Gide avec Said. Sur un cas d’orientalisme (néo)pédérastique (original) (raw)

La notion d'orientalisme selon Edward Said

Pour éclaircir la notion d’orientalisme, très importante pour comprendre le changement des paradigmes de la recherche en sciences sociales en Afrique du Nord, et ailleurs, remettant à sa place les héritages coloniaux en la matière, je propose ici quelques citations issues de mes contributions au livre Le passé colonial et les héritages actuels en Mauritanie [2007] L’Harmattan, 2014.

Fez aux prises avec le discours orientaliste

Hans-Jürgen Lüsebrink et Sylvère Mbondobari (éds.), Villes coloniales/Métropoles postcoloniales. Représentations littéraires, images médiatiques et regards croisés, 2015

L'idée directrice du travail que nous proposons est d'observer comment un lieu singulier, en l'occurrence Fez, peut infléchir un discours dans lequel on peut s'attendre à relever un certain nombre de clichés orientalistes sur les villes du Maghreb, ou de façon plus spécifique sur les villes impériales au Maroc. La singularité d'une ville, avec sa topographie propre, son histoire, son style architectural, sa distribution sociale, etc., n'impose-t-elle pas sa marque sur un discours aussi attendu que peut l'être le discours orientaliste, tel qu'il s'est figé dans la littérature coloniale dans la première moitié du 20 ème siècle ? Cet article cherche à se placer entre la pression d'un discours et la résistance d'un lieu. Précisons que je ne m'intéresserai ici qu'aux textes consacrés à la vieille ville. On pourrait en trouver d'autres, moins nombreux, sur la ville nouvelle, mais il serait difficile de faire ressortir les mêmes enjeux 1. On est, dans de nombreux textes de l'époque coloniale, entre les impressions de voyage et le guide touristique. La ville, avec ses particularités architecturales, son histoire et sa toponymie propres, est le principal lien entre tous ces textes, mais on sera également sensibles aux jeux directs d'intertextualité. Si chaque auteur a son univers propre et tient à témoigner d'un expérience singulière, il sera cependant possible de repérer des phénomènes de transversalité. Ceux-ci peuvent provenir de trois phénomènes : la prégnance d'un discours orientaliste, avec sa spécification maghrébine en contexte colonial ; la probabilité d'une intertextualité forte entre les écrits sur une même ville due au fait que, même si les nouveaux visiteurs ne citent pas toujours les textes antérieurs sur la ville, on peut supposer qu'ils les ont lus (probablement avant même de se rendre au Maroc) ; enfin les particularités du lieu lui-même infléchissent nécessairement le texte. Quelle est la part respective de ces trois modalités de l'écho entre les textes ? Telle est la question que nous voudrions poser. I. Stéréotypes orientalistes : la forteresse, l'oasis et le labyrinthe. Beaucoup de textes sur Fez sont insérés dans des récits de voyage au Maroc, ou plus largement au Maghreb. Parmi les villes rencontrées, Fez est souvent évoquée comme celle qui fait la plus forte impression au voyageur. Dans cette première partie nous verrons comment le fantasme orientaliste peut forcer la perception de la ville : à partir de certains traits, les voyageurs vont parfois réécrire la ville pour la rendre conforme à leurs attentes. L'inflexion est donc portée ici sur la pression d'un discours préformé qui oriente la perception de la ville. La ville est moins vue que perçue à travers un discours qui va lui donner forme.

Réceptions de L’orientalisme

2020

Professeur de philosophie moderne et contemporaine à l'Université de Helwan au Caire. « Un discours est, certes, déterminé par ce sur quoi il porte : mais à côté de ce contenu évident il en est un autre,

L’orientalisme et le goût pour le pays des pharaons

2017

Le mouvement d'orientalisme a été né grâce à l'expédition française en Égypte qui a donné lieu depuis deux siècles à d'innombrables récits, études, oeuvres littéraires et commentaires. En effet, elle a enflammé littéralement l'imaginaire des Occidentaux. Dans l'esprit de Bonaparte, il s'agissait d'une triple conquête: la conquête militaire, d'abord, pour soustraire aux Anglais un pays riche et bien placé sur la route des Indes, la conquête politique, ensuite, pour rallier les égyptiens et leur apporter les Lumières de la civilisation occidentale et la conquête scientifique, enfin, pour étudier un pays fascinant, grâce à quelque 160 savants et artistes accompagnant 50 000 soldats et marins. L'expédition a permis de réveiller l'Egypte et de l'introduire dans la modernité et dès lors, le goût oriental a envahi la littérature française. La plupart des écrivains et des artistes étaient bien instruits et ont séjourné un certain de temps dans les pays d'Orient. Il est normal que le début du XVIII siècle vienne continuer dans la même tendance orientale. Mais après la traduction des Milles et une nuit de Galland, la France n'a pas cessé de contempler cet Orient pur, riche et imaginaire. Un grand nombre d'écrivains se dirigeaient vers cette fiction orientale. L'Orient est devenu le sujet littéraire dominant et le plus demandé Mots clés L'autrele voyageles écrivains voyageurs-l'Expédition de Bonaparte-l'intérêt pour l'Égypte.

Recension d'ouvrage : L’orientalisme - Edward Saïd.pdf

Professeur de littérature et politiste, père fondateur des postcolonial studies, Edward W. Saïd s’efforce dans cet ouvrage de questionner la représentation occidentale de l’Orient du XVIIIe à nos jours. La désignation de l’Orient comme rival culturel, figé dans une altérité fondamentale par la communauté des orientalistes, constituerait ainsi une modalité du pouvoir colonial. Ce papier a vocation à restituer la pensée d'Edward Saïd dans toute sa rigueur, tout en adoptant une approche originale qui puisse combiner un effort de synthèse et un effort de commentaire.

7. Des orientalistes en Orient

2016

Cet ouvrage a été publié avec le soutien du laboratoire d'excellence TransferS (programme Investissements d'avenir ANR-10-IDEX-0001-02 PSL* et ANR-10-LABX-0099).

Lorsque la modernité vient d’Orient

Politique, 1988

Les agences de presse ont récemment mis en évidence un profond désir de changement pour une partie de plus en plus grande de la population chinoise-ainsi, l'an dernier, les manifestations de certains étudiants ont fait grand bruit. Plusieurs Occidentaux, observant cette volonté de modernisation et d'ouverture au monde extérieur, n'ont alors pas manqué de l'interpréter comme une volonté de voir l'introduction progressive en Chine des valeurs proprement occidentales. N'est-il pas généralement admis, en effet, que la modernité fait nécessairement référence à l'Occident? À l'évidence, une certaine disposition de la pensée occidentale a pu faire d'un tel point de vue une sorte de truisme. Edward Saïd, s'inspirant des travaux de Michel Foucault dans un livre publié au début des années quatre-vingt, est un de ceux qui ont analysé la conception de l'Orient telle que construite par le discours occidental. Il a bien montré que, depuis le XIX e siècle à tout le moins, ces deux mondes entretiennent «une relation de pouvoir et de domination», à l'avantage certain de l'Occident (Saïd, 1980, 18). Cependant, cette étude a été limitée du début du XIX e siècle * L'auteur remercie M. Gérard Hervouet pour ses commentaires sur la première version de ce texte.

L’Orientalisme, La Chine et les Etudes chinoises : Usages critiques et dévoiements nationalistes de la pensée d’Edward Said

Laurent Dartigues, Makram Abbès (dir.), Orientalismes/Occidentalismes : A propos de l’œuvre d’Edward Said, Paris, Hermann, 2018., 2018

Introduction La notion d’orientalisme ne fait plus référence aujourd’hui à un champ du savoir spécifique, à cette discipline ancienne dédiée à l’étude des peuples, des langues et des sociétés orientales. Dans le jargon des sciences humaines, le concept d’orientalisme évoque désormais, avant toute chose, l’ouvrage éponyme publié en 1978 par l’intellectuel palestinien Edward Said . Ce chapitre traite de l’orientalisme en relation avec la Chine en tant qu’elle est à la fois un espace social-historique et un topos discursif, un lieu réel et une représentation. Notre réflexion se décline à plusieurs niveaux. Il sera question de la pertinence de l’orientalisme pour traiter de la condition historique chinoise et de ses relations géopolitiques et culturelles avec l’Occident, étant entendu que cette dernière catégorie constitue en soi une partie de la problématique. Il faudra évoquer ici des énoncés et des institutions de savoir – une « formation discursive » - qui ont participé à la construction d’un imaginaire orientaliste sur la Chine. Une autre perspective visera à discuter des (més)-usages critiques et de la réception de la théorie saidienne au sein de la discipline qui, dans le monde euro-américain, produit un savoir dédié à la Chine, en l’occurrence la sinologie et, plus récemment, le champ des Area studies. Nous traiterons aussi le déploiement du discours orientaliste, et la réception intellectuelle de l’œuvre de Said, dans le contexte sinophone et plus particulièrement en Chine continentale. A première vue, il apparait pertinent de souligner les spécificités culturelles et politiques de l’espace social-historique chinois contemporain. C’est un choix méthodologique qui mérite pourtant une explication préliminaire. Le traitement séparé de l’orientalisme en Chine et dans les sociétés euro-américaines constitue un a priori discutable dans le sens où il tend à reproduire ce que dénonçait Edward Said dans ses travaux : une lecture binaire du monde à partir du paradigme qui distingue « The West and the rest ». La Chine, depuis le milieu du XIXe siècle au moins, doit être envisagée dans le cadre de ce que Rebecca Karl appelle la « modernité globale », en désignant par ce terme les manifestations matérielles, culturelles et intellectuelles du processus d’expansion du capitalisme dans sa forme impérialiste . L’histoire de l’orientalisme en Chine - la théorie critique et le discours – mérite d’être pensée dans le cadre de cette « mise en contexte mondiale » , en considérant que le phénomène d’appropriation en Chine de théories venues de l’espace intellectuel euro-américain ne constitue en aucune façon une innovation contemporaine. Nous postulons, avec Arif Dirlik, que l’orientalisme est une expression intégrale de la modernité, et pas seulement de l’eurocentrisme . Dès lors, que la différence ontologique Orient/Occident, qui signe le paradigme orientaliste, ait été intériorisée par les lettrés chinois au cours des dernières décennies de la dynastie Qing ne constitue pas une surprise. Au cours des années 1910s, les intellectuels iconoclastes et progressistes du « Mouvement de la nouvelle culture » pensent déjà la relation de la Chine au monde avec les catégories culturalistes et la hiérarchisation historiciste imposée par le discours orientaliste européen. C’est l’inscription précoce de la Chine dans une modernité dont le cadre épistémologique a néanmoins été élaboré au sein du monde euro-américain qui se trouve confirmée par l’auto-orientalisme précoce des milieux intellectuels chinois. plan: Orient géographique, Orient discursif, Chine imaginaire L’Orientalisme dans les Asian Studies Simon Leys ou la mélecture de L’Orientalisme Le postulat de l’extériorité chinoise de François Jullien Extension du domaine de l’orientalisme Les usages nationalistes de Said en Chine Des Intellectuels et du pouvoir (en Chine) Conclusion Dans Humanism and Democratic Criticism, Said définit la critique humaniste comme « une forme de liberté démocratique et comme exercice continu du questionnement et de l’accumulation d’un savoir qui reste ouvert, plutôt que fermé, aux réalités historiques constitutives du monde de l’après-guerre froide » . L’intellectuel doit viser l’autonomie collective et, avant toute chose, la reconnaissance de l’auto-altération permanente des institutions de la société dans l’histoire . En écrivant L’Orientalisme, Said jouait son rôle d’intellectuel humaniste questionnant une catégorie initialement instituée dans les sociétés euro-américaines. Il démontrait l’historicité de ces représentations occidentales de l’Autre, et la possibilité de leurs dépassements. En Chine, nombreux sont les intellectuels qui se sont appropriés cette fantastique élucidation de l’hégémonie occidentale. Cependant, jusqu’à aujourd’hui, la méthodologie réflexive et critique de Said – « exercice continu du questionnement et de l’accumulation d’un savoir qui reste ouvert » - semble ne pas avoir bénéficié du même attrait. L’humanisme critique reste trop souvent associé au discours hégémonique de l’ « Occident » et à ses anciens usages coloniaux. En identifiant les malheurs de la Chine à une cause externe – et en sanctuarisant d’autres catégories historiques comme l’ « Orient » ou la « Chine » - la mise en question de l’imaginaire institué en Chine, au premier chef les institutions politiques, se trouve sans cesse repoussée. Les usages de Said en Chine ne participent pas à la contestation du caractère hétéronome de la société chinoise contemporaine.

La réception ambivalente de Orientalism d’Edward Saïd dans le monde arabe – une question de traduction ?

Meta, 2016

Tout acte de traduction laisse des traces dans la mesure où le traducteur « emprunte » une voix qui n’est pas la sienne. Ce faisant, le traducteur révèle la clé de sa démarche, qui vise soit à s’effacer derrière la voix de l’auteur traduit, à être le passeur en quelque sorte d’une autre parole poétique, d’un autre regard sur le monde, soit au contraire à imprimer sa voix, à influer sur le traduire. Cela implique une prise en compte de la visibilité du traducteur, donc de sa subjectivité et par là même, une remise en cause des concepts traditionnels de la théorie et de la pratique de la traduction ayant trait à la fidélité, au sens et à l’interprétation. Traduire, c’est réécrire l’original non seulement pour faire passer un sens mais aussi pour refléter une certaine idéologie, introduire de nouveaux concepts, de nouveaux genres, bref, innover. La position du traducteur face à l’altérité diffère selon qu’il cherche à narguer les règles de sa langue culture estimant qu’elles ne suffise...