Pratiques réflexives et régulation organisationnelle (original) (raw)

2006, Communication et organisation

Le modèle managérial actuel requiert de l'individu des compétences intrasubjectives liées à la maturité psychique, comme par exemple la lucidité sur soi, l'estime de soi, la capacité à s'affirmer sans agresser. Ces « compétences » sont requises dans la mesure où elles seules semblent permettre de répondre aux normes communicationnelles attendues dans des entreprises de plus en plus réticulaires, où la régulation repose sur la capacité des individus à communiquer : écoute, compréhension des enjeux d'autrui, capacité à se remettre en cause, à être assertif 1 et à construire des compromis. Il est convenu que ces normes du juste positionnement de soi dans la relation à autrui-c'est-à-dire aussi de la posture efficace dans l'organisation contemporaine-s'apprennent par un travail réflexif. Aussi, le coaching peut être considéré comme une pratique managériale réflexive, visant à permettre à l'individu de construire progressivement ce juste positionnement, en tenant compte tout à la fois de sa « personne » et des enjeux organisationnels. Le coaching relève donc en grande partie d'une problématique communicationnelle, comme le traduit le titre de ce numéro, mais il intéresse également au plus haut point la sociologie, dans la mesure où il a partie liée avec un nouveau modèle culturel et un nouveau mode de régulation sociale dans l'organisation. Ces modèles ont été importés avec les principes de bonne gestion jugés universels, mais en grande partie issus d'Outre-Atlantique. Ils reposent sur une forme de pouvoir morale et intériorisée, où l'individu jugé libre de ses choix va désirer « de lui-même » correspondre aux grandeurs socialement utiles (Beauvois, 1994). La sociologie du travail en France a exercé sa critique sur ce modèle de pouvoir en général et sur la pratique du coaching en particulier, l'accusant de « psychologiser » les problématiques organisationnelles, de faire intérioriser à l'individu les contraintes sociales, de vouloir les conformer à une norme managériale d'individu efficace. Nous souhaitons ici questionner ces critiques, tout d'abord en examinant en quoi le coaching est le produit, et peut-être le producteur, d'une tendance contemporaine à problématiser les situations organisationnelles sur un mode relationnel et psychologique.