Les notions communes chez Euclide et Spinoza (original) (raw)

La réception condillacienne de Malebranche et de Spinoza

La réception condillacienne de Spinoza et de Malebranche est connue pour être négative. Rappelons que Condillac introduit en France et systématise l'empirisme hérité de Locke, et ce en plusieurs temps : dans l'Essai sur l'origine des connaissances humaines de 1746, dans le Traité des systèmes de 1749 et dans le Traité des sensations de 1754. Il présente sa métaphysique comme une science des opérations de l'esprit, chargée d'en étudier la genèse et le développement à partir d'un principe unique : la sensation. Il veut ainsi pousser plus loin le projet lockéen en réduisant ce qui était chez Locke une seconde source d'idées, à savoir la réflexion, à l'unique source qu'est la sensation. Toutes les idées des opérations de l'âme doivent en être tirées. Même si Condillac s'inscrit ainsi en opposition frontale avec Malebranche et Spinoza, on peut néanmoins relever dans sa philosophie des éléments qui manifestent une influence positive évidente de ces auteurs. Concernant Malebranche, il convient de rappeler que Condillac reprend le principe de l'occasionnalisme 1 , ainsi que l'idée selon laquelle la connaissance ne peut être séparée d'une perspective de bonheur 2 . Sur ce second point, il montre en effet, dans le Traité des sensations, que la statue doit être intéressée aux différentes sensations qu'elle reçoit, non seulement parce qu'elle ne cherche à connaître que ce qui l'intéresse, mais, avant cela, parce qu'elle ne remarque que ce qui l'intéresse 3 . S'agissant de Spinoza, Condillac reprend de façon très forte sa critique de la conscience 4 . Il n'empêche qu'à part pour l'occasionnalisme qui est explicitement rattaché à Malebranche, Condillac ne déclare jamais explicitement avoir une dette vis-à-vis de ces deux philosophes. En revanche, il les mentionne explicitement lorsqu'il s'agit de les critiquer : dans le Traité des systèmes de 1749, il présente Malebranche et Spinoza comme le type même des philosophes ayant fondé leur système sur des principes abstraits, et non bien déterminés. Ils ont par suite été contraints d'utiliser des idées vides, comme le sont par excellence celles d'entendement et

Pourquoi parler d'union corps/esprit chez Spinoza?

KÜLÖNBSÉG, 2022

The paper examines the reasons why Spinoza speaks of an union body/mind instead of an unity. Indeed, according to Ethics II, XXI, scholium, « the mind and the body are one and the same individual, which is conceived now under the attribute of thought, now under the attribute of extension ». The term union implies the conjunction of two things and seems paradoxical because we deal with one and the same individual. Therefore it involves analysing the new meaning of the psychophysical union first, then showing the persistence of a classical meaning of the union concerning not so much the intermodal relation between body and mind as the intramodal relation between their parts.

Étude des passions et conscience de soi chez Spinoza et Pascal

2015

L'etude des passions au XVIIe siecle , oscillant entre philosophie morale et theories psychologiques, devoile une tension flagrante qui caracterise la naissance de l'idee moderne du "moi". En equilibre instable entre exigences de connaissance et exigences de controle, l'etude des passions est l'expression d'une tension intime entre philosophie pratique et theoretique, qui se deploie dans les antinomies entre ethique et psychologie, prescription et description, manuels de preceptes et "art de connaitre les hommes". Cette recherche concerne principalement deux attitudes differentes, dont l'opposition mutuelle va rendre possible le discernement de l'action de cette tension entre philosophie morale et theoretique qui constitue un caractere fondamental de l'etude des passions. D'une part, on considere le theme de la construction, dans l’Ethique de Spinoza, d'une 'theorie' des affects, analysee par rapport au role de la r...

L’origine des pensées : un bien commun des épicuriens et des stoïciens

E. Végléris (éd.), Cosmos et psychè. Mélanges offerts à Jean Frère, Hildesheim-Zürich-New York, p. 271-291, 2005

Despite their oppositions on many crucial issues, notably in physics and ethics, Stoics and Epicureans shared some crucial views. In epistemology, it is well known that the Stoics borrowed the famous Epicurean prolepsis. But within this context, they also borrowed and expanded a classification of the origin of thoughts or notions, the ennoiai or epinoiai. This paper is an assessment of the Epicurean classification and what the Stoics borrowed and how they modified the original Epicurean classification.

Inertie et conatus chez Spinoza

Dans l'histoire de la science, l'introduction du principe d'inertie joua un rôle très important. Ce principe aura permis aux scientifiques de l'époque de fournir une explication cohérente du comment et du pourquoi un corps en mouvement ou au repos conservait son état. À terme, les philosophes mécanistes cherchaient à expliquer l'ensemble des phénomènes du monde en ne faisant intervenir que des corps et des mouvements. Bien sûr, cette ambition était illusoire. Le mécanisme à lui seul ne pouvait très certainement pas réaliser ce rêve, pour plusieurs raisons. Néanmoins, ce rêve mécaniste a été tenace chez beaucoup de penseurs du XVII ème siècle. En bon cartésien, Spinoza partageait l'ambition de son maitre à penser. C'est ainsi que dans l'oeuvre spinoziste, nous trouvons deux énonciations du principe d'inertie. La première, naturellement, se trouve dans les Principes de la philosophie cartésienne. Dans les Principia, cela va de soi, le principe d'inertie joue un rôle très important. Tout comme dans le traité de Descartes, l'ensemble des lois du mouvement en découle. Mais Spinoza présente également une version originale du principe d'inertie dans l'Éthique. Étrangement toutefois, le philosophe n'en fait pratiquement aucun usage explicite. La seule exception, peut-être, se trouve dans les quelques pages où sont exposé 1 Ce texte a été présenté lors d'un colloque informel organisé à l'Université du Québec à Trois-Rivières en février 2016. Nous consacrons notre thèse à l'étude de cette question. 1 les principes de la physique spinoziste. Mais cet usage demeure implicite puisque aucune autre proposition ne renvoie directement à celle-ci. Pourtant, nous aurions légitimement été en droit de s'attendre à ce que Spinoza utilise plus efficacement ce principe. Doit-on rappeler que dans l'appendice de la troisième partie de l'Éthique, Spinoza affirme vouloir traiter « de la nature des Affects et de leurs forces, et de la puissance de l'Esprit sur eux, suivant la même méthode [qu'il] a utilisée dans ce qui précède à propos de Dieu et de l'Esprit, [c'est-à-dire en considérant] les actions et appétits humaines comme s'il était question de lignes, de plans ou de corps » (E3, Préface). Thomas Hobbes, avant lui, avait réussi à fournir une explication relativement cohérente des affects tout cela en n'utilisant que des principes mécanistes.

De la nature des choses singulières chez Spinoza

Le mémoire de Master 2. Soutenu en 2012 à Paris VIII sous la direction de Ch. Ramond. A study of Spinoza's account of "singular things" in the Ethics along with the classic French literature on the subject. TABLE DES MATIÈRES: INTRODUCTION GENERALE (p. 3 – 4) PREMIERE PARTIE : DE LA NATURE DE DIEU AUX CHOSES SINGULIERES (p. 5 – 97) INTRODUCTION (p. 5 – 16) : DU RAPPORT DE L’INFINIMENT INFINI ET DU FINI. Pourquoi l’Éthique commence par l’infiniment infini (Dieu). De l’immanentisme spinoziste. Abrégé de la réalité des choses singulières. Que celles-ci sont « en autre chose » et que cet autre est Dieu. Rôle important de la « cause de soi » dans l’ontologie spinoziste. Description de la démarche à suivre. PREMIER PAS (p. 17 – 39) : DE LA « CAUSE DE SOI ». Sur la définition de la « cause de soi ». De la méthode géométrique, et de la raison pour laquelle l’Éthique commence avec cette définition d’un Ens causa sui. Comment la notion de la « cause de soi » fonde l’idée de Dieu. Du monisme intégral chez Spinoza. De « l’esprit » du spinozisme et du déterminisme absolu. Du dédoublement de Dieu. INTERMEDE (p. 40– 60) : DE LA PROPOSITION 16 ET DES MODES INFINIS. Derechef, du dédoublement de Dieu, et en particulier, du renversement de la situation théorique du qualitatif et du quantitatif dans le système. Rôle de la Proposition 16 dans le système. Comment celle-ci scelle le passage de l’Ens causa sui à l’Ens effectus sui. Pourquoi I 16 est controversé. Comment I 16 nous apprend que Dieu ne produit nécessairement tout qu’à condition de produire de l’intelligible. De l’intellect de Dieu. Des modes, et des modes infinis en particulier. À propos du souci néoplatonicien. SECOND PAS (p. 61 – 91) : DE L’ESSENCE ET L’EXISTENCE DES CHOSES EN ÉI. Les Propositions 24 et 25. Comment Dieu scinde les essences des existences. Que toute chose finie est par essence dans un rapport intime avec sa cause infinie et verticale. Le Scolie de la Proposition 25. Sur la démonstration de la définition des « choses particulières ». Sur la controverse de l’attribut. Les Proposition 26 et 28. Comment les choses existent. De la causalité horizontale et de l’indéfini. Analyse de la notion de l’infini. De l’impossibilité de comprendre totalement l’existence d’une chose. Ce qui veut dire « Deus quatenus ». FIN DE LA PREMIERE PARTIE (p. 92 – 97) : DE LA NATURE NATURANTE ET LA NATURE NATUREE. Analyse du Scolie de la Proposition 29. De l’asymétrie du dédoublement de la Nature. Du salut spinoziste. DEUXIEME PARTIE : DE L’UNITE DES CHOSES SINGULIERES (p. 98 – 153) INTRODUCTION (p. 98 – 102) : DU RAPPORT DE L’ESSENCE A L’EXISTENCE. Ce qui se passe lorsqu’on quitte une Partie de l’Éthique. De ce qu’on a vu dans notre Première Partie. De la causalité verticale et de la causalité horizontale. Comment les essences peuvent-elles retrouver les existences, et vice versa. Description de la démarche à suivre. PREMIER PAS (p. 103 – 127) : DE L’ESSENCE Sur la définition d’une « essence ». De sa positivité. Que ce qu’un individu est par essence n’est que ce qu’il peut comprendre. De la Proposition 8, de son Corollaire et de son Scolie. Que l’existence de l’essence d’une chose ne se confond pas avec l’existence de la chose elle-même. Contre l’idée que les essences sont des choses « possibles ». Sur la notion des « grandeurs intensives » et sur la notion du « profondeur » chez Spinoza. SECOND PAS (p. 128 – 149) : DU CONATUS A LA PHYSIQUE Sur le concept du conatus. Du fait qu’il est l’essence actuelle d’une chose. Qu’on ne peut pas distinguer entre notre puissance ou effort pour persévérer dans l’être et l’être dans lequel nous nous persévérons. Du dynamisme introduit par le biais du conatus. Du rapport du quantitatif et du qualitatif, de l’idée des instants d’éternité, et du problème des essences qui sont instantanées. De la « petite physique » dans la Deuxième Partie de l’Éthique. Sur ses enjeux théoriques. Sur le matérialisme de Spinoza. De la définition de l’Individu comme rapport fixe de mouvement et de repos. Des corps simples, et que pour toute chose existante il n’est pas donné une essence. De la définition des choses singulières, et encore de la mutabilité ontologique de celles-ci. FIN DE LA DEUXIEME PARTIE (p. 150 – 153) : DE LA FINITUDE Sur l’Axiome de la Quatrième Partie de l’Éthique. Que certains rapports de mouvement et de repos en remplacent d’autres. Sur la raison pour laquelle tout rapport ne peut pas coexister. Que la destructibilité vient du biais de l’Étendue, et en particulier, du problème de l’espace. Que la chose singulière véhicule une tension entre la partie et le tout, et encore, du salut spinoziste. CONCLUSION GENERALE (p. 154 – 157) ENGLISH SUMMARY (p. 158 – 159) BIBLIOGRAPHIE (p. 160 – 165) TABLE DES MATIERES (p. 166 – 169)

Deux modèles pour séculariser l'histoire juive: le Theophrastus redivivus et Spinoza

Ce fut surtout avec l'oeuvre de Flavius Josèphe, Contre Apion, que s'affirma pleinement l'image de Moïse comme chef politique et religieux à la fois, c'est-à-dire en tant que parfait « législateur » de son peuple. Flavius Josèphe fait l'éloge de la loi mosaïque, considérant qu'elle est valable à toutes les époques et non seulement dans les circonstances particulières où elle fut promulguée. Nombreux sont les manuscrits philosophiques clandestins qui entre le XVIIème et le XVIIIème siècle se présentent comme les héritiers directs de cette interprétation classico-helléniste de la religion en général et de la loi mosaïque en particulier, considérée comme « art politique ». Le Theophrastus redivivus en est un témoin exemplaire. D'autre part, il y avait une interprétation totalement alternative, dont les clandestins commenceront à disposer à partir de la publication du Traité théologicopolitique (1670) de Spinoza et surtout avec la traduction française de 1678. Cette interprétation répondait remarquablement à l'exigence de sécularisation de l'histoire juive, sans s'exposer à des appréciations plus ou moins explicitement antisémites que l'on trouve par contre dans certains manuscrits clandestins. Abstract: It was mainly with Flavius Josephus's work Contra Apionem that Moses's image as a political and religious leader, namely as a perfect 'legislator' of his people, was fully affirmed. Flavius Josephus praised the Mosaic law, considering it is valid at all times and not only in the particular

« In principio erat vita. L’unicité du principe d’être et de connaître selon Maître Eckhart », Kairos 28 : Spinoza et les philosophes de la vie (2006), p. 27-44.

Kairos, 2006

Ethique l, définition 1 : « Par cause de soi, j'entends ce dont l'essence enveloppe l'existence, autrement dit, ce dont la nature ne peut se concevoir qu'existante. »1 Ethique l, définition 3 : « Par substance, j'entends ce qui est en soi et se conçoit par soi : c'est-à-dire ce dont le concept n'a pas besoin du concept d'autre chose d'où il faille le former. »2 Le principe-ou « cause de soi»-est d'eInblée défini' par Spinoza comme principe d'être et de connaître. Il est, d'autre part, « substance » dans la Inesure où il est principe d'être en soi et de connaître par soi et se distingue ainsi de tout ce qui est et est connu par un autre. Or pour penser la vie, pour penser l'être COmIne vie, un principe d'être et de connaître qui soit substance-ou seulen1ent substance-suffit-il? Telle est la question que je voudrais poser en partant de ces preInières définitions de l'Ethique et en exaininant la solution que propose Eckhart au début du quatorzièIne siècle. L'enjeu théorique est de savoir si le principe d'être et de cOImaÎtre doit être pensé COinine subjectivité ou con1n1e substance ? Mon hypothèse est qu'Eckhart est ainené à penser le principe connne sujet

Les Éléments d’Euclide dans le De expetendis et fugiendis rebus opus (1501) de Giorgio Valla

Après la traduction gréco-latine des Éléments d'Euclide réalisée en Italie du Sud dans les années 1160 par un traducteur non identifié, l'Humaniste Giorgio Valla (1447-1500) est, à notre connaissance, le premier érudit occidental à traduire une portion substantielle du traité euclidien à partir du grec, étant entendu qu'il ne s'agissait pas de constituer une version autonome, mais un florilège, dans le cadre d'un énorme travail encyclopédique consacré aux principales branches du savoir, le De expetendis et fugiendis rebus opus, publié après sa mort. J'étudie ici cette portion constituée pour l'essentiel de traductions de Propositions des Éléments et de scholies tirées de manuscrits grecs. J'envisage trois questions principales : • Qu'est-ce qui a motivé la sélection de ces extraits des Éléments ? Peut-on dégager un critère rendant compte des choix opérés ? • Quelle est la nature et le statut des textes qui ‘accompagnent’ les traductions d’unités textuelles euclidiennes au sens strict et, en particulier, quelle est la part de commentaires élaborés par Valla lui-même et celle des traductions de scholies ? • Quelles sources manuscrites grecques ont été utilisées pour réaliser cette portion « Éléments d’Euclide » ? La chronologie interdit un recours à des imprimés antérieurs, mais on sait a contrario que Giorgio Valla a possédé une riche collection de manuscrits grecs, en particulier mathématiques. L’étude n’apporte pas vraiment de réponses définitives et (surtout) complètes à ces questions, mais propose une meilleure identification des textes euclidiens traduits, un inventaire plus précis des scholies qui les accompagnent, des suggestions à propos des manuscrits employés par Valla qui complètent ce qu’en avait dit Heiberg. La publication posthume du De expetendis rebus a sans doute été difficile et ses circonstances expliquent en partie l’étrangeté de la portion étudiée, pour ne pas dire son manque de cohérence. Contrairement à l’opinion reçue, la section consacrée aux Éléments contient très peu de commentaires de Valla lui-même, mais, en revanche, un échantillon assez copieux de traductions latines de scholies grecques. Autre fait remarquable : l’exemplaire des Éléments qui a ultérieurement appartenu à Sir Henry Savile (le Bodleian Library Savile 13) a joué un rôle important comme l’une des sources utilisées dans cette histoire. Car il semble bien que Giorgio Valla ait puisé dans plusieurs manuscrits grecs. Comme pour les autres travaux que j'ai consacrés à ce ‘retour’ du grec dans la tradition du texte des Éléments d’Euclide (Zamberti, Commandino) — retour qui, dans le domaine imprimé, s’effectue surtout en latin —, les données recueillies pour appuyer l’analyse sont consignées sous forme de listes et de tableaux dans des ANNEXES.

Spinoza et l’illusion communiste

2024

A partir de la lecture qu’Althusser fait de Spinoza, je propose une piste d’explication de ce que j’appelle l’illusion communiste: la certitude que l’humanité progresse de façon inexorable vers une société mondiale sans classes sociales, une société d’égaux. Avec le recul, on peut soupçonner qu’il y a eu erreur. Cela vaut la peine de chercher où. Version mise à jour en 2024, travail en cours, remarques bienvenues.