Le modèle italien de justice constitutionnelle (original) (raw)

2014, Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel

I-Le contrôle concentré des lois La fonction la plus importante de la Cour constitutionnelle, d'un point de vue qualitatif autant que quantitatif, ainsi que la véritable raison de sa mise en place, est le contrôle de constitutionnalité des lois. En effet celui-ci assure une force normative à la Constitution : privée de la présence de la juridiction constitutionnelle, celle-ci resterait alors confinée dans le domaine politique et non pas normatif. Le système italien de garantie juridictionnelle de la Constitution rentre dans le cadre du modèle kelsénien de contrôle concentré (Verfassungsgerichtsbarkeit). Dans ce modèle, la supériorité normative de la Constitution est garantie non pas par l'écartement de la loi inconstitutionnelle par le juge ordinaire-selon les formes du contrôle diffus d'origine américaine-, mais par l'attribution du contrôle de constitutionnalité à un organe ad hoc, clairement distinct des juges ordinaires, tant par le recrutement, de nature technico-politique, que par l'extériorité à l'ordre judiciaire. En réalité, la proposition d'introduire également en Italie un contrôle diffus avait été timidement faite par Luigi Einaudi à l'Assemblée constituante, mais les partisans du système kelsénien eurent gain de cause sans difficulté. Seul le système concentré permettait en effet de respecter le principe fondamental-incontournable dans les ordres juridiques de l'Europe continentale-de la soumission du juge à la loi, fûtelle inconstitutionnelle. L'outil le plus adapté pour atteindre cet objectif ne pouvait être que l'attribution du pouvoir d'annuler les lois inconstitutionnelles à un organe spécialisé, la Cour constitutionnelle. La soumission du juge à la loi s'est donc traduite dans notre système par l'obligation pour le juge de soulever une question de constitutionnalité à la Cour constitutionnelle en cas de doute sur la conformité de la loi à la Constitution : le juge demande à la Cour de le libérer, par sa décision d'annulation, de l'obligation de respecter la loi qu'il est censé appliquer. Il y a deux façons pour la Cour d'être saisie des questions de constitutionnalité : la voie indirecte (dite incidente) et la voie directe (dite d'action ou voie principale). Dans le premier cas, la question doit être posée par le juge lors d'une instance en cours. Dans le second cas, l'accès à la garantie constitutionnelle est ouvert par voie d'action à deux sujets de droit seulement : l'État et les Régions, conformément à l'article 127 de la Constitution.