L'ethnicité au quotidien : présences et intermittences (original) (raw)

L'ethnicité comme rapport social

Mots, 1996

L'ethnicité comme rapport social Le point de départ de ma réflexion est simple : l'ethnicité existe. Cela repose sur un sentiment diffus que je ressens depuis fort longtemps... aujourd'hui j'en suis plus convaincue que jamais. L'ethnicité constitue un fait social qu'on a intérêt à reconnaître et à appréhender, dans ses dimensions objectives et subjectives.

La dialectique de l’ethnicité : Support des uns, contrainte des autres

Matériaux pour une sociologie de l’individu Perspectives et débats, 2005

L'ethnicité, support des uns, contrainte des autres : cette proposition reprend les deux grands courants analytiques de la « sociologie de l'ethnicité ». D'un côté, elle emprunte à l'idée, résumée par Mary Waters selon laquelle, pour l'individu moderne, l'ethnicité résulte d'un double choix : avoir ou non une identité ethnique et, si oui, décider du groupe auquel on souhaite, symboliquement, appartenir. L'idée d'une ethnicité « support des uns » se place dans cette perspective analytique d'une ethnicité situationnelle et optionnelle, « nouvelle ethnicité » ou « postethnicité », profondément ancrée dans une sociologie de l'individu et de la mobilisation des ressources. De l'autre côté, l'idée d'une ethnicité « contrainte des autres » emprunte à une sociologie des groupes ethniques et minorités, notamment immigrées, et renvoie à l'idée première que tous les individus n'ont pas la même liberté de choisir ou non une identité ethnique et moins encore celle de définir les contours de cette identité. On se place ici dans une analyse selon laquelle racismes et « dominations ordinaires » se traduisent par des assignations identitaires forçant l'ancrage de l'individu dans des collectifs stigmatisés. Cette domination par l'ascription serait la matrice d'une ethnicité-stigmate, évenl.-Nagel (1994) souligne le rôle de l'Etat, et particulièrement des politiques publiques définissant des droits sur la base de critères ethniques ou culturels dans l'enfermement ethniciste de certaines minorités. L'hypothèse qui est ici posée est qu'il existe un rapport d'interstructuration entre l'une et l'autre ethnicité, l'ethnicité ressource et l'ethnicité contrainte, celle de l'individu qui s'exacerbe et celle du groupe exacerbé.

Le sociologue des pratiques du quotidien entre l'approche ethnographique et l'enqu�te statistique

Economie Et Statistique, 1984

Comment étudier les « pratiques du quotidien » ? Deux approches coexistent, et parfois s'affrontent. La première transpose les méthodes des ethnographes : sténographie sur le terrain, anal/se du matériel recueilli à l'aide de méthodes pragmatiques, retour sur le terrain et itérations du processus. La deuxième approche est l'approche statistique. Pour la distinguer de la précédente, le meilleur critère semble être la délégabilité de la collecte : contrairement à l'ethnologue, le statisticien confie, ou en tout cas peut confier, le recueil des informations à des enquêteurs non spécialistes du sujet traité. Cette délégation permet l'interrogation d'échantillons importants, ce qui rend possible l'inférence statistique. Mais elle rend difficile le retour sur le terrain. Surtout, elle suppose l'existence d'un langage suffisamment commun entre enquêteurs, enquêtes et chercheurs qui interpréteront les résultats. Ce postulat est parfois vigoureusement contesté dans le domaine des pratiques du quotidien.

Une reconnaissance paradoxale: ethnicité et participation dans les politiques de la ville

Penser les questions sociales et culturelles contemporaines, Paris, L'Harmattan, 2010

Dans les comparaisons internationales, la France est souvent étudiée comme l'exemple d'une position politique assimilationniste fondée sur une conception républicaine de la citoyenneté qui nie et invisibilise les identifications et attaches particulières. Pourtant, si la rhétorique politique contre « les particularismes » est ici forte, des préoccupations qui informent ailleurs les politiques dites de reconnaissance du pluralisme et des questions minoritaires 2 sont observables également en France et peut-être tendent-elles à se développer ces dernières années : on peut mentionner ici les préoccupations nouvelles qui visent à « promouvoir la diversité » dans le champ économique et politique, dans les médias ou la fonction publique et qui font suite à la reconnaissance, toute récente, de l'existence et de la prégnance des discriminations raciales et de la nécessité de les combattre ; les formes de discrimination positive, qui tout en demeurant controversées, se développent comme à travers l'exemple des politiques en faveur de la parité ou celles en direction de quartiers et de territoires urbains dits « sensibles ». Ce texte propose de s'intéresser plus particulièrement à un ensemble singulier de pratiques que constitue le soutien public aux organisations ethniques des migrants et de leurs descendants pour questionner les formes pratiques et symboliques qui s'en dégagent de prise en charge et de régulation publique de l'ethnicité.

L'ethnicité à Maurice : le dit, le non-dit et l'inter-(dit)

HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), 2008

L'île Maurice est souvent citée sur la scène internationale comme une société « arc-en-ciel » et un modèle d'entente interethnique. Sans être forcément un slogan ni un contresens, ce type de formules n'en cache pas moins la complexité réelle d'une société qui, dans les faits, doit sa relative stabilité à un ensemble de stratégies comportementales (au niveau de sa population) faites d'évitements mutuels, d'ignorance calculée, de non-dits et d'interdits, à côté des lieux communs « politiquement corrects » que les Mauriciens entretiennent entre eux dès qu'ils sont dans les relations intercommunautaires. Le présent article tente de donner une description du fait ethnique mauricien en abordant certains de ses aspects et en privilégiant une lecture des choses fondée essentiellement sur des faits discursifs repérables à trois niveaux d'analyse : macro-social, mésocial et micro-social.

De la minorité nationale à l'ethnicité périphérique

2010

En Europe centrale et orientale, les statistiques demographiques, l'historiographie et l'ethnographie distinguent par le terme de " minorite nationale " des groupes ethniques, habitant souvent des zones frontalieres qui possedent des semblables - de meme ethnie et de meme langue - construits en Etats-nations, generalement limitrophes. Ces groupes sont pour la plupart issus des traites de paix qui ont mis fin aux deux guerres mondiales et ont eu pour consequence de multiples deplacements de population et un redecoupage des frontieres etatiques. Les Magyarophones de la Transcarpathie ukrainienne constituent l'exemple emblematique d'une telle collectivite ethnique dont la loyaute politico-juridique (citoyennete) et la loyaute nationale (ethno-culturelle) ne se recouvrent pas. Ce texte, issu d'une recherche anthropologique de terrain en cours, analyse dans son contexte historique et sociologique les recompositions identitaires dans ce groupe, liees aux tran...

La production de l''ethnicité ou la part réelle de l''idéel

LE POINT DE DEPART de ma réflexion est simple: l'ethnicité constitue un fait social qu'on a intérêt à reconnaître et à comprendre, dans ses dimensions objectives et subjectives. La croyance en des ancêtres communs, réels ou putatifs, est ce qui distingue le groupe ethnique d'autres catégories sociales et culturelles, telles que les femmes, les prolétaires, les jeunes, les universitaires. Source de passions et d'actions qui n'ont cesse d'inquiéter, l'ethnicité semble insaisissable. Elle évoque des images de feu et de sang qu'alimente une conception naturaliste des faits sociaux. Les conflits dits ethniques apparaissent alors fondés sur la croyance en des liens du sang, sur des liens primordiaux opposant des groupes aux frontières immuables, étanches et irrévocables. On comprend, en conséquence, que les chercheurs qui s'emploient à expliquer socialement la construction des groupes humains au regard de leurs rapports, alliances et conflits, soient amenés à rejeter immédiatement l'ethnicité, comme fait naturel et comme représentation naturalisée. Aussi la sociologie européenne a-t-elle, de façon presque unanime, refusé jusqu'à très récemment le concept d'ethnicité, et davantage encore ceux qui lui sont connexes d'ethnie et de groupe ethnique (Simon, 1975; de Rudder, 1992; Martiniello, 1995, Bastenier, 2004. Cette attitude soulève à mon avis deux problèmes. Faut-il rappeler que le refus de nommer la chose ne la fait pas disparaître? Le rejet si répandu du concept d'ethnicité, en France notamment, n'élimine pas les pratiques discriminatoires à l'égard des immigrés et de leurs descendants non plus que l'établissement de frontières entre « eux » et « nous ». On se ferme de surcroît à la possibilité d'appréhender le   Article publié dans Mots/Les langages du politique, n o 49, décembre 1996, p. 97-105. Je tiens à remercier les éditeurs de la Revue Mots/Les langages du politique qui m'ont accordé l'autorisation de reproduire cet article dans le présent volume. processus de naturalisation lui-même, ses fondements et son fonctionnement. Or, ce qui devrait nous préoccuper, c'est de comprendre pourquoi on impute à la nature ce qui relève du social et pourquoi une telle conception n'est pas davantage interrogée par les scientifiques qui la décrient.