Usage des ressources forestières en Guyane : de la tradition à la valorisation (original) (raw)
2003, Revue Forestière Française
Au carrefour des sciences naturelles et des sciences de l'homme, l'ethnobotanique est née au XIX e siècle d'une botanique économique et utilitariste, chargée de rechercher dans les colonies des matières premières nouvelles pour le commerce et l'industrie. La discipline a ensuite évolué vers l'analyse complexe des relations entre les sociétés et leur environnement végétal, et le concept s'est étendu à d'autres disciplines (ethnozoologie, ethnopharmacologie, ethnoécologie…) (Barrau, 1984). Ces dernières années, on assiste à un nouveau tournant dans le champ de ces ethnosciences, tournant lié àu ne prise de conscience, tant au niveau international qu'au niveau local, des enjeux autour de la biodiversité et de ses usages par les populations autochtones et locales. En effet, la Convention mondiale sur la diversité biologique (CDB) reconnaît l'intérêt que présentent « les populations incarnant les modes de vie traditionnels », pour « la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique »(Article 8), et préconise de « respecter, préserver et maintenir les connaissances, innovations et pratiques des communautés autochtones et locales qui incarnent les modes de vie traditionnels (…) et en favoriser l'application sur une plus grande échelle, avec l'accord et la participation des dépositaires de ces connaissances, innovations et pratiques et encourager le partage équitable des avantages…»(Article 8J). Or, c'est précisément le champ des ethnosciences de s'intéresser àc es connaissances et pratiques traditionnelles, avec, aujourd'hui, un nouvel enjeu : la valorisation, par les sociétés traditionnelles elles-mêmes, de leurs savoirs et savoir-faire sur la nature. Cette démarche soulève toutefois un certain nombre de questions, d'ordre éthique, social, environnemental, législatif et technico-économique, que nous allons étudier tour àt our. DROITS DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE : COMMENT PROTÉGER LES SAVOIRS TRADITIONNELS ? Dans le processus actuel de marchandisation et de mondialisation, il est souvent nécessaire d'attribuer une valeur économique à la nature pour pouvoir la protéger. Le développement des biotechnologies a fortement contribué à cette monétarisation de la nature. Or, les travaux des ethnobotanistes peuvent être utilisés par les laboratoires pour déposer des brevets et transformer ainsi en marchandises des ressources génétiques qui résultent parfois du travail réalisé par de longues générations d'agriculteurs ou de cueilleurs (Dupré, 1996). Cette perspective utilitariste de la nature et des savoirs traditionnels pose de nombreuses questions : Comment valoriser les ressources naturelles et les savoirs qui leur sont attachés, sans spolier les populations détentrices de ces savoirs ? Comment assurer un partage juste et équitable des avantages décou