Une ekphrasis paradoxale des statues du Belvédère dans les ‘Vingt-quatre sonnets romains’ de Jacques Grévin (original) (raw)

tragédie et de comédies remarquées par Ronsard, auteur de deux recueils poétiques, L'Olympe et La Gélodacrye, vantés par les poètes de la Pléiade, avait entamé une carrière de poète prometteuse en France entre 1558 et 1561. Son passage à la Réforme, rendu public aux alentours de 1560-61, entraîna de nombreuses conséquences dans sa vie qui eurent des répercussions sur son oeuvre : désavoué par Ronsard qui raya son nom de ses oeuvres, rayé des registres de la Faculté de Médecine de Paris, obligé de quitter le royaume de France à plusieurs reprises, il voyage et séjourne à Londres auprès de la reine Elisabeth, puis à Anvers chez l'imprimeur Christophe Plantin, de nouveau à Londres et obtient finalement en 1568 un poste de médecin à Turin auprès de Marguerite de Savoie, poste qu'il conservera jusqu'à sa mort prématurée à 32 ans, en novembre 1570. C'est pendant ces presque trois années passées au service de Marguerite de Savoie qu'il fit un voyage à Rome 1. Ce voyage donna lieu à la rédaction des vingt-quatre sonnets romains, dédiés à Marguerite de Savoie, et restés manuscrits jusqu'à la fin du XIXe siècle 2. Ces vingt-quatre sonnets romains sont largement redevables aux Antiquités de Du Bellay, recueil publié en 1558. A la façon des Antiquités, le recueil se présente d'abord comme une topographie de la Ville où le constat des ruines architecturales entraîne une méditation sur le temps et la dégradation des empires. Au sein du massif des 24 sonnets, six se détachent parce qu'ils ne renvoient pas aux monuments architecturaux de Rome tombés en ruine mais aux statues du Belvédère : la topographie se fait ekphrasis. Que se passe-t-il dans le texte quand le poète change de méthode de représentation du réel ? de la topographie à l'ekphrasis, la concentration du regard et l'animation des statues modifient-t-elles le jugement porté sur l'objet romain ? Ces six sonnets font allusion à huit des statues du Cortile delle statue dans le jardin du Belvédère au Vatican, et plus précisément font allusion au giardino segreto (1) Peut-être fin 1569, à l'occasion de démélés entre le pape Pie V et Emmanuel-Philibert, le duc de Savoie, qui voyait d'un mauvais oeil Cosme de Medicis élévé au rang de grand duc de Toscane par le pape ; une ambassade est bien attestée fin 69 avec réponse du pape en janvier 70 selon Samuel Guichenon, dans Histoire généalogique de la Maison de Savoie, 1660, T. II, p. 689 (fac similé, éd. Horvath, Roanne). Rien ne prouve que Grévin en était. (2) On les trouve édités par L.