Histoire Alternative et Roman Historique Contrefactuel : Enjeux Epistemiques (original) (raw)

Histoire et roman au XVIIe siècle : la querelle des théoriciens. Polémique stérile ou débat fécond ?

Dix-septième siècle, 2010

Si le roman et l'histoire entretiennent des relations complexes au XVII e siècle, c'est, entre autres causes, parce qu'ils n'appartiennent ni l'un ni l'autre à un genre clairement constitué et que leur territoire respectif est mal balisé. L'histoire entend faire revivre le passé, entretenir une mémoire mais, relevant traditionnellement des belleslettres, elle vise aussi à plaire au lecteur, en usant de tous les attraits de la rhétorique. Nombreux sont les historiens qui entendent pratiquer leur discipline comme un art 1. Les fonctions attribuées à cet objet que nous appelons « histoire » sont multiples. Certains souhaitent seulement encadrer ou faire revivre la pensée des historiens de l'Antiquité 2 , d'autres s'appuient sur le passé pour construire une théorie politique ou juridique, défendre le pouvoir en place ou légitimer la position d'une famille princière. Quant au roman, il représente une catégorie dépréciée par les doctes, et se situe au plus bas de la hiérarchie des genres, alors même que sa production ne cesse d'augmenter, et qu'il trouve un accueil toujours plus favorable auprès d'un public mondain. La situation se complique encore, lorsque la philosophie cartésienne met en cause la démarche historique, toutes tendances confondues : s'appuyant sur des fondements fragiles ou invérifiables, confondant rumeur et fait rationnellement XVII e siècle, n o 246, 62 e année, n o 1-2010 1. Jean Bodin serait un des premiers à avoir affirmé qu'il ne voulait pas d'une histoire où la vérité serait sacrifiée à la quête de l'agrément littéraire. Voir sur ce point Claude Dulong, L'Abbé de Saint-Réal. Étude sur les rapports de l'histoire et du roman au XVII e siècle, Genève, Slatkine Reprints, 1980 [1921], p. 21-22, n. 3. Dans son Methodus, Bodin préconise la nécessité d'un recensement et d'une identification des sources. À la fin du XVI e siècle et au début du siècle suivant, une part de la tradition érudite, dans le sillage, par exemple, de Pierre Pithou et de Jean du Tillet, soucieuse d'enquête documentaire, oeuvrerait dans une optique gallicane. Voir Emmanuel Bury, « La tradition gallicane : les historiographes et l'érudition en France (fin XVI e-milieu XVII e siècle) », dans Chantal Grell (dir.

Littérature et Numérique : Archéologie D’Un Paradoxe

Préambule, 2018

Dès les premières expérimentations, l’association entre littérature et ordinateur a suscité de l’enthousiasme, mais aussi des critiques. Plus récemment, un désenchantement s’est emparé de beaucoup d’auteurs et de lecteurs face à l’emprise qu’exercent les grandes firmes industrielles sur la création et la lecture numériques. L’objectif de l’exploration archéologique que je propose est de prendre du recul face aux idéologies qui traversent les discours catastrophistes, tout comme les discours enchantés. Je passerai en revue des étapes clés de la relation entre littérature et ordinateur, en m’intéressant à différentes formes littéraires écrites et publiées sur ce dispositif. Tout au long de cette exploration, je présenterai des expérimentations historiques et contemporaines qui tiennent compte des évidences et des impensés de cette relation complexe et dessinent des pistes d’exploration pédagogiques tenant compte des potentiels et des champs de tensions.

Auto-exotisme littéraire et Histoire antillaise

Les littératures caribéennes francophones et créolophones sont en règle générale considérées comme des littératures antagonistes. De fait, une telle distinction se base le plus souvent sur des catégories socio-raciales et des oppositions idéologiques -une littérature étant considérée comme plus authentique, plus proche de » l’âme antillaise » qu’une autre. La question qui se pose donc quant à la pertinence de tels découpages ne peut-être résolue qu’en confrontant les textes littéraires avec les conditions historiques telles qu’elles apparaissent dans la documentation de l’époque, notamment dans le Code Noir de 1685, qui tente de réguler la » cohabitation » aux Antilles, hésitant constamment entre l’encouragement de pratiques observées d’humanisation des relations entre maîtres et esclaves (probablement rares, vu la nécessité d’établir un code pour contenir la violence de certains planteurs) et l’intention première de considérer les esclaves comme des meubles. Ce tiraillement est révélateur des ambiguïtés juridiques, sociales et culturelles qui s’installent en Martinique et en Guadeloupe. Il traduit et influe sur la conception d’une identité duelle qui se développe chez les écrivains antillais, tant francophones que créolophones, identité qui inclut une part d’étrangeté dans la conception de soi, elle-même fruit de déterminations extérieures évidentes dans les articles du Code Noir et dans les réactions qu’il a suscitées chez les colons : « Denn die Geschichte der Antillen ist nicht kontinuierlich verlaufen ; es ist eine Geschichte, die von außen her bestimmt und geschrieben wurde, so dass eine Rekonstitution der geschichtlichen Vergangenheit notwendig ist, um die Geschichtsschreibung, die in den Romanen nach 1945 befragt, neugeschrieben und neugedichtet wird, zu verstehen und zu erhellen. (1) » De fait, les différences d’approches de l’identité sont bien plus sensibles entre la Martinique et la Guadeloupe, même si ce clivage ne naît qu’avec la première abolition de l’esclavage en 1794 et les bouleversements sociaux du XIXe siècle. Les débuts se caractérisent dans les deux îles par une instabilité identitaire ; ainsi s’installe un sentiment à la fois d’appartenance et d’étrangeté par rapport à la société antillaise qui se construit : l’auto-exotisme (2).

«Prognostische Hermeneutik». Anders et la compréhension diltheyenne de l’histoire

Is it possible to build a system in philosophy? According to Dilthey, the historical « world view » (Weltanschauung) is a way to understand the human knowledge, including philosophy. This way provides a freedom to think by destroying every a priori. As a result of this historical manner to do philosophy, it seems, though, to be impossible to find any unhistorical ground. Should philosophy renounce once and for all to search any truth about the world ? Should we not be afraid ? Reading Dilthey with Anders (1902-1992), who studied with Husserl and Heidegger, could help us to solve the problem: the philosophy should be « grounded » on contingency, circumstances and insignificance – and by this way, it becomes a « prognostic hermeneutic » – otherwise we are condemned to describe some old systems, which are perpetually falling into disuse.

Méthodes historiques et méthodes littéraires, pour un usage croisé

Romantisme, 2009

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Roman face à l'histoire (Introduction et table des matières)

L'engagement littéraire serait une chose du passé. Il appartiendrait, dit-on, à un temps tout aussi révolu que celui de la modernité, des idéologies, de l'histoire, de l'art... Portée par une mélancolie fin-de-siècle, cette analyse non seulement déforme la conception et la pratique de l'engagement lors de son âge d'or en 1945, mais empêche encore de saisir certaines tendances fortes de la littérature contemporaine. Elle déplore une perte là où s'opère une métamorphose. Tributaire d'une conception trop étroite de l'engagement littéraire, elle laisse échapper ce qui se joue d'essentiel dans le rapport de l'engagement aux régimes d'historicité qui se sont succédé. Etre attentif aux enjeux dont est porteur, en France et en Italie, le roman engagé de la deuxième moitié du XX° siècle et du début du XXI siècle, permet d'en juger : ce n'est pas tant le contenu idéologique ou la vocation démonstrative de l'oeuvre qui engage [auteur et le lecteur, que la manière dont le texte réfléchit, au sens fort et polysémique du terme, son inscription dans et son rapport à l'histoire. Du roman engagé d'après-guerre, lié à une conception de l'histoire linéaire, orientée vers l'avenir, au roman contemporain, réfléchissant une historicité dominée par le présent et traversée par le sentiment d'une double dette à l'égard du passé (devoir de mémoire) et du futur (un héritage à transmettre), se dessine une redéfinition de l'engagement littéraire qui nous aide aujourd'hui à mieux comprendre le rapport que nos sociétés entretiennent avec le temps, l'histoire, la mémoire et l'oubli.