Le héros de Mudimbe à la croisée de discours antagonistes : Un héritage suivi? (original) (raw)

L'OEuvre romanesque de Mudimbe et le discours identitaire zairo-congolais

French Forum, 2006

Le Congo ou le coeur des ténèbres On a toujours vu le Congo comme un abysse maudit dont la paupérisation procède de sa nature incohérente, absurde, et inintelligible. On explique aussi les nombreux malheurs qui le frappent par la malédiction, à cause des nombreuses ressources naturelles dont il regorge. En effet, au cours des siècles, la luxuriance qui a rendu impénétrable cette aire géographique lui a donné une réputation emblématique d'incohérence. On comprend que le désir de domestiquer cette envoûtante contrée ait gagné un appui international au Roi Léopold II-appelé plus tard mobongisa monene 1-qui voulait combattre l'esclavage, ouvrir la région au commerce international, et dissiper les ténèbres en christianisant les indigènes. Beaucoup d'écrits, de légendes, et de rapports de tendance exotique ou coloniale-Le Coeur des ténèbres de Joseph Conrad demeure la meilleure illustration-reflètent l'ampleur de la peur que cette terre envoûtante a suscitée. Ce roman décrit le Congo comme le royaume de la contre-invention où toute raison est irrémédiablement paralysée par sa nature sauvage envoûtante et où les tourbillons assourdissants dérèglent tout système rationnel et épistémologique. C'est ainsi que l'on crut en l'oeuvre salvatrice de l'acte colonial dont le Roi Baudouin rappela les bienfaits à la veille de l'indépendance du Congo: L'indépendance du Congo constitue l'aboutissement de l'oeuvre conçue par le génie du Roi Léopold II, entreprise par Lui avec un courage tenace et continuée avec persévérance par la Belgique. Elle marque une heure décisive dans les destinées, non seulement du Congo lui-même, mais, je n'hésite pas à l'affirmer, de l'Afrique tout entière.

L’hérésie dans l’oeuvre de Salimbene de Adam. La manière de présentation de deux hérétiques choisis

Dans l’Europe occidental, les 11–13e s. étaient un temps turbulent sur le plan religieux. Il y avait nombre de nouveaux mouvements pieux et acteurs spirituels. Ce mémoire remet en question la catégorisation fait par un historien médiéval qui aboutissait à façonner notre image des acteurs religieux ce cette époque : le franciscain Salimbene de Parme (1221–1288). Sa chronique ne laisse pas surgir le moindre doute que les Franciscains et Dominicains sont les seuls ordres mendiants légitimes, tandis que d’autres mouvements assez similaires sont hérétiques. Ce mémoire examine la manière de laquelle Salimbene nous présente deux personnages, à savoir le franciscain Gerardo di Borgo san Donnino, un théologien qui faisait des prophéties subversives, et Gerardo Segarelli, le fondateur de la secte des Apostoliques. Quels sont les principes selon lesquelles Salimbene nous présente ces deux personnages, et quelles stratégies utilise-t-il pour faire cela ? Dans le cas de Gérard, Salimbene nous donne un portrait nuancé qui nous présente les pours et les contres de cet homme. Par contre, Segarelli et ses Apostoliques sont la victime d’une invective concertée qui vise à démontrer leur méchanceté et stupidité. La raison en est que les Apostoliques étaient une concurrence et un danger pour les Franciscains, tandis que Gérard n’était plus objet de la politique, mais de l’histoire. Finalement, comment peut-on caractériser la stratégie de Salimbene pour attaquer ses adversaires ? Quelques-unes de ses reproches aux Apostoliques sont peu crédibles. Alors que l’on pourrait soupçonner des mensonges conscients là-derrière, mon hypothèse est que Salimbene prend des fautes existantes pour les façonner et exagérer d’abord et les insérer finalement dans son cadre littéraire de l’invective contre les hérétiques. Après tout, Salimbene était un combattant dans une guerre de propagande qui faisait rage entre les ordres mendiants établis et les nouveaux venus. Et ce n’était pas encore décidé lesquelles deviendraient les hétérodoxes et lesquelles les orthodoxes.

Amalec, ou l’ennemi héréditaire dans le midrash rabbinique

Tsafon

Je tiens à remercier Wolfgang Oswald pour m'avoir indiqué certaines publications et pour les discussions intéressantes que j'ai eues avec lui sur ce texte. En se fondant sur la Genèse (chap. 36), la descendance d'Ésaü, petit-fils d'Abraham, peut être résumée de la façon suivante. Sa première femme et sa troisième lui donnent, chacune, un fils : Éliphaz, fils d'Ada ; Réuel, fils de Basemath. Éliphaz a cinq fils, Reuel en a quatre. Ésaü a en outre trois autres fils avec sa deuxième femme Oholibama, soit douze descendants mâles. Gn 36, 12 ajoute qu'Éliphaz a eu un dernier fils, Amalac, avec sa concubine Timna. Ce qui porte à treize le nombre des descendants d'Ésaü.

Le conflit successoral inca dans les drames de la mort d'Ataw Wallpa : modalités et significations

Territoires, histoires et discours du conflit en Amérique latine, Veronica Bernabei, Audrey Prévôtel, Hélène Roy (ed.), Poitiers, CRLA-Archivos., 2015

Notre contribution consistera à étudier les variations au sein du corpus d’un épisode dramatique en particulier : le conflit de succession entre Ataw Wallpa et Waskhar, deux frères prétendant au trône impérial inca. Dans notre thèse de doctorat, nous avons examiné la pièce dans son ensemble, mais si nous avons choisi aujourd’hui de traiter l’épisode du conflit successoral, c’est parce qu’à notre sens, non seulement il est représentatif de la démarche employée dans la thèse, mais parce qu’en plus il nous permet d’en dépasser les limites et contribue à faire évoluer notre réflexion. Comme les autres épisodes centraux de la pièce, le conflit successoral inca se fonde sur des faits réels, des événements historiques survenus presque cinq siècles plus tôt, au moment de la Conquête espagnole. Le fait qu’aujourd’hui, les hommes andins s’approprient ces événements, en les récupérant, en les adaptant ou encore en les subvertissant, n’est évidemment pas vide de sens. Étudier les différentes modalités du conflit fratricide dans la pièce est susceptible de nous renseigner non seulement sur la façon dont les populations concernées interprètent leur propre histoire, mais également sur le processus créatif et sur la filiation de l’œuvre dramatique.

Lanthimos Kubrick, héritage et point de vue du tyran

After Kubrick a film maker's legacy, 2019

La sortie de La mise à mort du cerf sacré, et sa présentation cannoise rapproché de celle de The Lobster, a confirmé avec netteté l'improbable percée internationale du cinéaste grec Yorgos Lanthimos, percée confirmée par le triomphe critique international de The Favorite. Alors que la Grèce subit encore les contre coups d'une sévère crise proche de la faillite nationale, Lanthimos apparaît comme la plus flagrante réussite artistique, mais aussi commerciale de ces dernières années. Et l'exploit est en effet remarquable : qu'un auteur à l'univers très spécifique, peu en phase avec un cinéma à vocation populaire, frôle l'oscar et réalise successivement trois productions internationales avec des stars mondiales telles que Colin Farell, Emma Stone ou Nicole Kidman, reste une forme étonnante d'exploit. Mais cette réussite a peut-être recouvert l'essentiel : la mutation progressive de l'approche et de la mise en scène du cinéaste. Une transformation qui a accompagné le passage du l'auteur dans la sphère du cinéma global, en langue anglaise. Et si un élément à frappé spectateurs et critiques devant La Mise à mort du cerf sacré et The Favorite, c'est probablement le surgissement presque soudain d'une influence esthétique et thématique débordante du modèle Stanley Kubrick. Les travellings, l'utilisation de la géométrie dans les cadres ont, entre autres, fermement placé le grec Lanthimos dans le camp encombré des héritiers de l'Américain. Mais ce surgissement en est-il vraiment un ? En s'éloignant de la Grèce, du mouvement qu'il a fondé, et de son environnement culturel, le metteur en scène s'est presque mis à nu, révélant une influence subitement plus directe et visible. Mais sommes nous vraiment dans une mutation, ou dans le resurgissement d'un inconscient « kubrickien » présent en filigrane depuis plus longtemps qu'il ne paraît ? La part occupée par Kubrick dans le cinéma de Lanthimos n'est pas une interrogation restreinte : elle porte en elle des éléments essentiels pour la compréhension globale de l'oeuvre du réalisateur grec, et de l'héritage de l'auteur de Shining dans le cinéma d'auteur contemporain.

Du culte des héros à la concurrence des victimes

Criminologie, 2000

Dans un premier temps, l'auteur résume l'histoire d'une attente de reconnaissance frustrée dans l'immédiat après-guerre : celle des survivants de la Shoah. Ceux-ci subirent en effet un processus de victimisation secondaire analogue à ceux que l'on observe auprès d'autres catégories de victimes, telles les victimes de viol. Non seulement leur expérience spécifique, en tant que Juifs, fut occultée mais ils furent en outre doublement stigmatisés pour leurs réactions face à l'entreprise criminelle des nazis : d'une part, les Juifs assassinés se seraient laissé conduire à la mort « comme des moutons à l'abattoir »; d'autre part, les survivants auraient adopté des comportements indignes pour survivre. Alors que les déportés résistants recueillaient tous les lauriers de la gloire, les survivants juifs furent confinés dans la honte. Leurs légitimes attentes de reconnaissance restèrent ainsi longtemps insatisfaites. Ils n'eurent pas droit aux statu...