Les sous communs: planification fugitive et étude noire by Stefano Harney and Fred Moten (original) (raw)

Toni Ricciardi (2020). Pandémies et frontières : à la recherche du coupable, in F. Gamba et al., COVID-19. Le regard des sciences sociales, Zürich-Genève, Seismo: 301-316.

Cette pandémie nous montre que les frontières n'existent pas. Il semble paradoxal que, depuis leur fermeture, la li-berté de circulation au sein de l'espace européen Schengen ait été interrompue pour la première fois de son histoire et que de nombreux États aient centralisé les décisions entre les mains des exécutifs et, de fait, affaibli les assemblées lé-gislatives. Un principe clé de la Confédération suisse, le fé-déralisme, a également fait l'objet de diverses tensions entre le pouvoir central et les cantons au cours des derniers mois. L'objet du différend consistait à savoir qui détenait le droit de décider pour un territoire donné, pour sa population et sur les mesures à prendre. Le même phénomène s'est pro-duit au niveau mondial entre les États. Soudain, on a eu l'impression que dans un monde hyperconnecté, où l'on peut savoir ce qui se passe en temps réel dans les coins les plus reculés, des barrières et des murs s'étaient dressés. Ces « lieux de démarcation-territoriale et symbolique-, aux-quels est assignée la reconnaissance des États-nations » (Salvatici 2005 : 7), nous sont apparus comme la solution la plus rassurante à nos craintes. Nous omettons ici sciemment la discussion sur les border studies, les hidden frontier (Cole et Wolf 1974), les border regions et la coopération transfrontalière (Anderson 1982), ainsi que celle sur la frontier thesis de Frederick J. Turner (Turner et Bogue 2010), car ces sujets ne font pas l'objet de la pré-sente réflexion. Dans notre cas, nous utiliserons le concept de frontière comme une délimitation reconnue par les instances politiques, visant à la limitation, au contrôle ou, dans les cas extrêmes, à la défense contre les dangers extérieurs.