Supporters ou révolutionnaires ? Les ultras du Caire, Entretien avec Céline Lebrun (original) (raw)
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Supporters ou révolutionnaires ? Les ultras du Caire
2014
Qui sont ces masses bravant les ordres autoritaires dans plusieurs pays arabes lors de l’hiver 2011 ? À la faveur d’une explication simpliste et exclusive, deux figures concurrentes se sont imposées dans les médias : d’une part, le révolutionnaire Facebook ou Twitter, cet archétype de la classe moyenne éduquée, pacifiste et moderne qui use utilement des nouvelles technologies de l’information. Et d’autre part, le supporter ultra, ce représentant des classes laborieuses, qui affronte dans la rue les forces de l’ordre, les représentants du régime honni. Ce schéma binaire et réducteur est à bien des égards insatisfaisant. Concernant plus particulièrement la figure des ultras, les commentateurs ont souvent surdéterminé la portée politique de leurs actes. La confusion à leur propos a alimenté l’image d’un lumpen prolétariat aguerri et révolutionnaire, sorte d’avant-garde qui ne dit pas son nom. Céline Lebrun, sociologue travaillant sur les ultras du Caire, nous aide ici à comprendre aussi bien les ressorts de leur engagement dans les affrontements contre la police que leur recul conservateur sur des questions identitaires.
Les Ultras égyptiens, témoins de la révolution
Dans quelle mesure le développement des groupes Ultras peu de temps avant janvier 2011 peut-il être considéré comme révélateur d'une crise que traverse alors l'Égypte et qui aboutira à la chute d'Hosni Moubarak ? L'apparition et le développement de ces groupes, à partir de 2007, sont-ils l'expression d'une forme de résistance et d'action politique détournée dans un contexte autoritaire ? Leur surgissement sur la scène politique lors des événements de janvier 2011 est-il en continuité ou en rupture avec leurs activités et leurs engagements antérieurs ? Dans quelle mesure la place qu'ils occupent dans les récits de la révolution et du processus révolutionnaire nous en apprennent-ils au moins autant sur la révolution elle-même que sur les groupes ultras ? Et finalement le changement de contexte politique et social induit par la Révolution a-t-il transformé les groupes ultras ? Autant de question auxquelles tente de répondre cette étude que nous avons découpée en deux principaux moments. Dans un premier temps, il s'agit de situer les groupes ultras sur la scène égyptienne, en expliquant ce qu'ils sont, ce qu'ils font, ce qu'ils incarnent et ce qu'ils nous disent du régime d'Hosni Moubarak et des contradictions qui structurent alors une société et une jeunesse égyptiennes en crise. Dans un second temps, cette étude s'intéresse à la place des groupes ultras dans la Révolution et, au-delà, dans le processus révolutionnaire, en questionnant notamment la réalité de leur participation, entre autres, aux événements de janvier et février 2011, aux répercussions desdits événements sur les groupes ultras eux-mêmes et aux dynamiques qui animent ces groupes alors que l'Égypte connaît des bouleversements politiques et sociaux. L'ensemble de ces éléments permettant enfin de formuler des conclusions et des hypothèses de recherche quant aux transformations, passées, présentes et à venir, à l'oeuvre dans la société et la jeunesse égyptiennes.
Imaginer les marges urbaines du Caire : les zabbalin en récits
Égypte/Monde Arabe, 2019
Abstract: The zabbalin are famous and this celebrity needs to be taken into account in the analysis of this community of garbage collectors and recyclers. This articles presents the different imaginaries developed around those neighborhoods and the ways in which the garbage collectors themselves appropriated locally those discourses. The outsiders' representations are either extremely negative or, on the contrary, they romanticize this community. For this reason, the place of living of the zabbalin could be described as a sort of heterotopia, as those imaginaries tell us more about those who formulate them than on the garbage collectors themselves.
Cahier de Littérature Orale, CLO. Donner de la voix: slogans et chants contestataires, 2022
With the development of Ultras groups in Morocco beginning in the years 2005-2006, the presence of supporters in the stadiums gave rise to real performances, where Ultras groups competed in creativity and expressiveness. These performances are now widely relayed or created on websites and social networks. Until 2018, the circulation of these slogans and chants remained limited to the world of supporters. At the end of 2018 and the beginning of 2019, the Ultras became more visible in the expression of protest. Based on a corpus collected on the web, this article intends to analyse the content and the form of these slogans, which borrow from several cultural models and develop a poetics where metaphor, humour, provocation, indignation and religiosity mingle.
Le terrain informel : entretien de Catherine Aubertin avec Serge Latouche
Cahiers des Sciences Humaines, 1993
Le terrain informel Entretien de Catherine Aubertin (1) avec Serge LATOUCHE (2) C. A.-Vous pensez que les chercheurs dits de terrain possèdent la « connaissance concrète ». Comment définissez-vous cette connaissance ? Serge Latouche-En tant qu'universitaire, le terme « chercheur de terrain » m'insupporte. Tout intellectuel, tout chercheur a le monde pour terrain. En rétrécissant exagérément son champ de réflexion, on risque d'oublier que tout est interdépendant dans le village mondial. L'idée d'avoir un terrain est une idée venue essentiellement des ethnologues, elle contient quelque chose d'important et à la fois quelque chose d'extrêmement biaisé. Je m'explique : parmi les plus grands sociologues et anthropologues certains n'ont jamais fait de terrain. Marcel Mauss, que je considère comme le père de l'anthropologie, n'a jamais fait de terrain. James Frazer, à qui l'on demandait s'il ne voulait pas allez voir ces gens à propos desquels il avait déjà écrit sur le Totémisme, a répondu « surtout pas ! ». Sans doute cette position est-elle excessive. Toutefois, il y avait une division du travail entre les ethnographes qui observaient et décrivaient et les ethnologues qui procédaient à des analyses à partir de matériel produit par les premiers. Cette répartition des tâches était pratiquée, peu ou prou, dans toutes les disciplines, avec un certain bonheur. Depuis quelques années, on constate l'excès inverse et la montée d'une véritable idéologie du terrain. Le terrain est devenu un mode de légitimation pour des chercheurs sans idée. L'inflation de thèses a contraint les universitaires à entrer dans cette voie en multipliant l'offre de sujets « microconcrets ». La dévaluation des grandes synthèses liée à la crise des idéologies a fait le reste. Personnellement, je suis très friand de tous les apports des gens qui travaillent sur le terrain. Il est inconcevable de mener des recherches théoriques en faisant abstraction de ce qui se passe dans le monde. Par inclination personnelle, je suis plutôt ce que l'on appellerait un chercheur en chambre. J'attache plus de poids à l'intuition, à l'interprétation qu'à la récolte des données, mais je n'en nie ni la pertinence, ni la nécessité. Je me garde de dire que la récolte de données exclue l'intuition. On ne fait pas d'observation pure. Cette naïveté positiviste a fait son temps. Tout travail de terrain suppose, implicitement ou explicitement, des intuitions et aussi un système d'interprétation voire même une véritable théorie. (1) Economiste. Orstom. (2) Économiste. Professeur à l'université Paris-XI.