M. Heijmans, L. Pietri, Le « lobby » lérinien: le rayonnement du monastère insulaire du Ve au début du VIIe siècle, in : Lérins. Une île sainte de l’Antiquité au Moyen Âge, Turnhout 2009, p. 35-61. (original) (raw)
Le « Lobby » LÉrinien : Le rayonnement du monastÈre insuLaire du V e siÈcLe au dÉbut du VII e siÈcLe Marc HeIjMans et Luce PIetrI [centre Lenain de tillemont, umr 8167, université de Paris-sorbonne / cnrs] À tenter de mesurer, après bien d'autres historiens 1 , l'influence du monastère de Lérins, force est de constater que l'on se trouve en présence d'un phénomène qui n'a pas de parallèle dans l'occident de l'antiquité tardive : d'un foyer demeuré unique, la petite île située au large du cap croisette, sur la côte provençale, est issue une lignée ininterrompue de personnalités qui, éprises d'un idéal commun, ont fait durablement rayonner celui-ci pendant deux siècles dans un large périmètre géographique, une grande partie de la Gaule et, au-delà, jusqu'en italie, en espagne et en bretagne. certes, d'autres établissements, pour se limiter aux plus célèbres d'entre eux, le monastère fondé par martin près de tours, la fraternitas réunie à nole en campanie par Paulin ou le Vivarium créé par cassiodore dans le bruttium, voire, en afrique, les communautés rassemblées par augustin à thagaste puis à Hippone, ont eux aussi brillé d'un vif éclat mais qui, étroitement lié à l'aura charismatique de leurs fondateurs respectifs, s'est éteint avec ceux-ci. Quant au monastère de Condadisco dans le Jura ou à celui d'agaune dans le Valais, s'ils ont plus longuement perduré grâce à la succession des abbés placés à leur tête, l'impulsion donnée à la vie monastique par ces derniers n'a pas dépassé un cadre strictement régional. comment expliquer dans sa singularité la longue emprise du mouvement lérinien sur la vie des Églises du V e et du VI e siècle ? en appliquant aux Lériniens le terme familier à nos sociétés de « lobby », nous avons tenté d'utiliser -avec les précautions que requiert toute comparaison entre des notions d'époques différentes -non pas la clé mais une clé permettant de démonter certains des ressorts ayant assuré dans l'antiquité tardive le succès des insulaires. Loin de nous, bien évidemment, l'intention d'assimiler la communauté lérinienne à l'un de ces groupes de pression modernes qui, souvent avec des moyens réprouvés par la morale, 1. Parmi les publications relatives à Lérins dans l'antiquité tardive, retenons s. PrIcoco, L'isola dei santi. Il cenobio di Lerino e le origini del monachesimo gallico, rome, 1978, qui demeure l'ouvrage fondamental ; a. de Vogüé, Histoire littéraire du mouvement monastique dans l'Antiquité, t. 7, Paris, 2003 ; m. Labrousse, « Les origines du monastère (V e -VII e siècle) », dans Histoire de l'abbaye de Lérins, abbaye de bellefontaine, 2005, p. 23-124 (avec la bibliographie récente, p. 529-538). cHaPItre I Le rayonneMent de LérIns sous Les troIs PreMIers abbés (d'Honorat à Fauste)