Sortir de la défaite, définir le traumatisme : l'Équateur défait par le Pérou (1941-1947) (original) (raw)
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Cipango, 2008
« Un homme m'a dit que vous étiez l'un de ceux qui avaient tiré à la courte paille pour désigner celui qui tuerait Hashimoto Giichi, un homme pour qui j'avais beaucoup de respect... Vous l'avez abattu, puis avez fait passer cela pour une mort naturelle. ». C'est avec ces mots que le caporal Okuzaki Kenzō 奥崎謙三 (1920-2005), anciennement membre du 36 e corps du Génie, s'adresse avec colère à son ancien officier supérieur, le sergent Yamada, quarante ans après la fin de la guerre. Cette confrontation ouvre le neuvième chapitre du remarquable documentaire de Hara Kazuo 原一男 (né en 1945), Yuki yukite shingun ゆきゆきて神軍 (1987) 1. Dans celui-ci, on suit les démarches d'Okuzaki qui débusque, l'un après l'autre, les officiers et sous-officiers impliqués dans l'exécution de ses compagnons en Nouvelle-Guinée en 1945. 2 Le chapitre enchaîne sur cet échange bouleversant entre les deux hommes : Yamada : « Il y a des choses qui sont tout simplement trop douloureuses pour que l'on puisse en parler... Si vous aviez lu ce que j'ai écrit, vous auriez compris ce par quoi je suis passé… Nous mangions des racines, de l'herbe, nous mangions tout ce qui se trouvait entre les racines et la cime des arbres. » Okuzaki : « Tous ceux qui ont participé à la guerre ont écrit ce genre de choses… Je ne suis pas venu ici pour écouter des banalités. » Yamada : « J'ai décidé de ne rien dire de plus. J'ai simplement été entraîné par mes supérieurs… » Okuzaki : « Mais bien sûr… Si, comme vous le dites, vous êtes vraiment touché par le sort qu'ont subi vos compagnons disparus, eh bien, parlez ! Quel autre moyen avons-nous d'empêcher les hommes de perpétrer de nouveau de telles atrocités ? Vous avez connu l'enfer. Comment pouvez-vous prétendre apaiser les âmes des morts de cette guerre sans évoquer cet enfer ? Vous gardez le silence par peur de ce que penseront votre femme, vos enfants et vos petits-enfants, c'est ça ? J'ai amené ici avec moi le frère de Hashimoto pour qu'il entende la vérité sur ce qui s'est passé. Vous n'avez rien à dire ? Vous n'allez pas vous excuser ? » Le traumatisme du Pacifique Cipango, 15 | 2011
De pierres et de larmes. Mémorialisation et discours victimaire dans le Pérou d'après-guerre (2016)
Une victime de la guerre est a priori tout ce qu’il y a de plus objectivable. A priori seulement, et c’est tout l’enjeu de ce livre que de mener un examen approfondi de cette catégorisation à travers l’usage qui en est fait dans différents contextes sociaux. Des « pierres » aux « larmes », des monuments publics à l’incorporation du vécu de la violence, cette étude articule une anthropologie politique à une anthropologie de la personne. L’analyse des usages sociaux de la mémoire de la récente guerre civile au Pérou, menée à une échelle nationale et locale, est complétée par une ethnographie de l’intime rendant compte de l’expérience de la violence armée, de ses effets sur les individus et des vives tensions et rancœurs qui structurent toujours le quotidien. À partir d’un long travail d’enquête mené dans trois communautés paysannes andines et dans la capitale du pays, les regards que portent les militants de défense des droits de l’homme sur les paysans des Andes, principales victimes de la guerre, sont confrontés aux regards que ces derniers portent sur eux-mêmes et sur leur place dans la société nationale. Dans ce jeu de miroirs déformants, L’Œil qui pleure, un monument aux morts érigé à Lima en 2005 puis reproduit dans la communauté andine de Llinque en 2008, constitue un fil rouge permettant de comprendre les modalités d’élaboration de la mémoire au Pérou ; lesquelles renvoient aussi à des positionnements sur l’échiquier politique et des constructions de l’« Autre » intérieur : la victime, le paysan andin, le terroriste, le paysan-citoyen et/ou encore le paysan « entrepreneur de mémoire ».
Le conflit entre l'Equateur et le Pérou (1995)
Mémoires du XXeme siècle. Année 1995 , 1996
El artículo expone un balance sintético sobre la coyuntura geopolítica que vivió Ecuador durante el año 1995, con énfasis en los principales eventos políticos, económicos y sociales. Describe las acciones de los principales actores y protagonistas, y evalúa sus consecuencias sociales para el país.
Journal des anthropologues, 3-4, n° 154-155, 2018, 183-214, 2018
L’issue de la guerre civile au Pérou – à savoir un État vainqueur de la subversion – a jeté les bases d’un récit mémoriel officiel binaire : aux innocentes victimes andines s’opposent les « terroristes » du Sentier lumineux, principaux producteurs de violence et de souffrance. Tout en démontrant qu’au souci d’intégration nationale des premiers, répond la dépéruanisation des seconds, l’article analyse le travail politique de fabrique de la catégorie générique de terroriste et de celle de la victime indigène. Il montre leur étroite relation avec l’héritage de la lutte anti-communiste menée par l’État et avec le legs colonial dans la hiérarchisation de la société péruvienne selon des critères ethnico-raciaux. À partir d’une ethnographie menée dans la capitale et dans les Andes, l’article analyse les modes de narration du passé. Il montre qu’ils sont construits en fonction de leur compatibilité avec les politiques de reconnaissance des dommages subis et à partir de critères d’innocence et de culpabilité qui n’acceptent aucun enchevêtrement possible dans la trajectoire d’un seul et même individu. La mobilisation publique du discours victimaire est ensuite mise en regard avec l’évocation intime de la souffrance et des rancœurs héritées de la guerre dans les campagnes andines. Dans ce cadre, émergent des récits qui permettent de dépasser la substantialisation des identités politiques et ethniques. Prenant le contre-pied d’une désociologisation des protagonistes de la guerre, la diversité de leur trajectoire est restituée. Elle est mise en perspective avec leur multipositionnalité sur l’échiquier politique du moment qui les oblige à « bricoler » avec les idées de réconciliation et de pacification des relations sociales que sous-tend le projet de justice transitionnelle promu par l’État et par différentes ONG. The Enemy Within and the Innocent Victim: Figures of polarization in Post-war Peru The outcome of Peruʼs civil war – a State triumphs over subversion – laid the foundations for a binary official memorial narrative: the innocent Andean victims on one side, and on the other the “terrorists” of the Shining Path, the main producers of violence and suffering. While demonstrating that the latter’s deperuvianisation responds to the concern for national integration of the former, this article analyses the political work of constructing the generic categories of terrorist and indigenous victim. It shows their close connection with the state-led anti-communist struggle heritage and the colonial legacy in the hierarchisation of Peruvian society according to ethno-racial criteria. Based on an ethnography conducted in the capital and in the Andes, the article details the narrative modes of the past. It shows that these narratives are constructed according to their compatibility with the policies of recognition of the damage suffered and are based on criteria of innocence and guilt that do not accept any possible entanglement in the trajectory of a single individual. The public mobilisation of victim’s discourse is then compared to the intimate evocations of suffering and resentment inherited from the war in the Andean countryside. Within this framework, tales emerge that allow one to go beyond the substantialisation of political and ethnic identities. In contrast to the desociologisation of the protagonists of the war, the diversity of their trajectories is restored and put into perspective with their multipositionality in the political game of the moment. This multipositionality forces them to “tinker” with the ideas of reconciliation and pacification of social relations underlying the transitional justice project promoted by the State and various NGOs. https://www.cairn.info/revue-journal-des-anthropologues-2018-3-page-183.htm
Mémoire traumatique et expérience brésilienne
Sociétés, 2011
Distribution électronique Cairn.info pour De Boeck Supérieur. © De Boeck Supérieur. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.
L'Enfant-Pain d'Agustín Gómez-Arcos : écrire le traumatisme
L'écriture d'Agustín Gómez-Arcos ne peut se départir des thématiques ayant trait à la guerre civile espagnole. L'entièreté de son oeuvre romanesque semble principalement motivée par le conflit ; on y décèle la prégnante nécessité de cristalliser le traumatisme que celui-ci a engendré au cours des interminables décennies franquistes. Si une telle « posture » littéraire est loin d'être exceptionnelle en ce sens qu'elle s'inscrit dans une longue tradition de « récits de guerre » – qu'ils soient contemporains ou non des conflits qu'ils évoquent –, elle en reste précisément infiniment éclairante sur ce qui constitue la spécificité de l'Homme et l'essence même de la littérature.
A Game of Scales in the Andes: the Peru-Ecuador Conflict and the WWII In July 1941, a longstanding border dispute between Peru and Ecuador broke out into a war. The Rio Protocol, signed January 1942, confirmed the fast Peruvian victory. As the international tensions were growing because of the United States entering war against the Axis forces, this secondary conflict between two strategic countries for the US interests, had contradictory links with the Second World War. It fastened the elimination of Axis subversion, slowed down the hemispheric rearmament, redefined the regional balance of power and demonstrated that little nations knew how to take advantage of US pressure.