Par-delà toutes les frontières : le pseudos dans les Histoires vraies de Lucien (original) (raw)
At the beginning of the Verae Historiae, Lucian announces that he will tell nothing but pseudos, a word which, according to a point of view we had expounded previously, should be understood as « fiction » rather than « lie ». This paper deals with the relations the pseudos has with its opposites, that is to say, with reality and truth (ἀλήθεια) on the one hand, and with the logos on the other. As a matter of fact, Lucian abolishes many borders, not only space borders, but also intellectual ones : between reality and fiction, between literal and figurative sense of the words, between pseudos and logos. He finally shows to his reader the limits of the logos and, on the contrary, the unlimited power of the pseudos. Dans le prologue des Histoires Vraies (I 1-4), Lucien élabore un projet à la fois provocateur et novateur, en annonçant que, suivant l'exemple de nombreux auteurs parmi les plus célèbres, il a résolu de « se tourner vers le mensonge » (ἐπὶ τὸ ψεῦδοϛ ἐτραπόμην, I 4) et que, de tout ce qu'il va dire, le seul point véridique est celui où il affirme qu'il ment (κἂν ἓν γὰρ δὴ τοῦτο ἀληθεύσω λέγων ὅτι ψεύδομαι). Nous avions eu l'occasion d'étudier ce texte, qui se révèle être un avertissement au lecteur, et d'en examiner les implications, en proposant de comprendre ce que Lucien appelle ψεῦδοϛ non pas simplement comme « mensonge » au sens courant, mais comme « fiction 1 ». Nous voudrions ici poursuivre notre réflexion en étudiant comment Lucien met cette notion en pratique. En effet, tout en déclarant que tout est faux dans son récit 2 , il précise que celui-ci est fait de manière à être convaincant et vraisemblable (I 2 : πιθανῶϛ τε καὶ ἐναλήθωϛ). Quelles relations existe-t-il entre le pseudos et ses contraires, et quels sont ces contraires ? S'il 1 Cf. Gassino (à paraître). 2 Cf. V.H. I 4 : Γράφω τοίνυν περὶ ὧν μήτε εἶδον μήτε ἔπαθον μήτε παρ᾿ ἄλλων ἐπυθόμην, ἔτι δὲ μήτε ὅλωϛ ὄντων μήτε τὴν ἀρχὴν γενέσθαι δυναμένων. Διὸ δεῖ τοὺϛ ἐντυγχάνονταϛ μηδαμῶϛ πιστεύειν αὐτοῖϛ. « Bref, j'écris sur des choses que je n'ai ni vues ni vécues ni apprises d'un tiers, des choses qui, en plus, n'existent absolument pas et n'ont aucune chance d'exister. Par conséquent, les lecteurs ne doivent pas en croire un mot. » Toutes les traductions données ici nous sont propres, sauf indication contraire.