Antoine Schnapper, David, la politique et la Révolution, Paris, Gallimard, 2013. Compte rendu (original) (raw)
2014, Histara les comptes rendus
En 1989, dans le cadre de la commémoration du bicentenaire de la Révolution, Antoine Schnapper est chargé d'organiser une exposition consacrée à Jacques-Louis David, qui se tient au Louvre et à Versailles d'octobre 1989 à février 1990. Avec Arlette Sérullaz, il publie un important catalogue, au sein duquel se trouvent plusieurs études qui retracent l'itinéraire artistique et politique du peintre. Dans David, la politique et la Révolution, Pascal Griener a choisi de rassembler plusieurs textes issus de ce catalogue, ainsi que des travaux antérieurs, qu'Antoine Schnapper a consacrés au peintre. L'ensemble forme un tout cohérent, visant à éclairer les rapports entre art et politique sous la Révolution et l'Empire. Pascal Griener a voulu restituer ces travaux « dans leur fluidité naturelle », sans les alourdir par un appareil critique trop important (p. 9) ; textes et illustrations sont ainsi entrelacés de telle sorte que l'analyse dialogue sans cesse avec l'image, ce qui en rend la lecture particulièrement agréable. La question qui se pose d'abord est celle-ci : pourquoi rééditer ces textes aujourd'hui ? Quel intérêt présentent-ils pour le lecteur contemporain ? Les travaux d'Antoine Schnapper contribuent à l'interprétation politique de l'oeuvre de David, qui fait l'objet de vifs débats, notamment dans les années 1980. Mais surtout, ce faisant, l'historien de l'art interroge le statut de sa discipline et ses méthodes. Les études qu'il consacre à David interviennent en effet dans un contexte particulier, sur lequel Pascal Griener revient dans sa préface : d'une part, des historiens comme Roger Chartier et François Furet renouvellent l'approche de la période révolutionnaire. Ce dernier, « en énonçant que "la Révolution française est terminée", […] réclame qu'elle cesse d'être instrumentalisée par la politique pour devenir un objet de recherche historique ordinaire (…). » (p. 19) Il refuse également d'analyser cet épisode de l'histoire comme une rupture fondamentale, idée qui dominait alors chez les analystes. D'autre part, au même moment, les historiens de l'art réfléchissent à la place qu'occupe leur discipline au sein des sciences humaines. Alors que Régis Michel défend une ouverture de l'histoire de l'art à ces dernières, Antoine Schnapper plaide pour l'autonomie de sa discipline, qu'il refuse de voir subordonnée à l'histoire. Certes, le contexte historico-politique doit être pris en compte pour l'analyse des oeuvres d'art ; mais il ne s'agit pas pour l'historien de l'art de chercher dans l'oeuvre la confirmation d'idées forgées a priori. En d'autres termes, l'histoire de l'art ne doit pas être considérée « comme un terrain d'application privilégié de la noble histoire 1. » Dans ce contexte, travailler sur David prend tout son sens pour Antoine Schnapper : l'oeuvre du peintre, par ailleurs engagé politiquement sous la Révolution, puis sous l'Empire, constitue un objet d'étude idéal pour mettre à l'épreuve sa méthode, en tant qu'historien de l'art. Dans ces différentes études, Antoine Schnapper tente de répondre à deux questions qui concentrent l'attention de tous les spécialistes de David dans les années 1980 : d'une part, « David fut-il un "Révolutionnaire" avant la Révolution, ou un opportuniste dont les Horaces puis le Brutus acquirent soudain une signification nouvelle après 1789 ? » ; d'autre part, « David, ancien conventionnel enthousiaste, s'est-il vraiment rallié à l'Empire, ou at -il secrètement couvé la foi d'un Jacobin jusqu'à sa mort ? » (p. 32) L'ouvrage s'organise en deux grandes sections : la première, intitulée « Le problème David », rassemble les premiers travaux d'Antoine Schnapper consacrés à David, tandis que la seconde, « Un peintre et l'ordre