Le texte des origines : Gérard Macé (original) (raw)

Gérard Macé : Secrets de lecture

Les mondes de Gérard Macé, Claude Coste et Ridha Boulaâbi (dir.), Le temps qu'il fait/Le bruit du temps, 2018

Je feuillette le troisième volume de "Pensées simples", intitulé avec bonheur Des livres mouillés par la mer, et retrouve aussitôt ce qui me charme dans l’œuvre de Gérard Macé. Une pensée divagante à l'affût, une manière de saisir le réel sans le disséquer, d'en dissiper les illusions sans perdre sa force d'enchantement.

Gérard Macé et son lecteur : un compagnonnage orienté

Études littéraires, 2010

Si l’on en croit certains propos de Gérard Macé, son écriture n’est pas de celles qui font grand cas de leurs lecteurs. Son geste d’écrivain semble plutôt dirigé à rebours de ces derniers, vers ses propres lectures, à la rencontre notamment de vies antérieures qui l’habitent et qu’il habite. Et pourtant, on n’entre pas par effraction dans les textes de Macé. Une hospitalité itinérante se met en place au fil de l’oeuvre, au travers de laquelle l’écriture s’affirme comme un compagnonnage dont la nature profonde repose sur la différence plutôt que sur la ressemblance, tout comme est profondément autre l’Orient qui fascine Macé, et étrangère la « main italique » qui s’invite à sa table d’écriture. La littérature ainsi conduite ouvre un espace en mouvement dont l’orientation est celle d’une abolition de toute distance entre l’acte de lire et celui d’écrire.

Gérard Macé, Un compagnonnage orienté

Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. Érudit offre des services d'édition numérique de documents scientifiques depuis 1998. Pour communiquer avec les responsables d'Érudit : info@erudit.org Article « Gérard Macé et son lecteur : un compagnonnage orienté » Adeline Liébert Études littéraires, vol. 41, n° 2, 2010, p. 89-103. Pour citer cet article, utiliser l'information suivante : URI: http://id.erudit.org/iderudit/045163ar Note : les règles d'écriture des références bibliographiques peuvent varier selon les différents domaines du savoir.

Gérard Macé : l'entour et le détour

Revue @analyses, 2010

Même si Gérard Macé écrit à rebours des genres, il aime désigner ses livres comme des divagations ou comme des essais, qui mettent l'écrivain à l'épreuve d'une altérité : livre, tableau ou rencontre. Il délaisse cependant les systèmes d'analyse pour leur préférer des pensées vagabondes où le détour et l'entour ont force de loi. Préfaces, notes, scholies, remarques marginales font de cette oeuvre une oeuvre seconde qui s'élabore au contact d'autres oeuvres, dans le retentissement d'une lecture ou la surprise d'une trouvaille. Il multiplie sans doute ces discours d'escorte pour accompagner les pages aimées et les images intimes, et pour les transmettre à son tour. Car c'est sous le masque d'un colporteur que s'avance www.revue-analyses.org, vol. 5, nº 3, automne 2010

En marge de Gérard Macé, Pensées simplesIII.doc

Texte de Gérard Macé, extrait de Pensées simples III. Des livres mouillés par la mer, Paris, Gallimard, novembre 2016. Présenté et commenté par Adeline Liébert. La notion de « marge » convient bien à l'oeuvre de Gérard Macé. Ainsi, dans leur présentation du numéro de la revue des Sciences Humaines qui lui est consacré, Marc Blanchet et Jean-Yves Masson écrivaient que l'auteur des Balcons de Babel 1 , du Dernier des Egyptiens 2 , ou plus récemment du recueil Promesse, tour et prestige 3 , fait « bouger les lignes », « déplac[e] les frontières entre les genres littéraires 4 », comme si sa vocation était de brouiller les catégories existantes pour se tenir à la marge de l'institution littéraire et, dans cette marge, redistribuer les cartes d'une partie toujours à rejouer qui est l'aventure même de la littérature, exploratrice de continents nouveaux, découvreuse de trésors cachés, de continents oubliés, gardienne fragile mais obstinée de la mémoire de l'humanité 5 . En affirmant lire « comme on navigue [,] d'abord à l'estime, puis avec un crayon comme au-dessus des cartes marines 6 », Macé rend mouvante la marge elle-même, ou plutôt il institue la marge comme mouvement, mouvement des yeux du lecteur ou du crayon sur le papier imprimé, déplacement du texte d'une forme dans une autre, d'une pensée vers un horizon de métamorphoses. C'est ainsi que dans Pensées simples 7 , paru en 2011, Gérard Macé écrit en marge de la langue et de la littérature, des mythes et de la civilisation, pour retenir dans les filets de son texte ce qui se dérobe aux voyages et aux lectures, aux souvenirs et aux rencontres. L'espace littéraire qu'il dessine est une marge semblable à « la carte de l'empire » qui inspire le titre de son deuxième volume de Pensées simples, paru trois ans après 8 . Dans la nouvelle de Borges à laquelle il se réfère, une carte se superpose point par point à l'Empire qu'elle représente. Macé y voit une image de la littérature, mais peut-être que le titre est aussi révélateur de l'idée qui tisse l'ouvrage en même temps qu'il en est la marge : la réalité n'est pas extérieure aux feuilles des livres, on ne peut la penser qu'à la ressentir et à renoncer au leurre de la saisir. Aussi la marge se révèle-t-elle une affaire non d'organisation ou de

Un détour par le Japon : entretien avec Gérard Macé

"Réceptions de la culture japonaise en France depuis 1945. Paris-Tokyo-Paris : détours par le Japon", ed. by Fabien Arribert-Narce, Kohei Kuwada and Lucy O’Meara, 2016

Gérard Macé évoque dans cet entretien l’importance du Japon dans sa pratique littéraire et photographique. Certaines photographies qu'il a prises au cours de ses multiples voyages dans l’Archipel sont également reproduites en marge de l'entretien.

Annexe 1 : Nikolaj Marr : « Sur l’origine du langage »

Cahiers du Centre de Linguistique et des Sciences du Langage, 2022

Le langage n'a pas été donné, mais a été fa it peu à peu. Et ce, non sur des millénaires, mais au cours de dizaines, de centaines de millénaires. Le langage sonore a lui tout seul a plusieurs dizaines de milliers d'années. Il suffit de dire que l'actuelle paléontologie du langage donne la possibilité de parvenir, grâce à ses recherches, jusqu'à l'époque où une tribu ne disposait que d'un seul mot, qu 'elle utilisait pour tous les sens dont avait conscience l'humanité d'alors. Or le langage sonore avait été précédé, pendant de nombreux millénaires, du langage linéaire, ou figuratif (izo brazitel 'nyj), le langage des gestes et des mimiques. La plus ancienne langue écrite, dont l'âge se mesure d'ordinaire en quelques millénaires, n'est qu'un blanc-bec en comparaison de l'authentique antiquité des langues non écrites. Il s'est passé, avant l'apparition de l'écriture, un ensemble de transfonnations si radicales dans le langage humain que la science pose et enseigne jusqu'à présent qu'il existerait des langues raciales, différentes par leur origine. Cette conception fau sse, fa tale pour la science du langage, a été confortée par les documents écrits des langues de culture, qui ont contribué, grâce aux fo nnes figées des langues écrites et à leur contenu d'origine de classe et de nation, à renforcer cette idée, funeste autant pour l'édification de la nouvelle société que pour la science. Tout cela a pu être mis au jour grâce aux matériaux des langues archaïques survivantes qui sont parvenues jus qu 'à nous, des langues qui ont conservé la nature du langage humain tel qu 'il était avant la première de ses nombreuses transfonnations radicales. Ces langues-vestiges sont à l'heure actuelle réparties sur le vieux continent en isolats. On en trouve une seule en Europe (le basque, sur la fr ontière entre l'espagnol et le français) et une autre en Asie, dans le Pamir (le versik, une langue peu connue, entourée de langues et dialectes iraniens, c'est-à-dire de divers dialectes et variétés de persan). Mais elles fo nnent un groupe important dans le Caucase : il s'agit de dizaines de langues caucasiennes autochtones, depuis l'est avec les langues du Daghestan à l'ouest avec le groupe abkhazo-tcherkesse, en passant par le sud avec le svane, le géorgien, le mégrélien (ou mingrélien) et le laze, entre Batoumi et