L'idée d'une dramaturgie cosmique chez les Stoïciens (original) (raw)
Chôra, 2015
Abstract. The Stoic system is alternatively described as “dualist” because its physics relies on two principles, God and matter, or as “monist”, because these two principles are intimately linked, and belong to the same body. It is difficult to describe the Stoic system as monist, since every substance is a body, and the two principles, while united in the same body, coexist from all eternity since matter is not created by God. But it is inappropriate as well to describe it as “dualist”, because the inferior principle is completely passive and is not a cause, but endures the effect of the active cause. Moreover, matter is not responsible for evil, even if some interpreters, ancient and modern, claimed it: the only metaphysical principle which accounts for the existence of evil is the “affinity of the contraries”, according to which good cannot exist without evil and agent without patient, but this is not a dualist explanation.
2018
Stoic epistemology is usually assimilated to the Stoic theory of the criterion, namely ‘cognition’ (κατάληψις) and preconception (πρόληψις). Such assimilation is legitimate but needs to be further qualified. The Stoics considered science (ἐπιστήμη) to be accessible only to the Wise, defined virtue as a form of science and distinguished science from art (τέχνη), which has an identical structure: it consists in a coordinated system of ‘cognitions’ whose coherence and certainty is inferior to science, but accessible to non-wise persons. ‘Cognitive impression’ is the criterion coined by Zeno and it provoked polemics with the Academy: it is an impression in conformity with its object, whose existence was denied by the Academics. ‘Preconception’ was introduced by Chrysippus, who adapted Epicurean preconception, to which he gave a status beyond mere experience, though he denied ‘prenatal’ innatism.
Éternel Retour et Temps Périodique Dans La Philosophie Stoïcienne
Revue philosophique de la France et de l'étranger, 2002
L'expression ewige Wiederkunft-« éternel retour »-est de Nietzsche. C'est l'une des notions centrales de sa dernière philosophie, comme le montrent les plans de 1888 pour la Volonté de puissance, dont la dernière partie aurait dû être consacrée à cette notion. Dans Ecce homo, à propos de l'apparition du thème dans la Naissance de la tragédie, il en attribue l'invention à Héraclite et l'accorde du bout des lèvres aux Stoïciens : le stoïcisme, écrit-il, en a « gardé quelques traces ». Bien qu'il y ait chez Héraclite une source d'inspiration pour la doctrine, c'est en fait une doctrine stoïcienne. Dans ses grandes lignes, cette doctrine est celle qui est résumée par Arius Didyme dans un texte transmis par Stobée : ZPnwni kaa Kle0nqei kaa CrusBppÅ 3r@skei tQn o£sBan metað0llein ojon ecV sp@rma tq p¢r, kaa p0lin Ck toAtou toiaAthn 3potelebsqai tQn diakpsmhsin oga prpteron Yn. Zénon, Cléanthe et Chrysippe pensent que la substance se transforme en feu, comme si elle redevenait semence, et que, à partir de là, il s'accomplit de nouveau la mise en ordre du monde telle qu'elle était précédemment 1. Cette doctrine, commune aux trois premiers scolarques de l'école, affirme qu'il y a d'abord une transformation de la substance en feu ou CkpArwsiV (embrasement, conflagration) et, de là, de nouveau (p0lin), une reconstitution du monde dans son ordre antérieur. Cette remise en ordre va, selon de nombreux témoignages, jusqu'aux mêmes individus et aux mêmes événements. Ce retour est
« Les réminiscences stoïciennes du Cratyle : de la définition sémantique de la cause à la cosmologie », Etudes platoniciennes (14 / 2018), juin 2018., 2018
Depuis quelques années, le Cratyle s’est ajouté à la liste des Dialogues remplissant le champ d’investigation portant sur la réception de Platon au Portique. Mais c’était essentiellement pour interroger son influence sur la théorie stoïcienne du langage. Dans cet article, nous étudierons en particulier trois séquences étymologiques (sur Zeus, 396a-b ; sur l’âme 399d-400b ; sur le juste, 412d-413c) qui trouvent un écho frappant dans les rapports stoïciens sur la causalité (notamment chez Stobée, Ecl. I, 13, 1c, chez Sénèque, Ep. 65, et chez D. L. VII, 138-9 et 147). Cette analyse permettra d’entrevoir l’existence d’un usage stoïcien du Cratyle dans le cadre de l’élaboration d’une nouvelle théorie de la causalité sans les Formes, proposant un modèle démiurgique concurrençant, aux dires des rapporteurs Antiques, celui du Timée. In recent years, the Cratylus has been added to the list of Plato’s writting filling the field of investigation concerning the reception of Plato at the Stoa. But it was to only investigate its influence over the Stoic theory of language. In this paper, we will study in particular three etymological sequences (on Zeus, 396a-b, on the soul, 399d-400b, on the just, 412d-413c), which find a striking echo in Stoic theory of causality (notably in Stobaeus, Ecl. I, 13, 1c, in Seneca, Ep. 65, and in D. L. VII, 138-9 and 147). This analysis will allow us to glimpse the existence of a Stoic use of Cratylus in the context of the elaboration of a new theory of causality without the Forms, proposing a demiurgic model in competition – according to the ancient commentators – with the Timaeus .
L'acteur, le masque et le danseur : la métaphore du théâtre dans le système stoïcien
The Stoics used to explain our way of being in the world by using a specific tool : the metaphor of the Theatre. According to this image, God has put us on stage and has assigned a role to each of us. The scope of this paper is to figure out the use and the limits of this metaphor, inside the Stoic school as well as in its Cynic origins. From Aristo and Chrysippus to Epictetus, and especially in Panaetius’theory of persona, the metaphor endorses several meanings and functions, challenged by other models : the athlete, the soldier, the danser. All these images raise the same problem : to what extend the individual person can be compared to a marionette, which strings are pulled by Fortune or God ? Is it possible for us to play whatever role the God has planned for us, or do we have the power to refuse or adapt it in some way ? I argue that this is the very function of the metaphor to give us new answers to these questions : the panaetian persona, and more specifically the voice in Epictetus, give room for a kind of improvisation, therefore of freedom, for the Stoic agent.
L'usage sartrien du stoïcisme (Revue Dialogue)
« L'usage sartrien du stoïcisme, dans les Carnets de la drôle de guerre et les Cahiers pour une morale », dans Dialogue, Canadian Philosophical Review, Volume 55, Issue 2, 2016, p. 287-311., 2016
A partir du témoignage des Carnets de la drôle de Guerre et des Cahiers pour une morale, le présent article vise à montrer comment Sartre fait usage du stoïcisme dans la perspective de ses propres thématiques morales que sont l’engagement et la responsabilité. Les références constantes faites aux stoïciens, et l’attitude « stoïque » qu’il dit même adopter au moment de la mobilisation, attestent d’une influence dont les tenants et les aboutissants dans l’itinéraire sartrien sont encore à élucider. Les deux écrits inachevés qui encadrent L’Etre et le Néant peuvent toutefois livrer des informations importantes sur deux types de rapports différents au stoïcisme. Dans les Carnets, l’attachement problématique du philosophe avait fait place à une critique de l’attitude stoïque démasquée comme « machination psychologique » et contraire à l’authenticité. Dans les Cahiers, le stoïcisme était en revanche plus directement critiqué au titre qu’il maintenait négativement une forme de complicité avec l’ordre établi au nom d’une liberté abstraite. A partir des passages clés de ces deux ouvrages, la présente étude montre comment Sartre emprunte au stoïcisme ses propres catégories morales, en tentant la synthèse du stoïcisme et de l’authenticité dont les Carnets avaient formulé l’ambition. From the testimony of the Carnets de la drôle de guerre [War Diaries: Notebooks from a Phony War] and the Cahiers pour une morale [Notebooks for an Ethics], this article shows how Sartre uses Stoicism for his philosophical concerns: commitment and responsibility. Sartre’s frequent references to the Stoics, as well as the “stoic” attitude he claims to adopt at the time of mobilization in World War II, attest to the influence of Stoicism. Based on key passages in these two unfinished writings that chronologically frame L’être et le néant [Being and Nothingness], this article shows that Sartre borrows his own moral categories from Stoicism. As he voices it in the Carnets, Sartre attempts to reach a synthesis of Stoicism and authenticity, a key idea in his philosophy.
Le paradoxe de l'immortalité limitée chez les Stoïciens
La psychologie stoïcienne est traditionnellement considérée comme purement moniste et naturaliste. L'âme est en effet de nature corporelle : c'est un pneuma (souffle) qui se diffuse dans l'ensemble de notre organisme et qui assure la cohésion du corps. Notre logos est une version complexifiée du souffle d'air et de feu qui unifie et qualifie tous les corps depuis la pierre jusqu'aux âmes rationnelles. Mais, selon divers témoignages (de Diogène Laërce à Cicéron, en passant par Sextus Empiricus) 1 , les Stoïciens n'hésitent pas à poser l'hypothèse d'une survie temporaire de l'âme à la mort physiologique. Des témoignages tardifs, à l'authenticité parfois douteuse, esquissent même une topologie des lieux que ces âmes en sursis habitent ou hantent : selon un témoignage de Tertullien (De anima, chap. 54 = SVF II, 814) : après la mort, l'âme des sages est placée dans des demeures élevées (les régions sublunaires) où elles subsistent jusqu'à la prochaine conflagration universelle, alors que les âmes des insensés sont rejetées dans les couches d'air proches de la terre 2. De son côté, Lactance (texte 1h), restituant une doctrine de Zénon, nous renseigne sur la « région obscure et […] le bourbier plein d'horreur », ultime séjour pour les âmes des insensés 3. Reconnaître la survie de la psychè, même pour une durée limitée, présente des difficultés en contexte stoïcien : d'un côté, si l'âme est vraiment un corps, un principe de cohésion engendré, pourquoi lui reconnaître une durée de vie plus longue que celle accordée au corps ? D'un autre côté, pourquoi limiter cette immortalité à une certaine durée ? Avec leur hypothèse d'une survie restreinte, les Stoïciens refusent la position platonicienne : l'immortalité absolue de l'âme déclinée en une série de réincarnations (SVF II, 814, 817), mais aussi la conception épicurienne : sa dissolution complète à la mort du corps (SVF II, 817). Cette capacité de survie, réservée au sage selon Chrysippe, mais extensible aux insensés pour une durée toutefois moindre selon Cléanthe, est le privilège de l'âme humaine douée de logos. Si l'âme des bêtes 1 DL, VII, 156-157 ; Cicéron, Tusculanes, I, XXXI, 77 : « Pour les Stoïciens, ils prétendent que nos âmes ne vivent que comme des corneilles: longtemps, mais non pas toujours » ; Sextus Empiricus, Adversus mathematicos, § 71-73. 2 Mais il s'agit probablement d'une représentation allégorique de l'Hadès, R. Hoven, p. 78. 3 Lactance, Des Institutions divines, VII, 7 : « Zénon le stoïcien a soutenu: qu'après cette vie il y a des lieux séparés pour recevoir les âmes des gens de bien et celles des méchants ; que les unes jouissent d'une parfaite tranquillité, au lieu que les autres sont tourmentées dans une région obscure et dans un bourbier plein d'horreur ».
Racine et Sénèque. L'échec d'un idéal stoïcien dans la tragédie racinienne
Dix-septieme Siecle, 2010
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"Les usages du stoïcisme dans le 'De spectaculis' et le 'De pallio' de Tertullien"
Vita Latina, 189-190, 2014, p.122-148
Tertullian often refers to stoicism in De spectaculis and De pallio and he often uses it as a retorsio, in order to criticize pagans and paganism. But stoic philosophy also gives him concepts as iustitia, sensus communis or prouidentia that enable his apologetic project. So, the way Tertullian uses stoicism in these works shows inherent problems in the conversion of the pagan culture to Christianity.
Les Stoïciens du Théétète, La causalité des corps et l'inexistence des actes
D. El Murr (éd.), La Mesure du savoir. Études sur le Théétète, 267-293., 2013
Pourquoi Clément d'Alexandrie, lorsqu'il mentionne la théorie stoïcienne de la causalité, en vient-il à dire que l'activité elle-même, l'™nerge…a, est incorporelle ? Quelle étrange intuition le pousse en effet à associer à une théorie qui rend à la causalité toute sa dimension active 1 et aux réalités corporelles le privilège d'agir, l'idée que l'acte même par lequel ces corps se signalent serait un incorporel, et par conséquent ne participerait pas au mode d'existence qui fait de ces mêmes corps des réalités fondamentales ? Cela est d'autant plus étonnant que la liste canonique des incorporels stoïciens, qui comprend le vide, le lieu, le temps et les dicibles, ne comprend pas l'action, qui est traditionnellement une forme de mouvement, pour reprendre l'un des sens aristotéliciens de l'™nerge…a 2 , * Je tiens à remercier Thomas Bénatouïl pour les échanges que nous avons eus à propos de ce texte, qui leur doit beaucoup, tant en riches suggestions qu'en difficultés vaincues. Dimitri El Murr m'a offert l'occasion de l'écrire et, par l'acuïté de sa lecture, m'a permis de l'améliorer en bien des points.
"La vision dionysiaque du monde"
Pour ceux qui étaient présents au dernier séminaire, vous vous rappellerez sans doute que j'avais essayé de décrire un certain type de regard, lié à une attitude spécifique d'acceptation du monde comme un Tout ordonné. Ce regard, qu'on peut qualifier de regard d'en haut ou de regard cosmique, consistait à replacer chaque événement du monde dans l'ensemble ordonné qui le constitue comme monde ; de la sorte, l'événement contraire acquérait un sens qui était lié à l'ordre du Tout ; de là dérivait une forme de consolation. Par ailleurs, ce regard situé au point zéro du monde permettait de s'extraire du flux continu des événements et d'embrasser le Tout de manière distanciée.