Voyager pour devenir écrivain : l’évolution de la conception du voyage chez Herman Melville, de "Typee" à "Moby-Dick (original) (raw)
2019, Le Centre pour la Communication Scientifique Directe - HAL - Diderot
Avec la publication de Typee et Omoo, ses deux premiers ouvrages, Herman Melville se lance en littérature par le biais du récit de voyage. Ces deux récits sont en effet présentés comme les témoignages d'expériences de voyages réelles de leur auteur. Le succès public et critique de ce début littéraire semble tracer la voie du jeune écrivain. Pourtant, dès son troisième livre, Mardi, Melville se détourne des codes du récit de voyage qu'il avait jusque-là adoptés, afin de servir un nouvel objectif : s'affirmer comme auteur. La conception de Melville du « voyage » n'est plus alors uniquement géographique et didactique, mais désormais philosophique et littéraire. Une tension se forme dans son oeuvre, visible dans Redburn, White-Jacket et Moby-Dick, résultat de l'affrontement de deux approches de la notion de voyage : celle du lectorat, du voyage comme expérience géographique, contre celle de l'auteur du voyage comme expérience de création. Cette tension aboutit à une poétique melvillienne prônant l'abandon du recours aux faits réels pour dire la « vérité » du voyage, au profit de la fiction. I-Dans les traces du récit de voyage traditionnel : Typee et Omoo Au XIX e siècle, le genre du récit de voyage a le vent en poupe 1. À l'origine ouvrage savant destiné à des académies, le récit de voyage se popularise à la fin du XVIII e siècle et dans la première moitié du XIX e siècle, lorsqu'il commence à s'adresser à un public de nonscientifiques. Les journaux d'expédition, le plus souvent remaniés après le retour au port, font le succès des éditeurs : les journaux de Dumont d'Urville, de Petit-Touars, de Darwin, ou les réimpressions de Cook ou de Bougainville se vendent comme des petits pains. Porteur de l'idéologie contemporaine valorisant l'explorateur curieux, conquérant des derniers inconnus, et son goût pour l'exotisme et la découverte, le récit de voyage est au XIX e siècle particulièrement apprécié d'un lectorat varié et exigeant. En effet, le publicet notamment le public américain-juge de la qualité d'un récit de voyage à l'aune de sa véracité. Et c'est ainsi que sont promus et que deviennent de vrais succès de librairie les deux premiers