« Le mouvement sommeilleux de la rivière R » : Wallace Stevens et Mallarmé (original) (raw)
2006, Mallarmé et après? Fortunes d'une œuvre, Actes du Colloque de Tournon, 1998, Daniel Bilous, ed.
SOMMAIRE Malgré son évolution progressive vers une autoréférentialité explicite, c'est une constante de l'oeuvre de Wallace Stevens que la poésie soit le « sujet » du poème, non son « objet ». Dès « The snow man », le problème de la position du sujet vis à vis de l'êtreen-soi des objets du monde se pose en des termes qui impliquent l'affirmation d'une double néantisation et, par cette conjonction, comme chez le dernier Mallarmé, une possible reconnaissance de l'être-au-monde du poème et un certain acquiescement. Mais les objets du texte stevensien adviennent par l'occasion expérientielle, leur nécessité relève de l'arbitraire de ce-qui-est, non de celui du signe, même remotivé. La démarche de Stevens, comme celle du créationnisme, remonte en-deça de la problématique mallarméenne, même si elle est impensable sans Mallarmé, et se prolonge vers le ressassement de l'écart comme mode tempéré d'être-là. Et avoir eu froid longtemps Pour voir les genévriers hirsutes de glace, Les épinettes rudes dans le scintillement lointain Du soleil de janvier ; et ne penser Aucune plainte dans le bruit du vent, Dans le bruit des feuilles rares, Qui est le bruit de la terre Pleine du même vent Qui souffle sur le même endroit nu Pour l'auditeur, lequel écoute dans la neige, Et, n'étant rien lui-même, ne voit rien qui ne soit là, et voit le rien qui est là. 2