L’esthétique italienne, duNovecentoau XXIe siècle (original) (raw)
Propos recueillis par Paolo Quintili Autoportrait J'ai toujours éprouvé beaucoup de difficultés à écrire sur moi-même, et tout ce que j'ai pu accomplir en ce sens je l'ai fait en tentant de me conformer à la maxime de Baltasar Gracian : « Ne parler jamais de soi-même. Se louer, c'est vanité, se blâmer, c'est bassesse ». Je ferai, donc, tous mes efforts pour adopter un ton le plus impersonnel possible, comme s'il s'agissait de parler d'un autre. Les personnes qui m'ont été les plus proches ont l'impression que deux visages se dégageraient de ma manière d'être comme de mes écrits : le premier, un « outsider » et l'autre, un « insider », plus intégré. Le premier appartiendrait à la révolution artistique et remonterait aux lectures d'adolescence, celles de Villon, Lautréamont et Rimbaud ; le second, à l'Université, qui a pu me procurer des ressources, les ressources pour vivre. Ces deux aspects seraient présents depuis le début et reflètent les figures de deux maîtres : Guy Debord et Luigi Pareyson. Il s'agit de deux personnages conceptuels aux antipodes l'un de l'autre. Le premier fut l'icône française la plus subversive du panorama culturel des dernières décennies du Novecento ; le second fut le philosophe le plus institué et le plus légitimé de la philosophie italienne des années soixante. Les deux furent des hommes de « grand style » et d'ambitions démesurées. Debord, complètement étranger aux mondes académiques, à ceux de l'édition, du journalisme, de la politique et des médias, a nourri à l'égard de l'establishment culturel le plus profond dégoût et le plus radical mépris. En dépit de cela, quinze années après sa mort, Debord fut