Rhétorique, public et "manipulation", Hermès n°38, 2004 (original) (raw)

"Nous sommes le public". Apports de la Rhétorique à l'analyse des publics. Réseaux n°126, 2004

2004

In this article the author applies Perelman's theory of argumentation to develop an intermediate level of reception between the 'model viewer'? and the 'public'? as a community of use: the 'audience'?, a limited collective constructed by viewers in response to a collective targeted by a particular programme. He starts with attested reactions such as readers' mail and analyses how viewers construct the collective that gives the programme meaning for them, while the relationship with a programme guarantees a relationship with a text. There are thus recurrent forms of audience production that the author calls repertoires.

« Efficacité du performatif dans les rituels politiques », Hermès, n°43, décembre 2005, p.31-37.

Même dans des régimes ne reposant pas sur l'idéal de souveraineté populaire, rares sont les gouvernants qui se passent de manifestations contrôlées attestant du soutien ou de l'obéissance que peut leur témoigner le peuple. À travers des cérémonies civiques, l'objectif est que se dégage de la foule assemblée un sentiment d'unité, de cohésion. Les gouvernants en profitent pour mobiliser les individus, pour les conditionner, de façon à les faire adhérer en actes aux desseins du pouvoir, par une participation pleine et entière de l'âme et du corps. Il s'agit de jouer de tout le pouvoir performatif des rituels collectifs. L'obéissance aux règles du rituel manifeste la soumission du peuple au pouvoir. Et le rituel assure, par sa médiation, l'apprentissage politique, car en imposant le respect des formes, les individus sont amenés à incorporer les formes du respect. Il s'agit d'utiliser des rituels pour servir à l'édification morale du peuple, comme le rappelle Claude Rivière pour qui « la liturgie peut être un mode de gestion du politique en ce qu'elle fait assumer les normes ». 1 Le rituel a vocation à traduire en symboles et en comportements, les idéaux politiques, car il transmet, par le corps, par l'investissement personnel, des modèles normatifs, dont l'efficacité provient de ce qu'ils sont vécus et ressentis. En effet, le pouvoir performatif de ces rituels « a pour effet l'incorporation de structures de pouvoir au moyen de la structuration et constitution du monde et de la perception ; il crée un habitus qui trouve son expression autant dans des styles de vie spécifiques que dans la reconnaissance d'autorités et de hiérarchies. […] Le corps est ainsi la mémoire du social ». 2 Quelque soit le cadre politique, on peut dire que le recours aux rituels politiques est crucial pour les pouvoirs en place. Non pas parce que les rituels seraient exclusivement une source de consensus, de maintien de l'ordre social, comme le croyait Émile Durkheim, mais plutôt, comme l'écrit David Kertzer, parce que le rituel « permet de créer des solidarités sans qu'il existe nécessairement un consensus ; il canalise la perception populaire des événements ; il favorise la formation d'organisations politiques ; il fonde des légitimités ». 3 L'implication pleine et entière du corps et de l'esprit est recherchée. Les rituels usent de toutes les ressources du performatif pour remplir les objectifs politiques assignés à ces cérémonies. Les défilés encadrés, les serments solennels, les actes de communion collective, tous est mis en oeuvre pour assurer un conditionnement idéologique et valoriser l'idéal d'harmonie sociale et politique.

La rhétorique de l'indignation ou le maniérisme cosmopolitain (2012)

Cette petite étude cherche à s'interroger et à interroger l'indignation qui non seulement occupe et préoccupe les médias mais apparaît aujourd'hui, d'une certaine manière, comme le média par excellence de la posture politique dite « engagée ». On pense naturellement au mouvement des Indignés se réclamant du petit pamphlet de Stéphane Hessel et faisant parler d'eux çà et là, de plus en plus fort, à la surface du globe. Indignés « high-tech » s'appuyant sur une large diffusion, via les réseaux sociaux, de leur mot d'ordre : « United for Globalchange ». Nous pensons toutefois que la conscience indignée -signifiant originairement le regard distant de l'âme qui refuse de prendre part à l'injustice -s'est enlisée aujourd'hui dans « un maniérisme » tel que le rapport même de notre être à la cité se voit ébranlé. Maniérisme dont la prose pathétique de Hessel ne serait donc qu'une expression.

Hermès ou vers un effacement de la dichotomie genrée?

Caietele Echinox

The myth of Hermes is well rooted in the Parisian intellect which has always shown interest in the doctrine of Hermes Trimesgisto. This has been the case irrespective of whether we situate the origins of the myth in the Hermaphroditic Greek statues (in which according to Winckelmann and Gautier the ideal form, the beautiful in itself resided), or whether these origins emanate from the famous “Hermes of Olympia” in 1877, or the complete translation of the Hermes Trimegisto by L. Ménard in 1866 (this translation was preceded by a study on the origin of the hermetic books). The figure of Hermes leads us, therefore, from the 19th century to the present day, towards a doubleness that allows differences to be interconnected and to an ambiguity that suggests that the established duality of genres should disappear.

La rhétorique comme misdirection : l’art du bien parler et les tours de magie

Pallas, 2013

Ma contribution 1 porte sur la métaphore du prestidigitateur appliquée à la rhétorique. Elle appartient à mon étude générale sur l'image du prestidigitateur dans les littératures grecques et latines. Sur ce sujet, que je sache, il n'existe pas d'étude exhaustive, alors qu'il y en a beaucoup sur la magie. Le prestidigitateur devait pourtant être un personnage assez commun : le Digeste 2 prévoit des peines pour les accidents causés par les enchanteurs de serpents, et le prestidigitateur pouvait être un sujet occasionnel de portrait. Pline l'Ancien 3 rapporte l'histoire d'une femme peintre, Irène ou Calypso (selon qu'on interprète Calypso comme nominatif ou accusatif) qui aurait peint un ancien prestidigitateur, Théodore. Praestigiator est un mot si commun qu'il est employé par Varron 4 comme exemple de nomen agentis professionnel formé par le préfixe-tor. L'art de l'illusion, cela va sans dire, ne fait pas partie des arts transmis par écrit. On peut donc le reconstituer seulement par voie indirecte, à travers d'occasionnelles citations ou des métaphores dans des oeuvres qui parlent d'autre chose. Mon intervention trouve son origine dans le fait que la métaphore de la prestidigitation se trouve souvent liée à l'art de la parole. Je souligne prestidigitation, car on doit ici préciser : le mot « magie » est en effet équivoque ; il peut indiquer des pouvoirs surnaturels, ou bien leur simple simulation par l'art de l'illusionnisme. Le mot « magicien », en français, peut se référer tout simplement à un artiste, et non pas à un médium doué de pouvoirs surhumains. Il existe, cependant, une zone d'ombre entre magie et prestidigitation, qui passe à travers un mécanisme : celui de la suspension de l'incrédulité, dans le meilleur des cas, et, dans le pire des cas, celui de l'imposture. J'essaierai ici de me limiter au domaine de l'illusionnisme, puisque les liaisons

Les métamorphoses de la critique littéraire : le cas des Grands Rhétoriqueurs

e-Scripta Romanica, 2020

L’analyse de l’attitude des critiques à l’égard de la poésie des Grands Rhétoriqueurs permet d’observer les changements intervenus au sein de l’histoire littéraire. Longtemps méprisés et pratiquement exclus de la liste des poètes importants, les Rhétoriqueurs ont enfin su gagner la bienveillance des chercheurs et retrouver, dans la seconde moitié du XXe siècle, leur place dans l’histoire de la littérature française. Ce changement notoire stimulé de nouvelles recherches dans des champs de la littérature complètement oubliés jusqu’alors.