Alexandre Duquaire. Les Illusions perdues du roman. L’abbé Prévost à l’épreuve du romanesque (original) (raw)

Mémoire et imagination dans La Jeunesse du Commandeur de l’abbé Prévost

Svět literatury, 2020

This paper dedicated to the issue of the memory and the novel in the 18 th century aims at questioning the memoir-novels, as a privileged form of the fiction during the first half of the century. The memoir-novel is indeed based on memories of a hero-narrator reminiscing about his past love life. As memory and imagination are strongly linked in the thought of the 17 th and 18 th century, the question of their relationship is particularly relevant in the novels by Antoine Prévost, insofar as his heroes claim to produce a pathetic effect and seduce their interlocutor/reader. Our reflection takes as an example La Jeunesse du Commandeur (1741)-a kind of "reverse story" to that of the Chevalier Des Grieux-where memory and imagination are put at the service of a burlesque treatment of passion.

Le secret dans les romans-mémoires de Prévost

Lumen: Selected Proceedings from the Canadian Society for Eighteenth-Century Studies, 2018

Ce document est protégé par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des services d'Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d'utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l'

Le monde moral de Prévost: le recueil de contes comme atelier du roman

in Prévost et le Récit bref, CRIN no 46, études réunies et présentées par Jan Herman et Paul Pelckmans , Amsterdam, Rodopi, 2006, p.163-181., 2006

La fusion du narratif et de l’argumentatif semble en effet être le propre d’un type de texte dont la première moitié du XVIIIe siècle a inauguré la vogue : le journal. Au moment où, malgré son succès, le roman est frappé par des anathèmes étatiques et ecclésiastiques, le narratif s’ingère dans l’informatif comme l’argumentatif se fond dans le narratif. Reconstruire le fonctionnement de la prose narrative au sein d’un système littéraire ou, plus largement, culturel en crise ne pourra dès lors se faire qu’en termes d’hétérogénéité. Ce qui est en cause, ce sont les frontières, externes, entre les champs littéraire et non-littéraire, et internes, entre les différents genres constituant le champ du littéraire contemporain. Apparaît au début du XVIIIe siècle un nouveau type de journal qui combine un mode d’information primaire – narration d’un fait divers – et secondaire – réflexion sur le fait divers - dont le modèle est Le Spectateur d’Addison et Steele (1711). Ce Spectateur n’est pas oisif, il réfléchit. Son recueil est composé de « discours » qui s’alimentent, ou prétendent se nourrir, non seulement des observations du Spectateur même mais de lettres envoyées par des correspondants. Aucune structure n’est imposée à un ensemble forcément confus. Dans la mesure où il se rapproche ou s’inspire directement de ce modèle, le Pour et Contre de Prévost présente un cas particulier en ce que le narratif semble assez facilement détachable de l’argumentatif, comme le montre l’édition d’un volume de Contes, Aventures et faits singuliers, etc., extraits pour une partie du Pour et Contre après la mort de Prévost. Il s’agira ici d’étudier comment la pratique du conte singulier a pu servir d’atelier à l’écriture d’un roman ; de voir comment dans le dernier roman de Prévost, Le Monde moral, l’argumentation profonde qu’abrite la narration romanesque est inséparable d’une phase génétique préparatoire où sont mis en place, de manière diffuse et éparse, les différents arguments qui seront exploités de manière cohérente dans le roman.

L’expérience de la défaite, la rencontre avec l’histoire : Barnave et ses écrits historiques

Les écrits sur la Révolution d’Antoine Barnave sont bien connus. De Jaurès à Furet plusieurs historiens ont déjà souligné la capacité de l’auteur de s’abstraire des contingences révolutionnaires pour replacer la rupture révolutionnaire à l’intérieur d’un parcours séculaire d’émancipation du Tiers Etat. Il restait à comprendre les conditions d’écriture de ces textes. Comment un acteur révolutionnaire peut se faire historien de l’événement auquel lui-même a participé ? Quels sont les ressorts et les enjeux de l’écriture historique en Révolution ? C’est à cette double question que souhaite répondre le présent article, en explorant la tension heuristique qui lie engagement politique et écriture de l’histoire. Après avoir retracé la formation culturelle de Barnave et les circonstances où il élabore ses textes historiques, il est question de voir comment l’expérience de la lutte politique, d’abord ,et de la défaite ensuite, obligent l’ancien révolutionnaire à concevoir et s’interroger sur les conditions qui rendent possible la réalisation de l’événement révolutionnaire. Par-là son œuvre, conçue comme une simple mémoire défensif, se transforme enfin en une réflexion originale et unique de la lutte révolutionnaire.

Figures défigurées et coeurs formés : Prévost romancier face aux insuffisances du portrait

2018

Lorsqu'on essaie de caractériser l'oeuvre romanesque de Prévost, il apparaît rapidement que, par rapport à ses contemporains, Prévost est relativement avare en portraits 1 . Ce choix narratif contraste avec la production de son époque, notamment les romans-mémoires de ses contemporains : Marianne s'emploie à décrire ceux qu'elle a rencontrés 2 ; Meilcour ménage dans ses Mémoires une place pour le portrait de son ancien maître Versac... Cet aspect de l'oeuvre n'a pas échappé aux critiques : Frédéric Deloffre, dans sa préface aux Illustres Françaises, célèbre le portrait challien en lui opposant la « pauvreté des portraits 3 » prévostiens. En effet, tant dans ses romans-mémoires que dans ses romans historiques, Prévost n'a pas volontiers recours à des portraits en formeentendons par là le portrait comme passage rhétoriquement codifié, plus ou moins isolé dans la narration par une pause descriptive et disposant d'une cohérence interne. On observe ce phénomène tant dans ses romans-mémoires que dans ses romans historiques, qui se distinguent pourtant par des organisations narratives profondément différentes : les premiers sont écrits par un personnage fictif qui compose le récit de sa propre vie en faisant appel à sa mémoire ; les seconds par un narrateur historien, parlant à la troisième personne de personnages dont il retrace la vie à partir de sources diverses. Les deux romans historiques de Prévost, les Histoires de Marguerite d'Anjou et Guillaume le Conquérant, ne présentent pas formellement les portraits de leurs héros respectifs et s'attardent peu sur ceux des acteurs secondaires. Dans les romans-mémoires, de la même façon, les mémorialistes composent rarement le portrait des autres personnages : on ne verra ainsi jamais passer le portrait de Bridge, le demi-frère de Cleveland que ce dernier laisse pourtant parler pendant près d'un Livre dans ses Mémoires.

Le Cleveland de Prévost comme roman de la catastrophe

Il arrive, on le sait, que le hasard rencontre la nécessité. Le hasard de mes propos résulte de circonstances que je voudrais évoquer rapidement. La première est l'invitation chaleureuse qui m'a été faite de venir m'associer à vos travaux sur la représentation de la catastrophe à l'âge classique. Il s'est trouvé également que Cleveland a été mis au programme de l'agrégation, ce qui m'a donné à la fois l'occasion et l'envie un peu présomptueuse de faire entendre un peu la voix de Prévost à d'une assistance souvent bien plus compétente que moi. Avec cette voix, c'est aussi souvent celle de Jean Sgard que nous entendons, et je ne saurais dire tout ce que mes remarques lui doivent. Ces contingences me reconduisent cependant au noyau d'une inquiétude ancienne, en me rappelant à un autre ordre de circonstances. La catastrophe fait partie de notre situation, elle compte parmi les événements qui se dressent épisodiquement autour de nous et qui nous font ce que nous sommes. Nous vivons dans la catastrophe : avec celles dont nous provenons, celles qui partagent un temps notre présent, ou vers lesquelles, semble-t-il, nous nous dirigeons. Plus souvent, nous vivons entourés de leurs images. Or, singulièrement, ces images nous les aimons. Leur profusion suffit à indiquer combien nous les désirons. La catastrophe, nous la recherchons, nous l'engendrons, et, peut-être, la suscitons-nous à force de nous empresser autour d'elle. Quel étrange agrément – nous ne devrions pas l'éprouver – nous procurent de telles représentations ? Il est difficile de ne pas songer à cette sorte de satisfaction que nous avons à regarder des figures de monstres, à contempler des images d'objets répugnants, ou encore à entendre les récits des malheurs d'autrui. Les images de la catastrophe participent des plaisirs paradoxaux dont s'étonnait déjà la Poétique. Il y a dans cet attrait pour le désastre un pouvoir des fables, une puissance des représentations, où il est certain que nous nous frayons un étrange accès à nous-mêmes. S'agit-il du soulagement que l'on peut éprouver en considérant un malheur qui nous épargne ? Du sentiment de sécurité que nous procure un temps l'idée d'un désastre dont nous sommes prémunis, grâce à la distance qu'interpose le temps, l'espace ou le pouvoir d'amortissement propre aux représentations ? Est-il question de goûter l'occasion renouvelée de s'adonner aux délices de la compassion ? De la joie de voir surgir les circonstances où peuvent se révéler les héros ? Espérons-nous par là conjurer des maux qui nous menacent ? Aimons-nous danser sur l'abîme ? Plus étrangement, ne s'agit-il pas de prendre part, de manière assez proche pour y être intéressés, mais aussi assez lointaine pour ne pas tout à fait nous y reconnaître, à des désastres dont nous aimerions être les auteurs ; de satisfaire par là nos envies troubles d'être des catastrophes, aussi puissantes que ravageuses ? Parmi ces possibles, je voudrais

Théâtralisations du romanesque chez Duteurtre, Salvayre et Chevillard

L’Annuaire théâtral: Revue québécoise d’études théâtrales, 2003

Résumé Cet article a pour but de proposer une nouvelle interrogation sur la relation complexe entre le roman et le théâtre à travers l’analyse de trois oeuvres narratives françaises contemporaines : Les malentendus de Benoît Duteurtre, La conférence de Cintegabelle de Lydie Salvayre et L’oeuvre posthume de Thomas Pilaster d’Éric Chevillard. Il s’agit d’abord de montrer comment les textes représentent trois possibilités très différentes d’incorporer le matériau théâtral à une oeuvre narrative. Puis, il importe de voir comment les effets de théâtralité se produisent dans le roman et quelle en est la signification. L’étude de chacun des ouvrages révèle la richesse textuelle de cette hybridité entre le narratif et le dramatique (ou le théâtral). Enfin, elle tend à montrer l’originalité émanant de ces trois oeuvres qui placent la théâtralité au coeur de la démarche romanesque.