La communauté en voie d’extinction médiatique: une analyse de Zone de combat d’Hugues Jallon (original) (raw)

Le livre Zone de combat 1 d'Hugues Jallon n'est pas de "la littérature" : c'est un "texte de fiction", comme il est précisé sur la quatrième de couverture. Son refus d'appartenir aux belles-lettres est évident dès les premières phrases, où une écriture difficile déjoue nos habitudes de lecture et déroute le lecteur, en l'entraînant dans un monde fait de descriptions brèves, ponctuées par des phrases coupées et des pronoms sans référence repérable. En raison de sa nature expérimentale, le livre a gagné en 2008 le « prix de l'inaperçu » que l'auteur a accepté chaleureusement 2 . §2 Nous voudrions ici fournir un aperçu engagé du livre, car il est d'une actualité brûlante. Sa fiction n'aurait pas pleinement de sens avant le 11 septembre et la nouvelle "guerre contre la terreur" qui l'a suivi, guerre qui est partout et nulle part, sans une "zone" clairement démarquée qui la circonscrive. Et pourtant, le livre dépasse le contexte historique du présent : il ne référencie pas ces événements particuliers, n'y fait presque pas allusion. Il nous parle par un discours à la fois familier et déterritorialisé, dans lequel la distinction entre nous, vous et eux se désintègre, où les victimes des traumatismes terroristes deviennent terroristes euxmêmes par le simple glissement des pronoms, où des accidents domestiques et singuliers mènent à des désastres publics et généraux par la multiplication des images télévisées. La fiction met ainsi en scène la dissolution de la communauté dans notre expérience quotidienne, mondialisée et médiatisée. §3 Ce livre mérite donc d'être vu (et lu), et notre analyse tentera de lui donner une nouvelle visibilité. Nous emploierons pour ce faire quelques outils théoriques tirés de Jean-Luc Nancy, Daniel Bougnoux et Gilbert Simondon. Le texte ne sera nullement subordonné à ces repères théoriques : nous voudrions bien plutôt penser les concepts et les théories à partir du livre, et non l'inverse, en analysant l'écriture de Jallon pour en dégager la complexité.