Chapitre 6. « La ville est hockey » : au-delà du slogan, une quête d’identité urbaine (original) (raw)
Audrey Laurin-Lamothe a choisi comme angle d'approche le caractère corporatif du Canadien. En retraçant les origines du club, sa composition ethnolinguistique et ses stratégies d'affaires, l'auteure tente d'observer les grands virages de l'organisation dans la représentation qu'elle donne d'elle-même et dans sa relation au public. Elle voit l'émergence dans les trois dernières décennies d'une marque qui s'est imposée comme agent culturel indéniable dans le paysage québécois. Cette expansion de la corporation dans le tissu social s'observe également sur le plan urbanistique. Dans ce contexte, on a vu émerger à Montréal un partenariat d'envergure entre la municipalité et le club. À partir du slogan « La ville est hockey », Jonathan Cha systématise l'entreprise poursuivie par les acteurs de cette synergie et y voit la conquête par le hockey de l'espace urbain. Enin, sur une note plus philosophique, Alain Deneault aborde la question de la partisanerie et de l'efet d'enthousiasme en s'interrogeant sur leur authenticité et sur leur implication dans la destruction du lien social. La déresponsabilisation à l'oeuvre chez le partisan euphorique l'amène à se demander à qui proite un tel efet de masse. Politique et sport sont, selon lui, inextricablement liés dans un processus aliénant que nous nous devons de considérer. * Une première version de cet article a été publiée dans Bulletin d'histoire politique, 2003, 11 (2), p. 30-44. he fact that 75 % of the citizens of Montreal and a similar percentage of the Forum regulars are warm-blooded, excitable French-Canadians-and what is more, a hero-hungry people who think of themselves not as the majority group in their province but as the minority group in Canada-goes quite a distance in explaining their idolatry of Richard. « If Maurice were an English-Canadian or a Scottish-Canadian or a kid from the West he would be lionized, but not as much as he is now », an English-Canadian Richard follower declared last month. « I go to all the games with a French-Canadian friend of mine, a fellow named Roger Ouellette. I know exactly what Roger thinks. He accepts the English as as good as anyone. But he would hate to see the French population lose their language and their heritage generally. He doesn't like that fact that the government's pension checks are printed only in English. He feels that they should be printed in both English and French since the constitution of the Dominion provides for a two-language country. For Roger, Maurice Richard personiies French Canada and all that is great about it. Maybe you have to have French blood, really, to worship Richard, but you know, you only have to be a lover of hockey to admire him 3. » Bref, Richard représentait non seulement une personne à laquelle les gens du « petit peuple » canadien-français pouvaient s'identiier, mais aussi un personnage qui suscitait une admiration sans borne pour ses exploits sportifs. Il symbolisait un Canadien français qui avait « réussi », qui était « meilleur que les Anglais ». Il possédait ainsi les qualités nécessaires pour devenir un modèle, et éventuellement un emblème mobilisateur pour les Canadiens français. Un trait distinctif : l'afirmation de sa ierté nationale Il était peu fréquent, à l'époque, qu'un ouvrier peu scolarisé exprime publiquement sa ierté nationale. Cette action politique était davantage l'apanage de l'élite canadienne-française. Or, Richard se démarquait par ses manifestations publiques de ierté nationale et par ses dénonciations de la domination anglophone dans le domaine du sport. En efet, le Maurice Richard des années 1950 était loin du personnage apolitique que certains commentateurs contemporains ont évoqué. D'une part, il fut associé aux débuts du courant d'airmation nationale en participant, en 1952 et en 1956, à la campagne électorale de Maurice