Machines littéraires, machines numériques: l'Oulipo et l'informatique (original) (raw)

L'informatique dans les études littéraires

1996

Balbutiante jusqu'en 1990, date a laquelle apparait un premier ouvrage de reference, Informatique et litterature (1950-1990), l'utilisation de l'informatique a commence a se faire connaitre dans les etudes litteraires, au cours de la derniere periode, avec la constitution de premieres equipes de recherche dans les milieux universitaires, en litterature francaise depuis 1992 autour de l'Universite de La Sorbonne Nouvelle (Paris III), d'H. Behar et du collectif Hubert de Phaleze, et, en litterature comparee, a l'Universite d'Artois, avec la creation du Centre d'Etudes et de Recherches sur les Textes Electroniques Litteraires (CERTEL). Ce processus pourrait s'accelerer. Le monde du livre etait en France, en 1995, a la veille de connaitre de grands changements et l'essor prevu de l'edition electronique, a partir de 1997, pourrait transformer d'une maniere radicale les conceptions admises jusqu'a present du livre, de la lecture et de la...

Oulipo international (1/2) : le groupe et la mondialité littéraire

Oulipo mode d’emploi, ouvrage dirigé par Christelle Reggiani et Alain Schaffner, 2016

De la pseudo-société secrète, du cercle restreint et autonome des débuts, l'Oulipo est passé à un réseau élargi dont les limites ne sont plus fixées par ses membres. Mais le groupe fait-il pour autant partie de la « littérature mondiale » ? Cette notion, développée au début des années 2000 dans les études comparatistes, désigne « à la fois une réalité concrète, l’ensemble des littératures nationales, et un processus d’intégration plus ou moins hypothétique : le passage de la littérature en régime mondial ». Elle combine donc un état et un mouvement, qu’il s’agit d’articuler pour l’analyse selon l’époque et le lieu de l’objet d’étude. C’est une littérature qui gagne en traduction, et qui est diffusée en grande partie par des passeurs, ces acteurs du champ culturel au métier souvent fluctuant et multiple (éditeur, traducteur, critique…) qui font circuler et connaître les œuvres. Notre postulat est que les stratégies que l’Oulipo, ce « groupe-monde », met en place de manière parfois impensée sont celles de la littérature mondiale, et que c’est donc par une mondialité de l’approche qu’il faut les appréhender. Le principe de la contrainte, par exemple, est absolument transnational et transculturel, de même que la notion de « potentiel », qui s’applique à toute forme de création ; les « plagiaires par anticipation » viennent du monde entier ; et les premiers éditeurs envisagés sont étrangers (maisons – Jonathan Cape, ou revues : temps mêlés, Il Caffè, Scientific American, Word Ways). L’Oulipo à ses débuts est mieux reçu dans les milieux étrangers que dans son champ d’origine . Or ces échanges ont de réelles conséquences littéraires : textes bilingues, traductions inter-oulipiennes, jeux sur les homophonies d’une langue à l’autre, adoption de formes fixes étrangères sont autant d’aboutissements créatifs de ces stratégies de la littérature mondiale. Si la mondialité de l’Oulipo était en germe au moment de la fondation, c’est avec les œuvres littéraires « entre les langues » qu’elle prend toute son ampleur.

Littérature et informatique : de la poésie électronique aux romans interactifs

Revue de l'EPI (Enseignement Public et Informatique), 1999

La « littérature », c'est par définition ce qu'on « lit ». Du moins était-ce ce qu'on avait l'habitude de « lire » jusqu'à présent sous une forme imprimée dans des livres. C'est également ce qui a commencé à être « affiché » 1 depuis le début des années 1980 sur les écrans d'ordinateurs car la « littérature », c'est aussi quelque chose qui commence à être « créé » et à être « vu » désormais sur les consoles de visualisation des nouveaux équipements technologiques. Or, on l'ignore trop souvent, la création littéraire a commencé à s'intéresser très tôt à l'utilisation de l'informatique et des ordinateurs 2. Dès 1959, en France, Raymond Queneau et François Le Lionnais créent un éphémère « Séminaire de Littérature Expérimental » qui se transforma dès 1960 en l'« OULIPO », à savoir l'« Ouvroir de Littérature Potentielle », qui voulait s'intéresser aux ressources que pouvaient receler ces nouvelles « machines à traiter l'information » 3 qu'on hésitait encore à appeler des « ordinateurs » 4. Entre-temps, les premiers vers libres électroniques avaient été composés historiquement, en allemand, en Allemagne, à Stuttgart par Théo Lutz. En français, ce ne fut réalisé qu'en 1964, au Canada, au Québec, à Montréal, grâce à un ingénieur, Jean A. Baudot, qui devint par la suite professeur d'informatique à l'université de Montréal. Les premières présentations publiques de « littéraciels » conçus en français (autrement dit de « logiciels » de création littéraires) n'ont eu lieu qu'en 1975 à

De la fiche à la Cité Mondiale, machines et machinisme dans l’œuvre de Paul Otlet

2021

Les travaux et les écrits de Paul Otlet sont marqués par un imaginaire lié aux machines. Celuici sous-tend sa conception des espaces des savoirs, constitués d'organes destinés à faire fonctionner des machines, mais également sa façon de penser les dispositifs d'organisations des connaissances qui nécessitent l'utilisation d'outils sophistiqués. Chez Paul Otlet, la conception « machiniste » du savoir doit ainsi se comprendre depuis la plus petite unité comme la fiche, jusqu'à des organismes ou organisations plus grandes comme la cité mondiale. The works and writings of Paul Otlet are marked by an imaginary linked to machines. Both by conceiving knowledge spaces as consisting of organs intended to operate machines, and as a designer of knowledge organization devices requiring the use of sophisticated tools. Otlet's machine design must therefore be understood from the smallest unit such as the index card, for example, to larger organizations such as the world city.

L’écriture numérique ou l’écriture selon les machines. Enjeux philosophiques et pédagogiques.

Communication & Langages, 2017

Petit, V., Bouchardon, S. (2017). « L’écriture numérique ou l’écriture selon les machines. Enjeux philosophiques et pédagogiques », Communication & Langages, n°191, mars 2017, 129-148. ---------- Cet article est une argumentation en faveur du concept d’écriture numérique et de son enseignement. Il vise à montrer que l’écriture numérique existe, qu’elle a des propriétés et des tensions spécifiques, mais aussi qu’elle peut s’enseigner. Reprenant un certain nombre de questions héritées des études menées sur les rapports entre l’écriture et l’informatique, les auteurs s’intéressent à la dimension pédagogique de l’écriture dite « numérique » à partir de l’exemple d’un programme de recherche mené dans le cadre de la Région Picardie : PRECIP, PRatiques d’ÉCriture Interactive en Picardie.

L’Oulipo ou la Nouvelle Vague du Classicisme

Theleme Revista Complutense De Estudios Franceses, 2010

L'Oulipo établit un rapport nouveau avec les Anciens qu'il ne soumet pas à une dynamique destructive mais à une réévaluation : par son orientation analytique l'Oulipo repropose les oeuvres oubliées et relit les oeuvres déjà consacrées par la tradition. En ce qui concerne son rapport aux avant-gardes contemporaines, l'Oulipo, qui soutient l'idée d'une littérature volontaire, s'oppose au Surréalisme mais partage avec Tel Quel la conception ludique de la littérature et le propos d'une même réévaluation de l'écriture en tant que pratique fondée sur une conception artisanale du travail de l'écrivain. Au désir de rupture des conventions narratives du réalisme du XIX e siècle qui anime Tel Quel et le Nouveau Roman et qui ne propose qu'une innovation des procédés narratifs, l'Oulipo substitue une nouvelle approche du réel perçu dans ses transformations nombreuses et continues.

Les machines ouvrières dans la littérature des XXe et XXIe siècles

XXI/XX Reconnaissances littéraires, n° 2, 2021

Après la Révolution industrielle, les manufactures puis les usines sont devenues des éléments essentiels dans le paysage français et européen. Renfermant des machines, elles ont été le siège de nombreuses inventions technologiques. Le machinisme qui a envahi la production industrielle au xx e siècle y a trouvé sa meilleure expression, passant de la mécanique classique à l'automatisation, où l'intervention humaine sur la machine se réduit à la surveillance et à la réparation. Cette invasion de la machine, notamment des machines-outils et des machines-transferts, ne pouvaient pas laisser la littérature (totalement) indifférente, même si la plupart des auteurs des xx e et xxi e siècles se situent très loin du monde usinier et que rares sont ceux qui parlent d'expérience. Le roman naturaliste a largement préparé le terrain à une représentation plus ou moins codifiée de la machine. La Lison, la locomotive de La Bête humaine, et son agonie lors de son déraillement, ou le Voreux, dévorateur d'hommes dans Germinal, continuent de hanter la mémoire littéraire des lecteurs du xxi e siècle par leurs allures de monstres anthropomorphes. Pourtant, les machines usinières ont été beaucoup plus rarement dépeintes que celles servant aux transports comme l'automobile, les trains ou les avions, que les appareils de télécommunication (le téléphone) et les différents enregistreurs en lien avec l'écriture (les machines à écrire ou le dictaphone chez Cendrars), ou encore que les créatures artificielles (chez Villiers de l'Isle Adam). Le roman scientifique de la fin du xix e siècle (Jules Verne) a travaillé « à donner une place à la machine dans la fiction 1 », rappelle Isabelle 1 Isabelle Krzywkowski, Machines à écrire : Littérature et technologies du XIX e au XXI e siècle, nouvelle édition, Grenoble, UGA Éditions, 2010, chapitre 3 : « Dire la machine. Le thème machinique et la représentation de la machine », § 65, disponible en ligne : URL : https://