Cicéron contre Antoine : la désignation de l’ennemi dans la guerre civile (original) (raw)
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le venin et la république. les partisans d'Antoine croqués par Cicéron
In the thirteenth Philippic, Cicero, in an merciless indictement, paints the senators and magistrates together with Antoine, and he takes, into a coherent whole, features scattered in previous speeches. The themes are not new: painting opponents as monsters has been used against Catiline and Clodius. He also borrowed heavily to Demosthenes. But, in this latest round of speeches, he is at the top of his art and breaks with a tactic that has proven its worth : isolating the enemy. Instead, he attacks the supporters of Antony and gives them the magnitude of an army of evil. We must see this controversy as deployment of a learned and progressive tactic, according to the political twists and turns, which the sole purpose is justifying the civil war. The extreme ferocity of speech exemplifies the desire of the speaker to make words weapons more dangerous than soldiers’. The reputation of his enemy was never raised. It is necessary to analyze the processes involved in this indisputable political victory, even if it was a Pyrrhic victory.
Jean El Gammal Laurent Jalabert (dir.), L'étranger, ami ou ennemi? Tensions, échanges et sensibilités de l'Antiquité à nos jours, Annales de l'Est, numéro spécial, 2019
Au cours de cette carrière, Cicéron eut à soutenir de violents combats politiques contre certains de ses concitoyens, conflits qui eurent une importance capitale dans les prémisses et le déclenchement de la guerre civile qui allait mener la République à sa perte. Or dans les discours qu’il prononça contre eux – notamment Catilina en 63 et Antoine en 44-43 – Cicéron, de manière plus ou moins allusive, les dépeignit comme des étrangers, et plus précisément, comme cette qualité d’étranger ne suffisait pas à jeter l’opprobre sur eux dans un empire déjà mondialisé, comme un certain type d’étrangers, pour en faire des ennemis de Rome. Implicitement, Cicéron construisait un raisonnement dans lequel l’existence, à l’intérieur de l’empire, de peuples étrangers dont certains membres avaient vocation à devenir romains avait pour pendant l’existence, parmi ceux qui portaient déjà ce titre de citoyen romain, d’individus qui avaient trahi les idéaux de leur patrie, des étrangers cachés sous l’apparence de la citoyenneté. Cicéron établit ainsi, non sur des critères d’origine ou de citoyenneté, mais sur des critères moraux et politiques, une certaine qualité d’étranger au sein même de la cité. Il avait pour but de justifier que lui et ses partisans renonçassent, au cœur même de la cité, aux moyens du combat politique et employassent les moyens de la guerre, et plus encore, de la guerre inexpiable, qui ne pouvait s’achever que par le massacre du parti adverse. Cette étude a pour objectif d’analyser ces critères moraux, et par quels moyens, à travers la construction de cette catégorie d’étranger ennemi de Rome, ils devinrent des arguments politiques. Il s’agit de réfléchir aux conséquences qu’implique cette construction d’un concitoyen comme un étranger pour pouvoir le combattre, et donc sur le rôle de cette construction dans la guerre civile qui allait mettre fin à la République.
Ad hominem : de Gaulle et la désignation de l'ennemi
En temps de guerre, on sait que certaines lois ou certaines normes sociales sont brisées, caduques ou non respectées. L'argumentation polémique, qui renvoie étymologiquement à la question de la guerre (polemos), fait valoir dans sa pratique des stratégies rhétoriques qui franchissent les normes régulatrices de l'argumentation logique, raisonnable et policée (qui renvoie étymologiquement à la polis, la Cité). La polémique ou l'argumentation éristique déborde de l'univers clos et normé, régi essentiellement par la raison. Cet état sauvage de la parole fait alors surgir des mouvements rhétoriques que d'aucuns estiment illégitimes : les sentiments de colère ou de peur peuvent « infiltrer » le discours de la raison et le combat verbal met en scène les combattants eux-mêmes autant que ce qu'ils argumentent. Autrement dit, des argumentations fondés sur l'èthos ou sur le pathos sont non seulement présents, mais encore reçus comme « naturels », eu égard aux circonstances. Selon Antoine C. Braet, Aristote envisage l'usage des preuves dans différents contextes. Dans un contexte idéal, gouverné par la raison, le logos devrait suffire. Mais dans un contexte plus réaliste, a fortiori s'il est plus polémique, èthos et pathos sont indispensables. Pour Braet, Aristote laisse penser qu'il envisage « ethos, pathos et logos selon une échelle proportionnelle, dans laquelle les extrêmes ne sont pas atteints » 1 : logos èthos et pathos Situation idéale: procédure juste et juges rationnels Situation réelle: procédure mauvaise et juges irrationnels
Le venin et la République. les Antonii et leurs partisans croqués par Cicéron
2014
, d" i, .or-ption mais des moteurs.de la dégradation de I'Etat. C'est Dourquoi on retrourr" drn, la caractérisation de l'ennemi des images-et-des ;;lrt,r,l.'h;;.nts, des citations même des Catilinaires ou des discours contre Clodius' cicéron ne se conrente pas de se cirer ; il emprunte beaucoup de son-inspiradon à l)dnrosthène, comme ceia a été maintes fois âémontré ; tout comme lui, il entend provoquer un sursaut salvateur de sa patrie'. Mais ce n,est pas une simple répétition de recettes. Antoine a beau avoir des traits a,,,r.,run, .rr.. ô, prédécesieurs àt endosser à son tour le personnage de I'ennemi nur excellence, il n'Ëst pas confondu. En effet, l'orateur combine des stéréorypes, qui lr.rÀ.ir... i" .rreeo'rit.r I'ennemi, avec des ffai$ originaux et Personnels qui It,,nn.^, toute sa forie à l'attaqueo. Dans les derniers discours, il y a eneffet, plusieurs élCments qui sans être totalement originaux, donnent matière à un dévelopPement i"écli;. i.'pr.mier esr le pamphlet dJla deuxième Philippique, un portrait à charge *.ir eqri"âf.nt, qui frit brrrui"r I'opposition en une lutae inexpiable ; le second est I mise en scène croissante d. l'"ntouàge, car ce n'est Pas seulement un homme qull lffronre, aussi monstmeux soit-il, mais"un parti. Cicéron romPt dans cette série de tliscours avec une tactique qui avait f"it sts pteuves' o l'isoleme* des improbi » pour reprendre I'heureuse appellaiion de Guy Achard. En.effet, par le passé, Cicéron s'est f"irirri .on,.. la pers#nalité morale dô Catilina et de Cloâius et les a individualisés en minimisant sÿstématiqueme-nt le nombre de leurs Partisans, en Passant sous silence leurs souiien, "uéiés affn d'ôter toute explication politique et légitimeà l'adversaireu. S'il mentionnait en Passant les Catiliniens et lei Clodiens, Cicéron les présentait comme une bande négiigeable et imPie, tout au plus une faction' Mais la ;";;t* légale d'Antoine er lr"g[,..re civile-qui s'annonce, ouvrent un champ d'action sans commune mesure, ce"n'est plus une conjuration de-pervers, une bande d'activistes factieux, c'est un sénat à l'etivers, une armée du mal qu'il faut vaincre' ôo"".-"ur, Cicéron forge le concept de iustum odlum (XlIl6), qu'il entremêle bien sûrr avec ceiui de l" gu.r"r., car les àissensions civiles ne sauraient faire. une guerre jrrri-ri, ur," 3urt."hrine des mauvais peut jusdfier la guerre qu'on leur fait. Le cic., offit,6e-70.
Cicéron entre histoire et biographie
Interférences, 2009
L'ouvrage bien connu que François Hartog et Michel Casevitz ont consacré à l'histoire antique 1 présente en tout et pour tout deux textes de Cicéron : la fameuse digression sur l'histoire 2 et la lettre à L. Lucceius 3 , avec pour celle-ci le commentaire suivant : « Après la théorie (scil. le de Oratore), la fabrique ou la cuisine de l'histoire contemporaine 4 ». Une telle présentation, en dehors même des problèmes chronologiques qu'elle pose 5 , est tout à fait caractéristique de la lecture qu'un certain nombre de critiques font de la lettre à Lucceius. Elle serait révélatrice du double langage que tient Cicéron lorsqu'il traite de l'histoire, énonçant dans ses traités rhétoriques de grands et beaux principes sur le respect par l'historien de la vérité 6 et s'empressant de recommander à Lucceius de les oublier lorsqu'il lui demande d'écrire l'histoire de son consulat 7. Ce à quoi les défenseurs de l'orateur rétorquent en substance que, l'ouvrage demandé à Lucceius relevant exclusivement de la stratégie de propagande développée par Cicéron pour rétablir son influence à son retour d'exil 8 , on ne peut utiliser sa lettre pour définir la conception qu'il a de l'histoire 9. Mais il n'est pas certain que, dans un cas comme dans l'autre, le problème soit bien posé : c'est la raison pour laquelle j'aimerais reprendre ici l'étude de la lettre à Lucceius autour d'une question qui est, me semble-t-il, beaucoup moins simple qu'il n'y paraît : à quel genre littéraire l'oeuvre que Cicéron demande à Lucceius d'écrire appartient-elle exactement ? Mais, avant d'aborder la lettre elle-même, je voudrais rappeler en quelques mots, car la chose n'est pas sans importance, ce que nous savons de L. Lucceius et de ses relations avec Cicéron 10. 2 Même s'il a eu une carrière politique moins brillante que celle de Cicéron, L. Lucceius 11 a joué un rôle non négligeable dans les affaires de son époque : préteur, sans doute en 67 12 , il est connu pour avoir fait cesser en 64 les poursuites lancées par César contre les partisans de Sylla qui avaient assassiné des proscrits en accusant Catilina pour le même motif ; il fait ensuite partie des soutiens de Cicéron lors de son consulat 13. Candidat à son tour au consulat pour l'année 59 après avoir passé un accord avec César, il est finalement Cicéron entre histoire et biographie Interférences, 5 | 2013
Orator 128 : Cicéron et la catégorie stylistique de l’ethikon
Cet article analyse la notion de genus ethikon (ἠθικόν) employée par Cicéron au § 128 de son Orator (46 av. J.-C.). En retraçant l’usage de l’adjectif ἠθικός à partir de la Rhétorique d’Aristote, je démontre que Cicéron l’utilise dans son dernier traité rhétorique non comme un équivalent du style moyen, mais comme une catégorie nouvelle permettant d’opposer éloquence du mouere et éloquence du conciliare. Il réintroduit ainsi dans son traité la notion de conciliation du public qu’il avait tout d’abord éliminée de son architecture théorique (au profit de la notion de delectare) afin de garantir la cohérence conceptuelle de sa doctrine. L’ἠθικόν correspond ainsi à l’idée d’une adaptation du style à l’orateur, non sur le mode pragmatique défendu par Aristote (chez qui la λέξις ἠθική désigne l’adaptation du style aux caractéristiques concrètes de l’orateur), mais sur un mode idéalisant : l’ἠθικόν est une catégorie stylistique prescriptive, celle du style de l’orateur accompli.