L’art italien et sa périodisation selon Giovanni Previtali et Ferdinando Bologna (original) (raw)

Quelques réflexions sur la périodisation de l'art en Italie Les questions les plus discutées, ou qui reviennent en tout cas le plus souvent dans les périodisations de l'art italien, de manière explicite ou implicite, peuvent schématiquement se ramener à deux. La première consiste à savoir quand, où et s'il faut faire commencer l'histoire d'un art reconnaissable comme « italien », et porte sur la légitimité de l'expression « art italien », qu'il faut peut-être remplacer par « art en Italie » ; la seconde revient à se demander s'il est opportun, nécessaire ou erroné d'attribuer un rôle central aux moments d'innovation et de rupture 1. Si la première demeure étroitement liée à l'histoire tourmentée de la Péninsule, la seconde implique, à n'en pas douter, des choix méthodologiques qui vont bien au-delà des frontières nationales. Entre la fin des années 1970 et le début des années 1980, deux célèbres chercheurs italiens, Giovanni Previtali et Ferdinando Bologna, tous deux formés à l'école de Roberto Longhi, abordèrent ces problèmes fondamentaux dans deux volumineux essais antithétiques. Le premier, par ordre chronologique, est celui de Giovanni Previtali intitulé « La periodizzazione della storia dell'arte », qui ouvre la Storia dell'arte italiana, une ambitieuse collection publié aux éditions Einaudi à partir de 1979, dont Previtali dirigea les quatre premiers volumes 2. Le second essai, de toute évidence écrit à chaud, juste après la parution de celui de Previtali, et signé Bologna, constitue le premier volume d'une autre série monumentale, promue par les éditions UTET et intitulée Storia dell'arte in Italia, dont le premier tome parut à Turin en 1982, sous le titre La coscienza storica dell'arte italiana 3. Les questions définies plus haut ont sans doute une origine très ancienne, mais elles ont pris au X X e siècle une physionomie bien définie et provoqué de nombreuses polémiques. Il me semble plausible d'attribuer une certaine responsabilité à Heinrich Wölfflin et à son essai L'art classique : initiation au génie de la renaissance italienne (1899) dans la formalisation du débat sur la nature de l'art « italien » 4. Ce fut lui en effet qui, s'appuyant en partie sur le célèbre ouvrage de Jacob Burckhardt sur la Renaissance (1860) 5 , en vint à définir le parcours essentiellement classiciste du « sentiment de la forme » italien et, à l'opposé, celui, « expressionniste », de l'Allemagne, comme une sorte de vocation métahistorique des deux cultures figuratives 6. On vit alors apparaître une tendance à un nivellement unitaire du caractère complexe et articulé de l'art italien, souvent sous-tendue par des présupposés de nature idéologique. Les vicissitudes de l'unité italienne puis, au X X e siècle, certains courants nationalistes identitaires, contribuèrent à la favoriser. Pourtant, c'est justement l'héritage intellectuel d'Adolfo Venturi, fondateur, en Italie, de l'histoire de l'art comme discipline universitaire, qui donna naissance à deux écoles dominantes, nettement opposées 7. La première, dans la lignée de la tradition allant de Luigi Lanzi 8 à Giovanni Battista Cavalcaselle 9 et à Pietro Toesca 10 , a pour principal représentant Roberto Longhi 11. Celui-ci s'orienta résolument vers l'étude des cultures locales, du rapport entre les zones géographiques de production, en évitant avec soin toute tentation d'esprit de clocher et en