Enfermés dehors: enquêtes sur le confinement des étrangers (original) (raw)

Les enfermés hors-champ. Entretien

Cultures & conflits, 2008

en 2003, sur « Le Népal, entre aide humanitaire et crise politique grave, les conséquences de la guérilla maoïste sur l'aide internationale ». Elle est membre des équipes éditoriales des revues Cultures & Conflits et International Political Sociology, coordinatrice éditoriale des publications en langue anglaise à Sciences Po Paris et traductrice indépendante spécialisée en sciences humaines.

L’enfermement des étrangers en France : une clinique du non-lieu ?

Recherches en psychanalyse, 2021

Cet article propose de penser l’enfermement des personnes étrangères sur le territoire français au sein de plusieurs dispositifs dédiés à cet effet. Dans une perspective interdisciplinaire mêlant psychanalyse et anthropologie, il s’agit de décrire ces dispositifs pour en étudier les retentissements sur le psychisme et sur le corps des personnes exilées concernées par ces types de confinements singuliers. À partir d’une approche ethnographique, nous nous concentrons sur deux lieux de l’enfermement : les centres de rétention administrative (CRA) et les programmes d’accueil et d’hébergement des demandeurs d’asile (Prahda). En envisageant l’interaction entre le psychisme et les politiques migratoires, nous faisons l’hypothèse que les symptômes du sujet sont aussi les symptômes d’une expérience collective, à la fois spatiale et temporelle. Il s’agit de démontrer en quoi ces lieux fragmentent et parcellarisent le psychisme des subjectivités en exil. Ces lieux d’enfermement font du vécu des personnes étrangères qui y transitent une « expérience-limite » (Zaltzman, 1999).

« Confinement des étrangers : entre circulation et enfermement » (ed. with Chowra Makaremi)

Cultures et Conflits nº 71, 2008

Les contributions sur lesquelles ce numéro se penche montrent comment, concrètement, la mise à l’écart des étrangers procède tout aussi bien d’une accumulation de situations d’enfermement que d’une constellation de lieux, qui sont en même temps des espaces transitoires de la circulation. Les situations abordées ont toutes un horizon en commun, celui de l’expulsion des étrangers indésirables. Il s’agit d’examiner l’enfermement des étrangers à travers la circulation, et ce faisant, de restituer cette pratique dans un réseau dont l’objet ultime est de faire bouger des corps à travers des frontières.

L’impact du confinement sur les étudiant·es exilé·es

l’UEE , 2021

La crise sanitaire et les mesures de confinement ont affecté en profondeur la vie des étudiant·es. Plusieurs études ont ainsi montré l’impact des confinements successifs sur la santé mentale, les finances et les résultats scolaires des étudiant·es. L’enquête nationale de l’Observatoire de la Vie Etudiante, menée entre juin et juillet 2020, conclut ainsi à l’exacerbation des inégalités entre jeunes pendant la crise du fait des différences d’isolement et d’accès à de bonnes conditions matérielles d’études[1]. L’enquête pointe également l’impact financier et psychologique important pour les étudiant·es étrangèr·es. En effet, si les étudiant·es se distinguent des autres groupes de la population par le fait d’avoir beaucoup changé de logement[2], le retour chez les parents était plus difficile pour les étudiant·es étrangèr·es.

Camps d'étrangers

2008

Quel est le point commun au XXe siècle entre les tirailleurs et les travailleurs indigènes, les réfugiés et les rapatriés coloniaux, les minorités discriminées, les insoumis et les rebelles indépendantistes, les migrants illégalisés et les demandeurs d’asile déboutés ? Le fait d’avoir été, à un moment ou un autre de leur parcours en métropole, placés de force et confinés dans des camps, des cantonnements, des dépôts, des centres, des casernements, des logements contraints, dans toutes sortes de lieux isolés, inaccessibles et insalubres. L’auteur propose une sociologie historique des camps d’étrangers en France depuis la Première Guerre mondiale. À partir de différentes enquêtes et sources d’archives il s’agit de mettre en perspective la manière dont les pouvoirs publics, et principalement la police nationale, ont mis en place et géré des lieux d’inter­nement administratif des étrangers. Cet ouvrage questionne tout d’abord le terme de camp, objet difficile et source de polémiques entre analyses scientifiques, dénégations politiques et usages militants, mais qui décrit une réalité multiforme : celle d’un placement forcé et d’un déni de droits dans un espace clos, de circuits de déplacement surveillés et réservés, de la mise au travail forcé ou de l’interdiction de travailler, d’une limitation drastique des contacts avec le reste de la population. Il examine ensuite la technique de la mise en camp et les formes variées que prennent les camps d’étrangers selon les contextes et les objectifs des pouvoirs publics, la lutte contre un ennemi de l’intérieur, l’accueil « humanitaire » provisoire, l’épuration politique, l’expulsion de l’étranger. Il s’intéresse enfin à ces populations mises au secret de migrants forcés, de déplacés des colonies, de réfugiés européens ou de parias nationaux, des indigènes africains ou indochinois, des exilés arméniens, sarrois, espagnols, des suspects alsaciens, tsiganes, algériens, des migrants indésirables et d’autres bouches inutiles ayant fait l’amère expérience de cette étrange sollicitude de l’État démocratique pour ceux qu’il perçoit comme étrangers.

Permanence des camps et renouveau de la théorisation sur le confinement des étrangers

In Makaremi C., Kobelinski C. (dir.), Le confinement des étrangers. Perspectives de terrain, collection TERRA, Bellecombe-en-Beauge, Editions du Croquant, mars 2008, pp. 105-121, 2008

La question des camps s'est progressivement émancipée de la problématique historique traditionnelle et du lien avec les camps de concentration nazis de la Seconde Guerre mondiale et du Goulag. Malgré tout l'ombre portée de la Solution finale continue à rendre difficile le traitement scientifique de cette hétérotopie politique. Le camp reste un mot malade et objet de polémiques. Pour l'aborder du point de vue des sciences sociales il faut précéder par étape. Il est d'abord nécessaire le réintégrer dans une généalogie qui le distingue des formes plus anciennes de mise à l'écart comme le bagne, mais dont il tire certaines caractéristiques, et qui lui donne des origines coloniales et européennes à la fois. Dans le monde colonial il a connu des fonctions politiques lors des conflits (Afrique du Sud, Philippines, Cuba) et économiques pour la mise en valeur des territoires 1 . En Europe c'est lors de la Première Guerre mondiale pour l'internement des civils ennemis et des otages, la prise en charge martiale des réfugiés et le casernement séparé des transplantés coloniaux qu'il s'est généralisé. Ensuite il est possible d'observer dans une perspective sociohistorique la variété des formes que peut prendre le camp à travers le temps et l'espace et sa malléabilité fonctionnelle depuis des visées répressives jusqu'à des options humanitaires, combinant mise au travail et mise hors droit des populations qui y sont placées.

“Coopération publique, résistance cachée : étrangers incarcérés en France”

Book chapter in: Carolina Kobelinsky & Chowra Makaremi (eds) Centres et locaux de rétention, centres d’accueil pour demandeurs d’asile, zones d’attente, prisons… En France, comme ailleurs en Europe, la mise à l’écart des étrangers dans des lieux d’enfermement ou de résidence provisoires est devenue de plus en plus courante. Quelle est la vie réelle de ces lieux qui sont à la fois des espaces de relégation et des espaces transitoires de la circulation ? Quelles frontières physiques, symboliques et morales se (re)configurent à travers ces dispositifs de gestion des étrangers « indésirables » ? Les auteurs de cet ouvrage – anthropologues, sociologues, historiens, politistes – proposent une série d’études empiriques qui apportent de nouvelles données sur une réalité difficile d’accès. Leurs enquêtes s’interrogent sur les enjeux politiques du confinement, mais aussi sur son traitement institutionnel et ses modalités concrètes dans les pays européens. Elles proposent une réflexion sur la réalité de nos pratiques migratoires en partant des nouveaux espaces qu’elle crée et de la situation vécue par ceux qui y transitent. Cette constellation de zones, de centres, de structures d’hébergement sont des nœuds dans des trajets d’exil de plus en plus compliqués et ambigus. Le quotidien de l’attente, de la détention et de l’expulsion des étrangers doit en effet être resitué plus largement dans des itinéraires et les expériences de vie qui sont le plus souvent méconnus, parce que ceux qui les font restent tenus à distance. Au-delà de l’enfermement, les dispositifs de gestion orchestrent une expérience de relégation – hors d’une communauté – et d’emprise intime de l’État – sur des non-citoyens – en engageant de nouveaux modes d’être. Quelles conditions d’existence ces nouvelles façons de gouverner produisent-elles dans le contexte global dans lequel nous vivons ? Comment se repose la question de l’identité, de l’identification et des valeurs ? Quelles sont les marges de manœuvre, les stratégies de contournement et les possibilités de résistance ? Il s’agit d’investir le lieu où se formule le débat et où se construisent les consensus sur le « contrôle migratoire » en cherchant à y imposer les données du problème telles que nous les observons en situation.