Municipalités méditerranéennes: les réformes urbaines ottomanes au miroir d'une histoire comparée (Ed.) (original) (raw)

Sanmartin, Florin, Madoeuf, Stadnicki, Troin, "Introduction", in Abécédaire de la ville au Maghreb et au Moyen-Orient, PUFR, 2020

B. Florin, A. Madoeuf, O. Sanmartin, R. Stadnicki, F. Troin (dir.), Abécédaire de la ville au Maghreb et au Moyen-Orient, PUFR, 2020

Le Maghreb et le Moyen-Orient, où sont nées les premières villes, abritent aujourd'hui quelque 500 millions d'habitants, citadins pour près de 70 % d'entre eux. Ce vaste espace régional, qui court de l'Atlantique à l'océan Indien et de la Méditerranée au Sahara, est essentiellement appréhendé sous l'angle des crises et des conflits, lequel occulte la complexité et les réalités d'un monde en profonde transformation, dont les mutations s'opèrent d'abord dans et depuis les villes...

Les pouvoirs urbains à Tunis à la fin de l'époque ottomane : la persistance de l'Ancien régime

Municipalités Méditerranéennes, 2005

Merci de citer comme tel. Le cas de Tunis est particulièrement intéressant pour l'étude des pouvoirs urbains entre fin de la période ottomane et colonisation. La ville est, en effet, au moment de la conception et de l'application des réformes, dans une situation particulière : elle commence déjà à échapper au pouvoir central ottoman, sous l'influence de la pression impérialiste européenne. Autant pour Tripoli 1 , il est encore temps, pour les réformateurs, de réorganiser pleinement les pouvoirs urbains afin de reprendre la main dans le jeu des factions de notables face aux prémisses d'influence clientéliste européenne, autant pour Tunis le processus est déjà engagé fort avant. Cette constatation ne signifie nullement que l'esprit des réformes n'est pas appliqué à Tunis avec tout le zèle nécessaire à l'espoir d'une réussite, ni qu'on puisse dire en 1860 que le sort de la ville dans les années 1880 est scellé. Elle explique seulement certaines limites à l'application des réformes et à la fin de l'Ancien régime urbain, que l'on tentera ci-dessous de commencer d'analyser. Le titre du présent article est une référence aux travaux, pour d'autres aires géographiques et d'autres domaines de la recherche historique, d'Arno Mayer 2. Cet auteur s'est en effet attaché à étudier comment, de nombreuses décennies après la Révolution française, jusqu'au moment de la Première Guerre mondiale, des réseaux sociaux issus de l'ordre ancien parvenaient à assurer la survie de leurs modes de fonctionnement et à influer sur le cours des choses dans le nouveau régime. Pour le cas de Tunis, certains indices invitent à commencer d'avancer l'hypothèse suivante : il existait avant les réformes ottomanes du milieu du XIXe siècle un système de gestion urbaine traditionnelle, de type d'Ancien régime. Ce système a constitué le fondement de la municipalité ottomane réformée. Mais sous l'effet de forces sociales antagonistes, le système ancien est arrivé à maintenir des pans entiers de son organisation. Les réformateurs ne sont pas parvenus à intégrer tout à fait le jeu des factions de notables dans le fonctionnement nouveau. Une part des luttes politiques au sein de la notabilité s'est donc jouée hors du système nouveau, permettant une poursuite de l'approfondissement de l'influence clientéliste européenne, que justement voulaient éviter les réformes. Chef-lieu de province ottomane depuis le XVIe siècle, au même titre que ses voisines Alger et Tripoli, Tunis a connu durant cette période des moments d'allégeance plus ou moins forte à la Sublime Porte. Dès le début du XVIIe siècle, les Husseinites, fondateurs d'une dynastie autonome, s'emparent du pouvoir. Mais la régence reste toujours sous suzeraineté ottomane 3 .

Entre ottomanité, colonialisme et orientalisme: les racines ambiguës de la modernité urbaine dans les villes du Maghreb (1830-1960)

L'essence de la modernité urbaine est généralement définie au travers du processus de rationalisation technique de l'espace urbain et d'application à la société urbaine de nouvelles modalités de gouvernance, liées au développement de l'appareil bureaucratique et au souci de créer des instruments fondés sur une connaissance rationnelle de l'espace et de la société . A partir du cas de l'Europe et l'Amérique du Nord, on généralise souvent le processus à la création de la sphère démocratique municipale, et à la construction d´une société démocratique dans le cadre d´un Etat de droit en général. Et on voit souvent le reste du monde comme en porte-à-faux par rapport à ce processus, connaissant au mieux un modernisme sans modernité, c'est-à-dire une modernisation technique sans réforme de la société , et incapable, pour des raisons facilement conçues comme ontologiques, d´avancer dans la voie tracée par l´hémisphère occidental. La rhétorique culturaliste se greffe aisément sur ce type de discours, qui en constitue même le fondement intellectuel. Cette narration de la modernité se doit désormais d´être contestée, tant elle apparaît comme biaisée. Cette remise en question peut se faire aux deux bouts de la chaîne faussement logique qui irrigue un discours culturaliste si puissant qu´il en est souvent venu à constituer le bruit de fond du raisonnement comparatiste. Du coté de l´Europe, par la démonstration que ce continent ne constituait en rien un modèle exportable. Et du coté des sociétés méridionales ou orientales, en montrant l´existence de formes de modernité dont la nature est plus complexe que la simple transposition, et surtout la prégnance de postures torses de modernité, dans des sociétés soumises par l´Europe même à une forme foncièrement perverse de modernisation. La question urbaine est assurément un terrain important pour l´application d´un tel raisonnement, tant elle recouvre des pans cruciaux de ce qui constitue la modernité elle-même . Pour l'Europe ainsi, le paradigme d'une modernité urbaine univoque et linéaire dans sa progression est discuté et nuancé depuis au moins une décennie. Même pour la période Haussmannienne, un chercheur comme Matthew Gandy a pu montrer comment les caractères de la modernité technicienne urbaine sont plus complexes qu'on ne l'a longtemps pensé . Quant au lien entre modernité technique et construction de la société démocratique, il est encore plus ténu. Qu'Haussmann, bras droit d'un homme arrivé au pouvoir par un coup d'Etat, et exerçant des pouvoirs urbains préfectoraux et non civiques municipaux en soit le symbole. Si ce lien présumé n'est pas toujours discuté avec la vigueur qu'il conviendrait, on peut néanmoins partir ici du constat qu'en Europe même, modernisation technicienne des villes, modernité bureaucratique et société démocratique ne sont pas les éléments d'un même développement parallèle et mécanique. L´Europe, de plus, connaît zones d´ombres, de dictature et d´arriération jusque très tard dans le XIXe siècle, voire le XXe, si bien que toute liaison mécanique entre modernisation urbaine et démocratie est à exclure. Pour l'analyse des sociétés longtemps considérées comme périphériques par rapport à la modernité urbaine (mais aussi par rapport à l'industrialisation et à la complexification des rapports capitalistes), il convient de même de se départir du schéma de la simple importation, ou de l'inadéquation à appliquer des recettes dont on voit qu'elles étaient loin de constituer l'essence d'une prétendue civilisation occidentale, dont les caractères éventuels sont à lire avec plus de nuances . Pour l'Empire ottoman au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, il est nécessaire de sortir du cadre interprétatif de la simple importation et de l'occidentalisation ou européanisation . Pour les périodes suivantes, ce souci doit également être en général celui de l'écriture d'une histoire des sociétés colonisées et colonisatrices . Il convient ainsi non seulement de « provincialiser l'Europe », selon le salutaire mot d'ordre de Dipesh Chakrabarty , mais également de discuter tous les éléments sous-jacents à la narration et à l'analyse de l'histoire ottomane, maghrébine ou coloniale. Ce n'est pas seulement de l'orientalisme dont doit se méfier l'historien, mais également de la construction abusive de paradigmes destinés à analyser l'Europe. C'est cette dimension d'un biais profond que la lecture des vicissitudes de la modernité urbaine au Maghreb permet de remettre en question.

« Histoire urbaine de l’Orient romain tardif »

Annuaire de l’École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques. Résumés des conférences et travaux 153, 200-206., 2022

I-Les rues des villes de l'Orient romain tardif II-L'espace urbain d'Antioche sur l'Oronte

Inventaire du patrimoine urbain : cas des villes médiévales du nord de l'Algérie et des villes restructurées au XIXe siecle

Cinq Continents, 2018

Inventory of the urban heritage: case of the medieval cities of the North of Algeria and cities restructured in the XIXth century. The cities of North Africa became, since more thousands years, Muslim cities; certain old cities were abandoned; others were established by dynasties stemming from Muslim conquests. In Algeria, at the beginning of the 19th century, during the French colonization, those who stayed were occupied and transformed for the greater part in their initial structure by applying a new morphological mode superimposed on the existing city (Medina). The degradation of these laminated old centers became more marked with the departure of Europeans who started the phenomenon of the exodus of the medina's inhabitants towards the residences of the freed (released) colonial center, which induced the densification, the insalubrity and the degradation of the physical framework of the laminated part. These historic entities had not aroused any private interest considering ...

François Otchakovsky-Laurens et Laure Verdon (sous la direction de), La voix des assemblées. Quelle démocratie urbaine au regard des registres de délibérations ? Méditerranée-Europe XIIIe-XVIIIe siècle, Collection Le temps de l’histoire, Presses Universitaires de Provence, Aix-Marseille, 2021, 355 p

Histoire urbaine, 2022

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