La Vertu de prudence entre Moyen Âge et âge classique (original) (raw)

La mémoire juive du christianisme entre confiance et prudence

MH Robert, « La mémoire juive du christianisme », Sens n° 427, novembre-décembre 2019, p. 529-548.

La mémoire que le peuple juif a de sa propre histoire, d’une part, se structure à l’interne, par la voie de la transmission de ce qui le constitue comme peuple, et, d’autre part, se conjugue avec la mémoire qu’il a de ses relations avec les nations voisines. Or, dans ses relations avec le christianisme, le peuple juif fait l’expérience souvent douloureuse que les chrétiens occultent dans leur propre mémoire leur rapport aux juifs. Certes, les positions officielles de l’Eglise catholique à partir du concile Vatican II prennent la question au sérieux, mais est-ce suffisant ? Une des conditions du dialogue, du point de vue juif, serait-elle que les chrétiens dans leur ensemble acceptent de prendre en compte leur histoire avec le peuple juif et intègrent dans leur vision le rapport que les juifs construisent avec leur propre mémoire ? Mais, pour toute communauté, le rapport à la mémoire est une réalité complexe, dont les tensions collectives et individuelles pour le judaïsme ont été excellemment travaillées dans l’ouvrage collectif Enjeux d’histoire, jeux de mémoire. Les usages du passé juif sous trois angles : occultation ; recomposition et relecture ; instrumentalisation des textes et des événements. J’aimerais nouer ces trois angles autour de la notion de confiance qui est mise en jeu dans le rapport à la mémoire que les juifs ont du christianisme et ensuite que les chrétiens ont du judaïsme. Trois tendances de fond se repèrent : une confiance impossible au vu de l’histoire (instrumentalisation ?), une confiance toujours possible en Dieu (occultation ?), ou une confiance mêlée de prudence selon les contextes (recomposition et relecture ?). Ces éléments seront mis en perspective avec la Déclaration « Faire la volonté de Notre Père des cieux. Vers un partenariat entre juifs et chrétiens », signée par des rabbins orthodoxes d’Israël, d’Europe et des États-Unis sur les relations entre juifs et chrétiens le 3 décembre 2015 . Ce texte, très court et percutant, a opéré une véritable percée dans la parole publique des juifs. De là, j’évoquerai le rapport à la mémoire selon le bénéficiaire en 1986 du prix Nobel de la paix, Elie Wiesel, récemment décédé, qui a travaillé cette question tout au long de son œuvre.