Quelques notes sur le Tarquin et Lucrèce de Titien à Cambridge : un « palimpseste » oublié ? (original) (raw)

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References (6)

  1. entière 25 . Sur la médiane verticale du tableau, l'anneau de Lucrèce, si manifeste que peu de commentateurs le signalent, ne revêt-il pas encore une fonction symbolique ? Portée sur la main qui repousse fermement la poitrine de son agresseur, l'alliance de la mariée [ill. 6] ne pourrait-elle pas être considérée comme une allusion à la coalition chrétienne de la Sainte-Ligue qui doit repousser l'envahisseur musulman ? 26 A contrario, dans la version de Vienne du même sujet, que le peintre réalise vraisemblablement pour lui-même, Lucrèce est dénuée des symboles traditionnels du mariage 27 . Méditation intime sur la cruauté, la composition est simplifiée, débarrassée des oripeaux symboliques. Quand Titien peint pour le roi d'Espagne, sa démarche picturale est bien différente. Envoyé quand se propage « la calamité des temps présents, durant lesquels, en raison de 25 La figure de Lucrèce n'est sans doute pas seulement la personnification précise de Chypre comme l'affirme Hosono (op. cit., p.152) mais plutôt un réceptacle polyvalent, agissant 'ambivalence. Au demeurant, dans sa lettre à Philippe II, du 1 er août 1571 (Cf. Cloulas, 1967, p. 276), Titien lui-même qualifie Lucrèce de « romana violata », « romaine violée ». La mention explicite de l'origine géographique de Lucrèce éloigne l'identification de Lucrèce aux seules Chypre/Venise (Cf Daniela Bohde, Haut, Fleisch und Farbe. Körperlichkeit und Materialität in den Gemälden Tizians. Emsdetten / Berlin : Imorde, 2002, p. 191.
  2. Le principe analogique ou métaphorique de présenter une chose pour en désigner une autre est d'ailleurs explicité par Titien à Philippe II dans sa lettre du 1 er décembre 1561 (Cloulas, op. cit., p. 251). Titien y déclare qu'en regardant le visage peint de Marie- Madeleine, le roi pourra voir l'expression de son propre dévouement à son égard : « La M. V. si degnerà dunque di accetarlo e goderlo per favorire il suo fedelissimo servitor Titiano come una arra della devotion mia verso lei, della qual devotione ella contemplera l'exempio da quella che è espressa nel volto di questa santa verso Dio ».
  3. Titien, Tarquin et Lucrèce, huile sur toile, 114 x 110, ca. 1570, Akademie der bildenden Künste, Vienne, inv. GG-1304. Consultable en ligne. <http://www. akademiegalerie.at/de/Sammlung/Bildinformation/?image_name=55&active_ image=8&GALLERY_ORDER=11,78,25,31,79,20,10,54,55,21,15,84,47,80,56,16 ,58,87,99,6,22,100,30,8,75,64,95,39,72,18,61,57,71,29,60,40,43,82,81,17,86,97, 93,107,19,4,53,14,26,28,101,34,50,2,73,76,62,85,65,74,63,37,24,91,32,51,83,23, 96,92,48,88,52,35,13,102,5,68,77,70,9,104,7,89,59,106,69,90,44,3,41,105,98,45, 33,1,94,49,67,66,36,46,42,27,103,12,38&mode=28&ART_Name=0&&ARTIST_ Name=&GENRE_Name=&opener=http://www.akademiegalerie.at/de/Sammlung/ Virtuelle%20Galerie/&final=>. Cette version, d'une facture bien plus personnelle, caractéristique du non finito, ne serait-elle pas d'ailleurs la première de la série des Tarquin et Lucrèce, l' « inventione » que signale Titien dans sa lettre du 26 octobre 1568 au roi d'Espagne (Cloulas, op.cit., p. 275) ? Cela expliquerait comment il a pu réagir si rapidement à la commande du gouvernement vénitien : ayant déjà travaillé le sujet (documentation, « ébauche » personnelle), il lui était facile d'agir prestement avec l'aide de son atelier. Quelques notes sur le Tarquin et Lucrèce de Titien à Cambridge : un « palimpseste » oublié ? la guerre qui s'éternise, tout le monde pâtit » 28 , le Tarquin et Lucrèce relève d'une logique discursive selon laquelle se déploie un dispositif visuel élaboré, destiné tant à émouvoir 29 qu'à convaincre 30 .
  4. Lettre de Titien à Philippe II, du 1 er août 1571, traduite in Flavio Caroli, Stephano Zuffi, Titien, Paris : Fayard, 1991, p.300.
  5. La peinture joue notamment avec l'horizon d'attente du spectateur vis-à-vis de l'image érotique, que ce soit par le schéma compositionnel général (comparable aux réalisations antérieures, le plus souvent gravées, sur le même sujet), par l'iconographie (nudité féminine, coussins, pantoufles, bijoux) ou par la facture (la touche vibrante de la chair féminine).
  6. La fonction érotique de l'oeuvre est décevante, en particulier au regard des « poesie » de Titien justement adressées à Philippe II. La vénusté de Lucrèce fait défaut (Brock Maurice, « Deux observations sur les Tarquin et Lucrèce de Titien ». Venezia cinquecento, XVIII, 36, 2008, p. 91-116), la figure féminine est indéniablement une épouse qui défend sa vertu dans les larmes. Son intégrité morale ne fait pas de doute. L'ambivalence de l'oeuvre, « Nackte Gewalt oder erotische Nacktheit ? », « violence nue ou nudité érotique ? », (Daniela Bohde, op. cit., p. 179-200, Gludovatz Karin, « Poietik der Ambivalenz. Zur Sinngenerierung in Tizians Vergewaltigung der Lucretia (1571) ». Querelles-net, XI, 3, 2010. [En ligne] http://www.querelles-net.de/index.php/qn/ article/view/901/895 [consulté le 5 novembre 2017]), trouverait dès lors une forme de résolution. Titien stimulerait la curiosité et le désir du roi destinataire mais, dans le même temps, les déjouerait et conduirait à envisager la scène autrement que sous un jour érotique… renouant avec « la tradition qui veut que l'épisode ait une portée politique » (Gentili, op. cit., p. 370). Quelques notes sur le Tarquin et Lucrèce de Titien à Cambridge : un « palimpseste » oublié ? Ill. 3 -Anonyme, Dragon turc à l'assaut des mers, gravure, in Nazari, Discorso della futura vittoria, 1570, f. 6, Bayerische Staatsbibliothek München. Ill. 4 -Anonyme, Dragon turc affronté à l'aigle impérial, à l'agneau papal et au lion vénitien, gravure, in Nazari, Discorso della futura vittoria, 1570, f. 19, Bayerische Staatsbibliothek München. Ill. 5 : Martino Rota, Vitoria, ca.1571-1572, gravure, 15,1 x 20,4 cm, British Museum, Londres, inv. 1873,0809.803. Allégorie de la bataille de Lépante : tandis qu'un dragon en cage est monté par un Turc, la porte de la cage est ouverte par la colombe du Saint-Esprit. Cette action permet au lion vénitien et à l'aigle espagnol de dévorer un autre Turc.