Penser l’Économie, les institutions et la dynamique institutionnelle à partir de Karl Polanyi (original) (raw)

Penser l’institution et le marché avec Karl Polanyi

Revue de la régulation, 2011

Bien que Karl Polanyi (1886-1964) n’ait jamais eu pour ambition « d’élaborer une théorie complète des institutions économiques », ce texte met en évidence qu’il y a, dans son œuvre, une analyse aussi implicite que profonde du marché appréhendé comme institution ou « processus institutionnalisé ». À l’encontre de la croyance économique conventionnelle, l’œuvre de Polanyi permet de comprendre que le marché, n’est ni spontané ni autorégulateur. Plus encore, à suivre Polanyi, le capitalisme ou « société de marché » se caractérise par un fait culturel spécifique : la croyance utopique en l’autorégulation marchande. Une origine de la crise économique actuelle peut ainsi être mise en évidence. Plus généralement, tout économiste contemporain soucieux des problématiques de l’institution et du marché peut, avec Polanyi, resituer de façon novatrice les marchés au sein des contextes socio-historiques dans lesquels ils se déploient. MOTS CLEFS capitalisme, crise, encastrement, institution, marché autorégulateur, marchés, société de marché, utopie POUR CITER CET ARTICLE Jérôme Maucourant et Sébastien Plociniczak, « Penser l’institution et le marché avec Karl Polanyi », Revue de la régulation [En ligne], 10 | 2e semestre / Autumn 2011, mis en ligne le 21 décembre 2011, consulté le 08 août 2024. URL : http://journals.openedition.org/regulation/9439 ; DOI :

L’« institution » selon Karl Polanyi. Fondements et mise en perspective contemporaine

Tracés, 2009

Si, à ce jour, Polanyi a acquis quelque légitimité auprès d’éminents économistes comme le Prix Nobel d’économie 2001, Joseph E. Stiglitz, c’est que les économistes ont de plus en plus de mal à prouver le caractère scientifique d’une discipline qui manque singulièrement de contenu empirique. Il suffit de se souvenir, par exemple, de l’échec des politiques recommandées par des références de premier ordre au moment de l’effondrement du bloc soviétique (la fameuse « thérapie de choc ») ou la surprise absolue qu’a constituée la crise de 2008 autant pour l’homme du commun que pour la quasi-totalité des économistes professionnels4. Dès lors que la construction sociale des grandes règles structurant les flux économiques est reconnue comme décisive, dès lors qu’on admet que les règles constitutives de l’organisation marchande n’émergent pas spontanément du jeu d’acteurs rationnels dans un monde d’optimalité, dès lors, aussi, que l’autorégulation des marchés est conçue comme un mythe, un espace de légitimité s’ouvre pour une authentique analyse institutionnelle. C’est aussi en dehors des constructions néo- institutionnalistes qu’il faut repenser l’institution dans ses rapports avec l’économie. Bien que Polanyi n’ait pas développé suffisamment le concept d’institution, la notion existe bien dans son œuvre. Nous nous attacherons donc à rappeler, d’abord, la problématique transdisciplinaire de Polanyi en la matière pour, ensuite, en dégager ce qui doit rendre attentif l’économiste soucieux de la problématique de l’institution, tout en insistant sur la nature distincte du marché.

Au-delà de la dichotomie marché-institutions : l'institutionnalisme de Douglass North face au défi de Karl Polanyi

Revue française de socio-économie, 2010

On the basis of the “challenge” North [1997 (1977)] identified in the works of Polanyi, we propose to outline the originality of North’s institutionalism, especially in comparison with “new institutionalism” in economics as well as in sociology. Far from endorsing the dichotomy between market and non market dimensions of economic activities at the basis of the analyses of Williamson and Granovetter, North’s definition of institutions as “rules of the game” allows him to conceive of institutions as the institutional foundations of the market and therefore as explanatory principles of historical dynamics.

Retour sur l'économie politique de Karl Polanyi

Revue Du Mauss Semestrielle, 2000

POUR CITER CE TEXTE Jérôme Maucourant, « Un retour sur l’économie politique de Karl Polanyi », pp. 207-222, La revue du Mauss (15), 1, 2000. Cf. https://www.revuedumauss.com.fr/Pages/LAUTM-U.html RÉSUMÉ Il ne nous semble pas qu’il faille faire son deuil de l’esprit même qui anima la démarche de Polanyi. Il convient à cet effet de remarquer que le point de vue de Polanyi n’est peut-être pas aussi simple qu’on a parfois voulu le dire : celui-ci craignait en effet que les analyses de Weber, trop globalisantes, occultent une nécessaire analyse économique des institutions. C’est pourquoi il nous a paru utile, dans un premier temps, de faire un retour sur les fondements de la démarche de Polanyi car nombre de questions plus “ récentes ”, adressées à la démarche polanyienne, ne font que reprendre de vieilles interrogations économicistes. Nous pourrons alors mieux, en un second moment, mettre en valeur la spécificité de l’analyse que Polanyi produit du commerce, de la monnaie et de l’échange.

Socioéconomie et démocratie ? l'actualité de Karl Polanyi (recension)

Revue de philosophie économique, 2014

POUR CITER CE TEXTE Jérôme Maucourant, Socioéconomie et démocratie – l'actualité de Karl Polanyi Isabelle Hillenkamp & Jean-Louis Laville (éd.), Erès, 2013, Dans Revue de philosophie économique 2014/1 (Vol. 15), pages 211 à 221 EXTRAIT "Ainsi contre Fraser, nous pensons que Polanyi est parfaitement conscient du fait que les diverses formes d’auto-protection ne se valent pas : le cours de l’histoire au xxe siècle s’éclaire selon la nature démocratique ou fasciste de la Grande Transformation. C’est parce qu’il se situe à niveau élevé d’abstraction que Polanyi propose le schéma du double mouvement pour distinguer la société de marché de toutes les autres formes socioéconomiques. D’ailleurs, les améliorations du schéma polanyien que Fraser propose jettent plus d’ombre que de lumière. Selon elles, les « multiculturalistes » remettraient « en question les hiérarchies oppressives de l’après-guerre » (p. 61). Or, certaines revendications culturelles vont à l’encontre de l’émancipation des femmes. Une spécialiste reconnue de Polanyi , Ayse Bugra (2005). a ainsi écrit à ce sujet que le néolibéralisme trouve même un allié aussi inattendu que solide dans ces « formes d’appartenance à des communautés organiques définies à partir de la parenté, de l’ethnicité et de la religion ». Ainsi, le culturalisme peut impliquer des formes d’aliénation redoutables qui ne peuvent être occultées comme le fait Frazer. Les pages que consacre Polanyi, dans la Grande Transformation, à la « liberté dans une société complexe » et l’importance qu’il accorde au droit à la « non-conformité » sont incomparablement plus fécondes que le multiculturalisme et ses apories"

L'interprétation économique de l'histoire dans le projet de Karl Polanyi

Revue du GRATICE,, 2001

ABSTRACT This article consists in outlining the Karl Polanyi's project. He supports humanistic socialism and critizes strongly those who advocates the idea of centrally planned economy. Against popular marxism and mainstream economics, he tries also to clarify the place of economic determinations in history by using the "substantive economy" concept : this is exemplified by the case of ancient Greece. Finally, Polanyi criticisms has consequences for present time : as soon as for the 1940, he warns against American capital hegemony that aims at taking up again the Big Market utopia. RESUME Le projet de Karl Polanyi s'inscrit dans le cadre d'un socialisme humaniste, opposé aux tenants de la planification centralisée comme aux libéraux. La place assignée par Polanyi aux déterminations économiques dans l'histoire, à travers l'exemple de l'analyse de la Grèce ancienne, illustre sa conception de "l'économie substantive"? Celle-ci confère un rôle essentiel aux valeurs et à la politique, ce qui permet de réfuter l'économicisme de la vulgate marxiste et du courant dominant de la science économique. Enfin, dès les années 1940, Polanyi s"élève contre l'utopie libérale du Grand Marché que défend le capital américain et sa critique mérite aujourd'hui d'être entendue.

Perspectives institutionnalistes : économies, pouvoirs et sociétés

Perspectives institutionnalistes : économies, pouvoirs et sociétés, 2006

Jérôme Maucourant Lyon, le vendredi 8 décembre 2006. Perspectives institutionnalistes : économies, pouvoirs et sociétés (Discours de soutenance) 1 Un point de vue L'exercice qui m'est proposé aujourd'hui est particulièrement difficile : faire montre d'un possible dépassement d'un travail qui, lui-même, se voulait une synthèse en forme de dépassement d'un ensemble de travaux commencés, il y a près de quinze ans déjà. Je ne me ne déroberai pas à cette exigence, tout en rappelant le caractère aussi précis que limité des travaux que j'ai pu entreprendre. Ces travaux s'inscrivent explicitement dans un cadre qu'on qualifie à nouveau d'" institutionnaliste ", en référence aux travaux fondateurs des économistes américains hétérodoxes du début du XXième siècle. J'inclus toujours l'oeuvre de Polanyi et de son école dans cette mouvance, comme je l'avais fait, ici même en 1994, lors de ma soutenance de thèse nouveau régime, tant les ressemblances sont frappantes en ces approches. Je dois dire que ce retour à une pensée " dissidente " ou " hétérodoxe " en économie, doit beaucoup-il faut le rappeler avec force ici-à ce que l'" l'école française de la régulation " a apporté à la réflexion en économie. Je me dois, aussi, de souligner que cet intérêt pour les institutions, du point de vue des idées ou des faits, était en même temps nourri par la lecture que je fis de La Libération Médiévale. Dans cet ouvrage, Pierre Dockès se donnait pour objet, en 1979, à l'image de l'école radicale américaine, de penser quelques déterminations sociales de l'économie à l'encontre des thèses technicistes ou économicistes, en prenant comme objet la crise de l'esclavage antique. Je crois, d'ailleurs, qu'il serait utile de revenir sur un tel sujet, comme me l'a un jour suggéré Jean Andreau qui citait cet ouvrage, tout en s'aidant des progrès réalisés depuis lors par les sciences économiques et historiques. Je me dois d'évoquer, enfin, des travaux qui permettait de garder le meilleur de la tradition marxiste et qui ont compté dans conception de ce que je peux entendre par « institutionnalisme » : je veux évoquer ici les travaux de Bernard Rosier qui nous a quitté trop tôt. Sans doute, pourrait-on m'objecter, le temps n'est plus aux écoles dûment constituées ; en revanche, le rôle de réseaux de pensée, toujours très actuel, parfois à la marche de l'économie, me semble tout à fait décisif dans la dynamique de ce savoir évolutif que constitue, par-delà toutes ses variantes, la science économique. Du fait d'un ensemble de raisons dues à mes capacités personnelles, aux circonstances et à mes goûts et j'ai choisi de participer à cette réflexion " institutionnaliste ", au sens large que je viens d'évoquer, selon une double perspective : l'histoire de la pensée économique et l'histoire des faits économiques. En bref, il s'agit de lire, et travailler si possible avec les historiens, pour éclairer la perspective économique. Ce faisant, un autre terme est venu s'accoler à ce doublet " économie et histoire ", presque naturellement : celui de politique. Même si je n'ai pris conscience que tardivement de ce fait, l'irruption de la dimension politique dans mon travail était d'inscrit dans le projet même de l'institutionnalisme, qui doit repérer la part du possible dans la construction des structures économiques. En ce sens, au moins depuis Commons, l'institutionnalisme a l'ambition d'être plus qu'une économie politique, science de la création et de la répartition des richesses sociales. Souvenons-nous ici de l'enseignement de Jacques Monod, qui voyait dans la compréhension des formes d'articulation entre le hasard et la nécessité et dans l'expulsion de la 1 Discours de soutenance en vue de l'habilitation à diriger les recherches, « Économie, monnaie et souveraineté́ », cf. https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00384984/document Un livre est issu de ce travail : Pour une économie historique de la monnaie : recueil de travaux. Moneta, pp.192, 2008, 978-90-77297-00-1. ⟨halshs-00357894⟩

"Karl Polanyi : réencastrer l'économie dans la société", Revue PHILITT, 7 décembre 2016

Le « Brexit », la campagne « antisystème » de Donald Trump, la progression de partis dits « populistes » en Europe, l'expansion de l'extrémisme religieux, le tournant « conservateur » des milieux intellectuels (en France), le retour du religieux sur la scène politique : tous ces éléments traduisent un rejet de l'économie de marché, ou du moins de sa prétention à régenter tous les domaines de l'existence (culturel, social, politique), et une aspiration à un retour à la communauté plus ou moins appuyés. Comment expliquer cette évolution ? Quel lien existe-t-il entre libéralisme et contestation de celui-ci ? L'économie de marché produit-elle ses propres fossoyeurs ? L'historien et théoricien de l'économie Karl Polanyi fournit une analyse permettant de répondre à ces questions.