Du radar naval à l'informatique : François-Henri Raymond (1914-2000) (original) (raw)
« Les lieux de mémoire seront numérotés 1 » « Notre sujet concerne un sujet bien plus vaste que celui des machines à calculer : il deviendra, sans doute, la science d'une famille générale de machines dans lesquelles l'information est la matière d'oeuvre, l'énergie y étant nécessaire, certes, mais accessoire et d'ailleurs totalement transformée en chaleur. Ce fait conduit à une nouvelle conception du rendement et rapproche un concept lentement dégagé au cours du temps, celui d'énergie, de travail, d'un concept quantitatif plus récent, celui d'information 2. » Décernant à F.-H. Raymond la médaille Blondel en 1950, Louis de Broglie admirait "qu'âgé de 34 ans, vous étiez déjà l'auteur de près de 60 publications et que vous aviez pris plus de 20 brevets 3 ." Cet ingénieur Supélec, docteur ès-Sciences, mena en effet de front la recherche, l'enseignement (au CNAM et dans les universités de Grenoble et de Toulouse), la création et la direction d'entreprise (Société d'électronique et d'automatisme, constructeur des premiers ordinateurs en France en 1954), la fondation et l'animation de sociétés savantes, puis la participation aux instances de politique technologique de la Ve République. Il contribua au processus de décision menant au Plan Calcul… qui prit ensuite une orientation contraire à ses vues et finit par le rejeter. Ses publications, comme les archives qu'il a laissées (archives privées, documents conservés au CNAM, papiers répartis dans les archives des différentes administrations et firmes auxquelles il eut affaire), éclairent non seulement son activité inventive personnelle, mais aussi la constitution du réseau d'hommes et d'institutions qu'il s'efforça de mobiliser pour entraîner l'industrie et le milieu scientifique français dans des voies alors nouvelles : l'électronique digitale, les sciences de l'information. Cette figure d'inventeur-entrepreneur, si elle présente tous les ingrédients classiques familiers aux biographes de héros de l'innovation, illustre aussi explicitement la notion empirique d'« acteur-réseau » avancée par Michel Callon et Bruno Latour. Pour diffuser ce qu'il faut bien appeler un nouveau paradigme, Raymond et ses collaborateurs firent feu de tout bois : procédés de transfert "académiques" (publications, , colloques, cours et 1 Exposé sur la structure logique des machines à calculer universelles, 22 novembre 1949, FHR/DB, rapport interne SEA. Par cette expression, typique de la période pionnière où n'existait aucun vocabulaire informatique normalisé, Raymond définit l'adressage mémoire d'un ordinateur.