L'écolier diabolique (original) (raw)

II. Acteurs de la vie universitaire en Espagne et en Amérique coloniale (XVII e-XVIII e siècles) L'écolier diabolique : aspects ibériques d'un mythe européen François Delpech p. 155-177 • 1 Voir S. M. Waxman, "Chapters on magic in Spanish literature Revue Hispanique", 38, 1916, pp. 325-4 (...) 1L'Espagne a eu plusieurs "légendes noires" Selon l'une des plus anciennes et internationalement répandues (elle remonte au Moyen Age, perdure jusqu'au Siècle d'Or, et donne lieu à une multitude d'allusions et de références littéraires en Espagne et dans presque toute l'Europe), la péninsule ibérique aurait eu le douteux privilège d'abriter des écoles de magie noire. Qui plus est, ces scandaleux gymnases fleuriraient sur les lieux mêmes de l'épanouissement et de la diffusion du savoir : la Tolède des librairies polyglottes et des traducteurs, métropole des sciences et de la philosophie, et la très docte université de Salamanque, fleuron de l'institution scolastique1. 2Sur les lieux, ou plutôt sous les lieux, puisque c'est d'écoles souterraines qu'il s'agit, cachées dans des grottes ou des cryptes, ironiquement tapies parfois dans les sous-sols de très catholiques sanctuaires. • 2 Sur les récits relatifs à ces deux cuevas, voir respectivement F. Ruiz de La Puerta, La cueva de H (...) 3Le caractère éminemment suspect de certains manuscrits arabes et hébraïques, porteurs de croyances païennes, de propositions hérétiques, et de savoirs interdits, a certes contribué à faire de Tolède, aux yeux de l'Europe médiévale, une fourmilière de "nécromants". Une fois le stéréotype établi, il pouvait sans peine être transplanté à Salamanque, dont la fameuse "Cueva", souterraine antithèse de sa très catholique université, n'est, à bien des égards, qu'une contrefaçon de la tolédane "Cueva de Hércules"2. 4L'ensemble des croyances, représentations et récits associés à cette prétendue université "underground" est cependant complexe : mobilisant plusieurs niveaux de culture, il constitue en fait une sorte de "mythe" local, dont on essaiera ici, sinon de retracer la genèse, du moins d'analyser les principales composantes et de cerner la spécificité.