Le retour de Moses Hess (original) (raw)

Au cours de ces dernières années, on assiste à l'apparition d'un certain nombre d'ouvrages consacrés à la vie et à la pensée de Moses Hess. Ce regain de l'intérêt porté à une des figures plus ou moins oubliées de la pensée socialiste du 19ème siècle ne répond pas seulement à la curiosité de l'historien, voire de l'archiviste, mais à des enjeux complexes au centre desquels se trouve le personnage paradoxal de Hess. L'entrée de Marx dans le monde académique, en particulier après les événements de soixante-huit, ainsi que la confrontation au sein du marxisme de plusieurs tendances opposées, a tout naturellement éveillé l'intérêt à l'égard des sources intellectuelles• de la pensée de Marx. C'est à ce titre que l'importance du mouvement jeune-hégélien a été reconnue, et qu'elle a fait l'objet d'un nombre important d'ouvrages!. Il semblerait que l'intérêt porté à l'oeuvre de Hess réponde aussi à d'autres motivations. En effet, non seulement elle nous permettrait de remonter vers les sources de la pensée de Marx (et d'Engels), c'est-à-dire de cerner les influences intellectuelles qu'ils auraient subies pendant leur jeunesse, mais aussi de reconstruire l'ambifillce intellectuelle de la période dite du Vormârz : et par le biais de cette reconstruction, de replacer l'origine du mouvement socialiste allemand dans son contexte historique et intellectuel. A ces deux enje!lx, vient s'en ajouter un troisième : Hess se trouve à un carrefour où l'actualité, malgré tout, n'a pas cessé. S'il fait figure de père du mouvement socialiste allemand, il est, au même titre, l'un des fondateurs du sionisme ; plus particulièrement de la tendance socialiste au sein du mouvement sioniste. Repenser l'oeuvre de Hess, cela veut dire aussi repenser un certain nombre d'équations qui ne sont ni évidentes, ni incontestables. Hess se veut juif et révolutionnaire, socialiste et sioniste, mais aussi sioniste et socialiste. Lire Hess, c'est autant retrouver du côté sioniste les sources du socialisme, que retrouver du côté socialiste les sources de l'affirmation nationale juive, affirmation que la gauche, autant marxiste que non-marxiste, n'a jamais su intégrer dans sa vision théorique, même si elle l'a fait parfois du point de vue tactique. Hess, à l'égal de Walter Benjamin, explique de façon paradigmatique