures européennes, il faut distinguer deux types d’utopie : les utopies “ naturelles ” chantant un mode de vie plus proche de la nature, inspiré d’un bonheur “ primitif ” antérieur au besoin de conquête et les utopies “ religieuses ”, sociétés organisées sur la base d’un enseignement, d’une parole révélée, inspiration de bon nombre d’anti-utopies. Du point de vue insulaire, les catégories ne sont pas tout à fait les mêmes. En effet, l’utopie “ naturelle ” va de pair avec une sacralisation du passé, ce qui ne surprend pas dans des sociétés dans lesquelles le religieux garde son importance. A ce passé idéalisé privilégiant un milieu rural sacralisé, s’oppose une vision du futur, détachée de tout contexte religieux. Ces deux façons de penser l’utopie sont celles d’une part de Gisèle Pineau, Xavier Orville, Lois-Ann Yamanaka, Lee A. Tonouchi et d’autre part de Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant, John Dominis Holt, Carlos Andrade et Joe Balaz. Dans les deux cas, l’utopie se distingue par deux thèmes majeurs : le sacré et l’insularité ou la ville idéale ainsi que par la création d’un système qui englobe tous les aspects de la société afin de la rendre crédible, “ réelle ”.

Messianismes et millénarismes 1

Archives de sciences sociales des religions, 2011

Messianismes et millénarismes 1 À propos de : DESROCHE Henri, Dieux d'hommes. Dictionnaire des messianismes et millénarismes du premier siècle à nos jours, Paris, Berg International, 2010, préface d'Émile Poulat. Nous devons à Berg International la réédition du dictionnaire sur les messianismes et millénarismes publié en 1969 par Henri Desroche (1914-1994). Initiateur après-guerre d'une nouvelle sociologie des religions, cet auteur avait notamment introduit la notion d'uthéisme, un espace de croyance au-delà des théismes et athéismes. Ce livre est le reflet tant des intérêts intellectuels d'un homme que du moment historique de sa parution. C'est un peu l'un et l'autre que nous devons tenter de restituer ici. Le goût d'Henri Desroche pour l'étude de l'utopie par le biais de l'analyse du « processus qui va du rêve à la praxis »-c'est-à-dire du moment où l'espérance utopique est rendue opératoire-(Bastide, 1973 : 128), le conduit à susciter dès le milieu des années 1950 une vaste enquête sur les phénomènes messianico-millénaristes. Il présente Dieux d'hommes comme une première ébauche visant à en synthétiser les résultats même s'il confesse, en même temps, les imperfections de son oeuvre dues tant à des vicissitudes techniques qu'à l'ampleur de la tâche entreprise (1969 : 1). « À étendre ainsi la glane dans des champs aussi disparates (...) il devient de plus en plus difficile, voire impossible de nouer la gerbe » (ibid. : 11). Si l'étude des phénomènes sociaux liés aux attentes eschatologiques est désormais un sujet récurrent des sciences sociales en France, on le doit en effet en grande partie à l'ampleur de l'initiative scientifique prise par notre auteur. Jusque-là seules quelques pistes avaient été tracées, d'abord de manière subreptice ou indirecte. 1. Je tiens à remercier André Mary des précieuses remarques qu'il a bien voulu m'adresser.

De l’utopie à la réalité

Revue internationale d'éducation de Sèvres, 2008

Revue internationale d'éducation de Sèvres 49 | décembre 2008 Quel avenir pour les études en sciences humaines ? De l'utopie à la réalité La place des sciences humaines et sociales dans les universités européennes From Utopia to reality. The place of human and social sciences in European universities De la utopía a la realidad. El lugar de las ciencias ciencias humanas y sociales en las universidades europeas

Technologie et millénarisme

Documentation et bibliothèques, 2000

L’auteur discute de la technologie et de la croyance millénariste qui s’est développée au cours de l’histoire de l’humanité, en particulier depuis les deux derniers siècles.