Invention sans brevet, invention avec brevets. Les non-ferreux et la circulation des savoirs, XVIIIe-XXe siècles (original) (raw)
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Controverses et paradoxes dans l'Europe des brevets au XIXe siècle
2010
La question du rôle positif de la propriété industrielle dans le développement du capitalisme est posée de longue date mais demeure incertaine. Dans l'une des conférences publiées dans son Esquisse d'une histoire universelle de l'économie et de la société, Max Weber ...
L'État et les brevets d'invention (1791-1922): une relation embarrassée
2010
Dès la fin du XVIIIe siècle, le privilège accordé à l'inventeur est l'un des outils de la mobilisation administrative qui fait de l'invention une « cause nationale »1. En réduisant les risques liés à l'investissement dans les nouveautés, le privilège doit favoriser l'alliance entre novation ...
in Natacha COQUERY, Liliane HILAIRE-PEREZ, Line SALLMANN, Catherine VERNA (ed.), Artisans, industrie, nouvelles révolutions du Moyen âge à nos jours, "Cahiers d'histoire et de philosophie des sciences " , n° 52, SFHST-ENS édtions, 2004, p. 261-271. Dans ses Discours admirables...Bernard Palissy met en scène Pratique et Théorique. Dans un préambule qui rappelle bien toutes les ambiguïtés du projet de la mise par écrit et de la diffusion par l'imprimerie des secrets de fabrication des artisans, l'auteur se montre, à travers les mots de Pratique, peu disposé à dévoiler ses secrets. Attitude rhétorique intéressante, puisqu'il s'agit justement pour lui de les livrer au public. Néanmoins, pour justifier sa feinte réticence, il rappelle les tristes exemples de toutes les " gentilles inventions " désormais méprisées pour être devenues trop communes : la citation, quoique un peu longue, intéresse directement notre sujet : " Je te prie, considère un peu les verres, lesquels pour avoir esté trop communs entre les hommes sont devenuz à un prix si vil que la plus part de ceux qui les font vivent plus méchaniquement que ne font les crocheteurs de Paris. L'estat est noble, et les hommes qui y besognent sont nobles : mais plusieurs sont gentilshommes pour exercer leur dit art, qui voudroyent estre roturiers et avoir de quoy payer les subsides des princes. N'est-ce pas un malheur advenu aux verriers des pays de Périgord, Limousin, Xaintonge, Angoulmois, Gascogne, Béarn et Bigorre ? auxquels pays les verres sont méchanisez en telle sorte qu'ils sont vendus et criez par les villages, par ceux mesmes qui crient les vieux drapeaux et la vieille féraille, tellement que ceux qui les font et ceux qui les vendent travaillent beaucoup à vivre 1 ". Ces propos mettent bien en valeur quelques uns des thèmes essentiels dont je voudrais parler ici : secret/publicité, rétention/circulation, écrit/oral, production artisanale/production de grande série. La verrerie compte en effet parmi les industries où l'obligation du secret est rappelée avec le plus de fréquence et de sévérité par les membres des familles verrières et par leurs Etats d'origine. Il s'agit pourtant de l'une des activités où la circulation traditionnelle des hommes, stimulée par l'intérêt des Etats ou des entrepreneurs concurrents, favorise a priori le plus les possibilités d'échanges. Comme dans les autres secteurs artisanaux, la notion même de secret, utilisée de façon récurrente dans les textes, pose donc problème : savoir-faire particulier d'un groupe, des artisans d'une ville, de quelques familles, d'une seule, invention d'un individu ; du tour de main au véritable secret de composition ou de fabrication, du secret de polichinelle au 1 Bernard Palissy, Oeuvres complètes, Paris, J. J. Dubochet 1844, reprint, p. 307.
Inventer l’invention. Les métaphores de l’invention à la fin de l’âge classique
Parler des métaphores de l'invention peut s'entendre de deux manières (au moins). Il peut s'agir de la représentation de ce qu'on a pu appeler « invention » (est-ce une notion, une faculté, un objet, un dispositif matériel ?) sous les traits de métaphores et, plus largement, d'analogies. L'invention est alors le nom d'une première série d'éléments textuels, définis par un régime spécifique d'aperception ou d'instauration : celui des similitudes que la notion d'invention entretiendrait avec un autre ordre de phénomènes. Ces « illustrations » se laissent préciser en trois sous-séries dont les territoires se recoupent partiellement : le vivant (l'invention, quand elle est le produit d'une faculté, est donnée dans les termes d'un engendrement, quand elle est saisie comme produit, elle est rapportée à une totalisation organique) le mécanique (ici l'invention est saisie comme imitation, composition et recomposition du déjà-là, ou bien comme découverte, dans son rapport avec la connaissance objective) et la machine (où se forme une synthèse des deux espaces précédents, mais avec un accent porté sur les mystères de l'inventivité et de l'effectivité). Une seconde manière de comprendre la relation entre métaphore et invention invite à renverser le propos. La métaphore participe d'un processus qui relève lui-même de l'idée d'invention, entendue dans le sens moderne qui se fait jour à l'articulation les XVIIIe et XIXe siècles, lorsqu'apparaissent les valeurs modernes de « littérature ». Il en va alors de l'invention moderne de la métaphore. L'âge classique a compris très généralement le phénomène métaphorique comme un ornement du discours, comme une beauté expressive privée de valeur ontologique ou signifiante. Selon ce modèle, les métaphores peuvent (en droit, si ce n'est en fait) être traduites et littérarisées, sans déperdition de sens. Elles appartiennent à un plan strictement poétique où elles sont comprises comme des agréments expressifs 1. C'est ainsi que le Dictionnaire françois de Richelet indique que la métaphore est la « Figure par laquelle en prenant un mot qui marque proprement une chose on se sert de ce mot pour exprimer une autre chose qu'on veut représenter avec plus de force et plus de grâce », l'exemple d'emploi précisant qu'elle « doit être suivie et tirée des choses honnêtes ». Le Dictionnaire universel de Furetière, dont la leçon est suivie par l'ensemble des éditions du dictionnaire de Trévoux jusqu'à la fin de l'âge classique (la dernière édition est de 1771), veut que la métaphore soit une « Figure de Rhétorique, qui se fait quand un nom propre d'une chose se transporte à une autre qui n'en a point », mais que cette transposition intervient « lorsqu'elle est plus élégamment expliquée par le nom transposé qu'on lui applique, que par celui qu'elle pourrait avoir naturellement, comme quand on dit, la lumière de l'esprit, brûler d'amour, flotter entre l'espérance et la crainte ». Nous sommes alors au plus loin, si l'on s'en tient aux termes de cette vulgate, de toute idée de création verbale, susceptible d'instaurer un rapport inédit entre deux ordres au moyen d'une impertinence prédicative, qui, en bouleversant l'ordre catégoriel, ouvrirait sur une re-description du monde 2. Nous partons alors de l'idée suivante : les changements qui permettent la naissance de la métaphore moderne entretiennent des rapports étroits avec la naissance de l'idée d'invention lorsqu'elle est PAGE 17 1 Cette pauvreté est sans doute à mettre en relation avec l'absence de l'esthétique comme disciple autonome. L'âge classique n'est en effet jamais parvenu à poser clairement (mais en avait-il besoin ?) les termes d'une expérience proprement esthétique. Cette carence renvoie par ailleurs à un statut de la littérature qui est devenu tout à fait étranger à l'ensemble des notions que recouvre pour nous, même vaguement, ce terme. 2 On reconnaitra là la description que propose Ricoeur du processus métaphorique, voir La Métaphore vive.
Le droit et «l’invention» de la nature au XVIIIe siècle
Historia et ius, 2021
Each age has its own image of the nature and relavant rules. Law refers to nature solely to acknowledge its own beliefs. It can be therefore argued that nature is “invented” by jurists in order to justify and strengthen political decisions. During the eighteenth century a purely theoretical conception of nature was adopted to deeply reform the legal system. More in detail, the notion of abstracted individual was created on the basis of the principles of freedom and equality.
Les débuts du système suisse des brevets d’invention (1873-1914)
2022
« L’intérêt général de l’industrie suisse s’oppose aux brevets. » Cet avis, exprimé en 1866 dans la Gazette de Lausanne, est alors largement partagé par les élites économiques et politiques du pays. En effet, la Suisse s’industrialise au XIXe siècle sans système de brevets d’invention, c’est-à-dire sans accorder de droits de propriété et d’exclusivité sur les nouveautés techniques. Les informations sur les machines de production ou les procédés chimiques circulent librement, et les fabricants helvétiques ne s’en privent pas pour renforcer leur compétitivité internationale. Les choses changent à la fin du siècle. En 1888, le Parlement adopte la première loi fédérale sur les brevets. Le changement ne s’explique pas seulement par les accusations de piraterie exprimées par les industries d’autres pays, mais aussi par les positionnements et les intérêts des acteurs suisses eux-mêmes. L’ouvrage de Nicolas Chachereau cherche à comprendre quels groupes socio-économiques ont voulu la loi et pourquoi − et lesquels d’entre eux ont ensuite pu en tirer parti. Alors que beaucoup espéraient que les inventeurs modestes profitent des brevets, ceux-ci se révèlent bien plus importants pour les multinationales, notamment dans la fabrication de machines. Loin des discours actuels de célébration de l’innovation, ce livre dresse ainsi le portrait d’une institution en phase avec les évolutions générales du capitalisme helvétique de la même époque.
L'Exception exemplaire : Inventions et usages du génie, XVIe - XVIIIe siècle
Entre les débats linguistiques du XVIe siècle et les panthéonisations intempestives de la Révolution, l’histoire du génie est agonistique. Pivot entre l’individuel et le collectif, le génie est exceptionnel et exemplaire. Ce n’est pas le moindre de ses paradoxes de n’être jamais vraiment « para-doxal ». Between the linguistic debates of the sixteenth century and the untimely “Panthéonisations” of the Revolution, the history of the genius is agonistic. A pivot between the individual and the collective, genius is both exceptional and exemplary. Being never truly “ para-doxal ” is not the least of its paradoxes.