Les syndicalistes hongrois pris dans le tourbillon du marché : entre continuité des pratiques et apprentissages (original) (raw)
2010, in : F. Aballéa, A. Mias (sous la dir.), Mondialisation et recomposition des relations professionnelles, Octares.
Presque 20 ans après le changement de régime, la plupart des travaux portant sur le syndicalisme hongrois sont pessimistes quant à la capacité des syndicats de défendre les intérêts des salariés par la voie de la négociation collective ou de l'opposition (très faible fréquence des conflits) et, ce faisant, à endiguer la chute continue de leurs adhérents 1 . Parmi les différentes explications de cette difficulté à se « moderniser », l'hypothèse d'une incapacité à se démarquer d'un syndicalisme de services et de gestion, sur le modèle de la « courroie de transmission » hérité de l'ancien régime communiste semble déterminante. En dépit des transformations économiques et institutionnelles qu'a connues la Hongrie depuis le changement de régime en 1989, la plupart des auteurs mettent l'accent sur la continuité des pratiques et comportements des syndicalistes. Cette lecture en termes d'héritage culturel est d'autant plus prégnante en Hongrie, qu'à la différence d'autres pays de l'Est, lors de la transition de régime, les anciens syndicats n'ont pas été dissous (comme en Tchécoslovaquie) ou fortement concurrencés par les nouveaux syndicats libres (comme en Pologne avec Solidarnosc). Les anciens syndicats, et beaucoup de leurs représentants, sont restés en place tout en s'ouvrant au pluralisme syndical. Cette stabilité permet-elle d'expliquer le paradoxe entre l'ampleur des transformations économiques et sociales qu'a connues le monde du travail hongrois depuis les années 1970 et l'apparente inertie des syndicats ? D'autres hypothèses peuvent nous éclairer. Tout d'abord celles qui mettent l'accent sur la convergence entre le syndicalisme coopératif hérité et la quête de flexibilité des multinationales (Toth, 2006) ou la permanence de modes de direction paternalistes dans certaines entreprises . Autre piste, la faiblesse du droit syndical dans l'entreprise et notamment le rôle limité des comités d'entreprise , encore peu compensé par l'action des comités d'entreprise européens ou de groupe , ou encore le rôle de l'Etat et de l'alternance politique dans les relations professionnelles en Hongrie . Ces interprétations mettent, en creux, l'accent sur ce qui nous semble central dans la compréhension de la continuité des pratiques : la question des apprentissages et des contextes de fabrication des pratiques militantes. Les syndicalistes ne semblent pas avoir l'opportunité de « réinventer » leur rôle, soit parce qu'ils sont contraints par les stratégies patronales, soit parce qu'ils sont dépendants des régulations socio-politiques. Même si sur cette dernière dimension, l'Europe joue un rôle d'incitation normative pour la mise en place d'un véritable dialogue social.