Le tournant obscurantiste en anthropologie (original) (raw)

© École des hautes études en sciences sociales IMAGINONS UN voyageur débarquant d'une autre planète ou d'une autre époque dans l'Europe ou l'Amérique du Nord contemporaines : il ne pourrait manquer d'être frappé, entre autres motifs d'étonnement, par la place et le statut, pour le moins paradoxaux, que nous, les Occidentaux, assignons aux animaux. Tandis que nous livrons les uns-bovins, porcins, volaille-à une exploitation impitoyable, de plus en plus massive, nous surprotégeons et maternons les autres-les « animaux de compagnie »presque comme nos propres enfants. Qui plus est, certains d'entre nous militent en faveur des animaux comme d'autres en faveur des humains : n'a-ton pas vu, à Paris à l'automne 2010, parallèlement au mouvement de contestation de la réforme des retraites, d'autres manifestants réclamer pour les lapins des cages plus spacieuses ? C'est ce que, à la suite d'Ernest Hemingway (1938 [1932] : 19), j'appellerai le phénomène « animalitaire ». D'autres encore, parmi lesquels des savants ayant pignon sur rue, discutent doctement de l'animalisme comme d'une notion allant de soi, ou d'une « ontologie » parmi d'autres… L'usage variable qui est fait du mot « animalisme » nécessite ici une mise au point. Tantôt, en effet, il désigne la prise en compte des animaux par les sciences de l'homme et de la société. Dans ce sens, l'animalisme ne date pas d'aujourd'hui, ainsi qu'en témoignent des disciplines désormais APARTÉS