Être et paraître : Casanova, spécialiste de la mode (original) (raw)

Être et paraître devinrent deux choses tout à fait différentes, et de cette distinction sortirent le faste imposant, la ruse trompeuse, et tous les vices qui en sont le cortège 1. » Rousseau considère l'état des choses comme un fait accompli dans son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes (1755). Il pense que les apparences et la réalité sont définitivement séparées à son époque, et que cette séparation a entraîné la corruption morale totale de la société. De même, la sincérité et le comportement authentique, correspondant à un discours équivalent, ont disparu de la vie sociale. Si on se pose des questions sur les causes de cette séparation, il faut remonter à l'âge baroque qui s'est déjà questionné sur cette dualité fondamentale, thématisée très spectaculairement, entre autres, dans la pièce de Corneille, L'Illusion comique. En fait, c'est le XVII e siècle qui marque le tournant en Occident de ce point de vue, à en juger par le discours philosophique de ce siècle. Ce discours constate qu'un système complexe de codes s'est formé et celui-ci remplace les relations sincères entre les membres de la société aristocratique. Celui qui ignore l'usage des codes et le décodage des signes se trouve relégué à l'arrière-plan dans les conversations mondaines, comme le succès dans le codage et le déchiffrage garantit la reconnaissance sociale. Claude Reichler, dans son essai intitulé L'âge libertin 2 affirme que la cause de la mort des deux amants dans la tragédie de Théophile de Viau (Les amours tragiques de Pyrame et Thisbé, 1623) est justement cette distance et la confusion dramatique entre la réalité et les apparences. Dans l'histoire semblable à celle de Roméo et Juliette de Shakespeare, les deux amoureux de Babylone doivent fuir, puisque leurs familles respectives s'opposent à leur union. Ils se donnent rendezvous en dehors de la ville où ils se rendent l'un après l'autre, mais une erreur d'interprétation des signes les mène vers la mort. Un lion attaque Thisbé qui se libère, mais son voile reste accroché à une branche, et les traces de sang font croire à Pyrame que sa bien-aimée est morte. Il se suicide et quand Thisbé retourne sur le lieu de la rencontre, elle ne trouve que le cadavre de son amoureux et se donne la mort, elle aussi 3. Cette scène finale avec les deux suicides est interprétée par Reichler comme la conséquence d'un manque de transparence (exigée par Rousseau) entre les deux amants. Si les amants n'avaient pas pris les fausses