Révolutions arabes et migrations (original) (raw)

Libye, Égypte) n'ont pas manqué de susciter des discours alarmistes sur le risque migratoire qu'elles entraîneraient pour l'Europe. Dans son discours télévisé du 27 février 2011, le Président Sarkozy, tout en saluant ces « révolutions arabes », a fait état des éventuelles dérives qu'elles comporteraient en matière de migrations et d'islamisme. Il a indiqué que ces révolutions pourraient avoir des conséquences majeures sur « Les flux migratoires devenus incontrôlables et sur le terrorisme », ajoutant que « C'est toute l'Europe qui serait en première ligne ». Depuis lors, les media n'ont cessé de s'interroger sur le lien existant entre les révolutions dans ces pays et les mouvements migratoires qui pourraient en résulter, bien qu'il soit rare de voir des révolutionnaires quitter leur pays sans attendre les retombées de leurs actions en matière de libertés et d'égalité. 2 Catherine Wihtol de Wenden-Révolutions arabes et migrations-avril 2011 http://www.ceri-sciences-po.org LAMPEDUSA : UN BAROMÈTRE DES ARRIVÉES Une illustration rapide de ces nouvelles mobilités a été donnée par les arrivées sur l'île de Lampedusa : près de 20 000 arrivées depuis le 1 er janvier 2011 alors que la capacité d'accueil est de seulement 850 personnes pour le centre d'hébergement. L'île compte donc, à présent, un habitant pour un migrant. Il s'agit de Tunisiens qui ont fui leur pays du fait des difficultés économiques car ils avaient peu d'espoir dans les retombées de la Révolution sur l'emploi et de Libyens qui se présentent comme demandeurs d'asile. Le Président Berlusconi a décidé, depuis la fin mars, de répartir ces nouveaux arrivants dans plusieurs régions d'Italie du Sud, indiquant que seules les demandes d'asile des ressortissants libyens seraient prises en considération. TUNISIE ET LIBYE : UN PAYS DE DÉPART ET UN PAYS D'ACCUEIL Un aperçu des contextes migratoires de départ et d'accueil sur la rive Sud de la Méditerranée conduit tout d'abord à identifier des situations très différentes entre les pays. La Tunisie est un pays d'émigration, dont 50 % de la population a moins de 25 ans. Elle est largement urbaine et scolarisée et près de 30 % des 18-35 ans y sont au chômage. Mais, du fait de sa position géographique et de sa proximité de l'Europe (138 kms la séparent de l'île de Lampedusa, au large de la Sicile), elle est aussi une terre de transit traversée par des sub-sahariens désireux de passer en Europe. Selon le rapport des Nations unies sur la population de 2009, la Libye, autre terre de transit, abrite 780 000 étrangers. Mais, à l'inverse de la Tunisie, elle est un pays d'immigration du fait de ses ressources pétrolières. Elle attire donc une migration Sud-Sud, qualifiée ou non, provenant essentiellement des États voisins (Niger, Égypte, Tunisie, Maroc, Algérie) mais également des pays de l'Afrique sub-saharienne. Depuis le début des événements, la plupart de ces migrants sont repartis dans leurs pays d'origine qui, comme le Maroc, ont parfois organisé eux-mêmes le retour de leurs expatriés. D'autres sont retournés chez eux par d'autres moyens, inquiétés par le climat de violence qui règne dans le pays. L'Égypte, quant à elle, est un pays de départ vers les pays du Golfe,