Politique d'évaluation des apprentissages et médiatisation d'une controverse professionnelle: ou comment la pédagogie et le «bon sens» s' affrontent (original) (raw)

Cet article analyse le rôle des médias dans les controverses éducatives. Le cas à l'étude est le débat médiatique québécois autour de la politique d'évaluation des apprentissages associée à la réforme des programmes d'enseignement primaire et secondaire, initiée à la fin des années 90. Nous dégageons les termes de ce débat, tel qu'il a été construit par les médias, et en référant aux différentes dimensions de la légitimité de Suchman (1995). Le texte illustre des effets potentiels sur le travail enseignant de la remise en question de politiques et de normes pédagogiques définies par l'autorité ministérielle, par des acteurs extérieurs à l'éducation, ici des journalistes. L'analyse révèle qu'à l'occasion du débat sur l'évaluation des apprentissages, c'est le procès du ministère de l'éducation, de sa précipitation et de son impréparation qui est fait, donnant lieu à une critique de la légitimité pragmatique et cognitive de ce qu'il a proposé comme politique d'évaluation. Mais c'est aussi celui d'une conception pédagogique et morale de l'école qui est fait. Sous cet aspect, il dépasse le contenu spécifique et restreint de l'évaluation et semble vouloir s'attaquer à un ensemble d'idées Ŕ par ailleurs, réduites à une caricature Ŕ qui auraient dominé la seconde moitié du 20 e siècle et qui seraient responsables des échecs répétés des réformes systémiques et des tentatives locales d'améliorer l'école. Cet article analyse le rôle des médias dans les controverses éducatives. Le cas à l"étude est le débat médiatique québécois autour de la politique d"évaluation des apprentissages associée à la réforme des programmes d"enseignement primaire et secondaire, initiée à la fin des années 90. Nous dégageons les termes de ce débat, tel que construit par les médias, et en référant aux trois dimensions de la légitimité de Suchman (1995). Ainsi, dans un premier temps, l"article pose des jalons d"analyse du rôle des médias dans les controverses éducatives ; dans un second temps, il analyse un corpus d"articles de journaux, soit des éditoriaux et des chroniques, rédigés par des journalistes professionnels. L"analyse met en évidence les dimensions de la critique des journalistes du projet ministérielqui culmine triomphalement chez plusieurs dans un discours de la dérision. Le texte illustre, en ce sens, des effets potentiels sur le travail enseignant de la remise en question de politiques et de normes pédagogiques définies par l"autorité ministérielle, par des acteurs extérieurs à l"éducation, ici des journalistes. L"évaluation des apprentissages, son objet (des connaissances et des compétences), son mode de communication (bulletin chiffré, avec moyenne et pourcentages, ou critérié, avec des lettres), et ses conséquences (promotion, redoublement ou non-redoublement), sont au coeur du projet scolaire et du travail enseignant : ils influent sur les buts, l"organisation et le déroulement de ce travail. Les enseignants ne peuvent faire abstraction des prescriptions dans ce domaine et composent avec elles. Il n"est donc pas trivial que l"évaluation soit débattue sur la place publique, et qu"elle ne soit pas considérée comme du domaine exclusif des enseignants. De plus, l"évaluation est un enjeu de première importance pour les parents soucieux d"assurer la réussite scolaire et sociale de leurs enfants. C"est pourquoi, si l"évaluation « appartient » aux enseignants dans son application, elle relève dans notre société, pour ses orientations fondamentales et ses principes d"organisation, des instances politiques. Les périodes de réforme des programmes d"enseignement modifient plus ou