"De l’expérience de pensée littéraire à l’expérience de la lecture", dans L’Expérience 1, vol. 1, Françoise Bort, O. Brossard et W. Ribeyrol (dir.), Paris : Éditions Michel Houdiard, 2012. (original) (raw)
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La pensée littéraire et la preuve, ou l’épreuve, du partage
L'Esprit Créateur, 2014
La pensée littéraire et la preuve, ou l'épreuve, du partage Elodie Laügt « Il y a des malentendus qui ne font que confirmer une suprême entente. » F. Schlegel à Novalis « Le romantisme ne nous mène à rien qu'il y ait lieu d'imiter ou dont il y ait à 's'inspirer', et cela parce que-on le verrail nous 'mène' d'abord à nous-mêmes i. » LA NOTION DE « PENSÉE LITTÉRAIRE » soulève à la fois la question de ce que la littérature pense et celle de la manière dont elle est pensée. C'est la question qui est posée à la littérature et celle que cette dernière se pose et nous pose. Cette double question est en jeu, pourraiton dire, dans tout texte, que ce soit de manière explicite ou non, dans la mesure où la question de la littérature, c'est-à-dire celle de sa définition en même temps que de ses enjeux et de son rôle ou de ses usages sociaux, occupe et travaille tout texte. Cependant, elle ne l'occupe pas de la même manière ni depuis le même lieu. Aussi, penser la littérature, c'est-à-dire la singularité de la littérature ou encore un Absolu de la littérature, ne cesse-t-il d'apparaître à la fois nécessaire et problématique. Si l'existence du « premier romantisme » comme l'appellent Philippe Lacoue-Labarthe et Jean-Luc Nancy ne fut que très brève, entre 1797 et 1800, ses répercussions n'auront cessé de se faire sentir bien au-delà de la dissolution du petit groupe d'Iéna. Ainsi, les auteurs de L'Absolu littéraire ne manquent pas de souligner que le mouvement par lequel la littérature prend en charge ses propres questions ouvre la voie à la pensée blanchotienne du désoeuvrement. De fait,
Cet ouvrage interroge la notion de sacralisation comme modèle d'action ou comme force performative de la pensée. La précipitation propre aux temps modernes défi e toute possibilité de prévisibilité, esquive le passé, bouleverse l'avenir, car la modernité vénère moins le sens du passé vécu et l'expérience des générations antérieures qu'elle ne célèbre l'affi rmation du temps utile et la progression par le changement et la nouveauté. Portant sur un corpus des XIX e et XX e siècles, francophone ou non, les études rassemblées ici traitent de la sacralisation du littéraire opérée par le sujet lecteur. En quoi cette sacralisation diffère-t-elle de la sacralisation religieuse ? Quels sont les gestes qui la constituent ? D'où émane l'impression de sacralité inhérente aux expériences esthétiques, à la lecture littéraire en l'occurrence ? L'articulation entre sacralité et rythme temporel dans l'expérience littéraire oriente non seulement l'examen du rôle du sacré comme usage toujours distancié et vénéré de l'objet à examiner, mais aussi comme expérience auratique pouvant mener à une certaine forme de résistance ou de contre-conduite. Aborder la sacralité du littéraire en relation avec le bouleversement de l'expérience du temps inhérente à la modernité et les fractures de notre univers postmoderne suppose une relecture à travers un prisme interdisciplinaire.
Le poète est peut-être celui qui délivre le sacré de toute sa gangue à la fois trop divine (en le déliant des dieux d'une religion) et trop humaine (en le dégageant de pratiques visant des pouvoirs). Cette vocation du poétique à appréhender le sacré est peut-être plus qu'un fait contingent, mais l'essence même du poétique, comme l'essence du sacré serait de poétiser l'existence 1 . 1 J.-J. Wunenburger, Le Sacré, Paris, PUF, 1981, p. 121. 2 Cf. H. Meschonnic, Le Sacré, le divin, le religieux, Paris, Arfuyen, coll. « La faute à Voltaire », 2016. Raymond Michel, Marta Inés Waldegaray par la pensée, vers ce temps mythique où se nouait « l'union originelle entre les mots et les choses, entre les hommes et les animaux […], entre les hommes et la nature. Une union d'avant le langage. Un archaïsme premier 3 » ? Ou bien ne constitue-t-elle pas -ce qui revient, en fin de compte, peut-être, au même -un espace où, sous la domination, sans partage, du règne de la communication et de la marchandise 4 , se généralise une sacralisation light qui institue ses temples, ses prêtres, ses rites, ses idoles dont le caractère sacré ne tient qu'à leur « don de fascination 5 », passablement affadi au demeurant, dont on les affuble en les affabulant ? La sacralisation de l'art et de la littérature Dès l'abord, qu'entend-on par sacralisation de l'art 6 ? Pour donner une réponse à une telle question qui irait au-delà des stéréotypes et de la trivialité du sens commun, lesquels ont tendance à « naturaliser » le phénomène, il nous paraît important de privilégier une approche culturelle et historique. C'est ce que William Marx entreprend de mettre en évidence dans L'Adieu à la littérature 7 , en montrant que, loin d'être le corollaire d'une essence universelle que possèderait, de jure, la littérature, sa sacralisation a été le résultat d'un processus culturel et a fortiori social, au demeurant limité dans le temps. Ce processus est particulièrement complexe, car, d'une part, il traverse les champs littéraire, religieux et politique, et, d'autre part, engage l'identité même des acteurs qui y sont impliqués -définition et
Contextes, 2019
Penser les effets de la fiction sur les individus et la société suppose de la considérer d’un point de vue pragmatique comme quelque chose qui opère dans et depuis le monde, d’étudier la façon dont les auteurs aujourd'hui la travaillent et dont elle travaille en retour ses lecteurs du point de vue des usages qu'ils en font. Que peut la littérature devant les pratiques de storytelling néolibéralistes dont l'objectif est d'inventer un concept-solution qui soit « actionnable », efficace en termes de like, de follow et de vente ? Elle peut en reconnaître la valeur instrumentale, en partager la confiance dans le pouvoir de la fiction d'agir sur le monde, puis s'en servir de levier à d'autres fins éventuelles. Nous verrons dans cette étude comment les fictions littéraires peuvent opérer sous forme d’enquêtes sur la vie pratique et les formes de vie individuelles et collectives, à la manière dont les expériences de pensée remplissent leur fonction heuristique.
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En quelles pratiques enseignantes consiste aujourd’hui la formation littéraire ? Et quels effets produisent-elles en termes de représentations et d’apprentissages chez les élèves ? Pour aborder ces questions, le présent article convoque et confronte différentes enquêtes récentes, avant de s’interroger sur les modèles théoriques et didactiques sous-jacents aux pratiques d’enseignement-apprentissage de la littérature. Ce faisant, il souligne la rupture historique qu’a constitué le passage d’une didactique axée sur la seule littérature à une didactique davantage centrée sur la lecture, et il distingue trois conceptions trop souvent confondues de la « lecture littéraire » : celle qui se fonde sur la participation psychoaffective du lecteur aux contenus textuels, celle qui privilégie sa distanciation critique, et celle, inspirée de Picard, qui met en évidence le va-et-vient dialectique entre ces deux démarches.