Les militantes anarchistes individualistes : des femmes libres à la Belle Époque (original) (raw)

Dans les travaux qui retracent la genèse du mouvement féministe, les figures des femmes anarchistes individualistes du début du XX e siècle ne sont guère citées. Peut-être parce que, étant hostiles au régime parlementaire comme au salariat, elles se sont tenues à l'écart des combats menés par les féministes de la Belle Époque pour l'obtention du droit de vote et pour l'amélioration des conditions de travail des femmes, peut-être aussi parce que, à l'exception des articles publiés dans la presse libertaire et de quelques brochures aujourd'hui oubliées, elles ont laissé peu de traces écrites. Ces femmes, qui n'ont été ni des réformistes, ni des révolutionnaires, ont essentiellement exprimé leur refus des normes dominantes par des pratiques, telles que l'union libre, souvent plurale, la participation à des expériences de vie communautaire et de pédagogie alternative et, enfin, par la propagande active en faveur de la contraception et de l'avortement, aux côtés des militants néo-malthusiens. En évoquant leurs itinéraires et leurs écrits, nous aimerions rendre un peu de visibilité à ces « endehors » qui ont voulu, sans s'en remettre à d'hypothétiques lendemains qui chantent, vivre libres ici et maintenant. L'anarchisme individualiste : un courant émancipateur Le rejet de l'ouvriérisme On peut dater de la fin des années 1890 l'apparition en France d'un courant individualiste au sein du mouvement anarchiste. Opposé aux anarchistes communistes comme aux anarcho-syndicalistes, à ceux qui rêvent d'insurrection comme à ceux qui mettent tous leurs espoirs dans la grève générale, il se caractérise par la primauté accordée à l'émancipation individuelle sur l'émancipation collective. Leur méfiance envers toute tentative révolutionnaire vient en partie de ce qu'ils la croient vouée à