Le « sens du problème » peut-il s'enseigner ? Réflexion sur la pratique de la problématisation en classe de terminale (original) (raw)

2016, Le Centre pour la Communication Scientifique Directe - HAL - Université Paris Descartes

Avant tout, il faut savoir poser des problèmes. Et quoi qu'on en dise […] les problèmes ne se posent pas d'eux-mêmes. Gaston Bachelard 1 Nous proposons, dans le cadre de cette courte étude, des éléments d'analyse et des pistes de réflexion sur la pratique de la problématisation en classe de terminale, et ses difficultés. Partant du constat de la centralité des problèmes dans le programme officiel, fixant les finalités de l'enseignement de la philosophie au lycée, nous proposerons d'examiner les obstacles qui rendent cet aspect du travail de l'enseignant… problématique ! Au-delà de la formule et du jeu de mot, il s'agit plus sérieusement d'interroger la possibilité d'enseigner la problématisation elle-même, en partant du postulat que celle-ci désigne la capacité à identifier et à expliciter le caractère problématique d'une notion, d'un sujet ou d'un texte, et non la connaissance factuelle ou thématique des problèmes philosophiques majeurs, issus de la tradition. C'est ce qui explique la référence à peine masquée du titre de cet article à la question de Socrate concernant la vertu, mais en la transposant ici, voire en la détournant quelque peu pour les besoins de l'enquête, à la problématisation : si celle-ci dépend d'un exercice pratique et d'un usage concret, non pas d'une connaissance théorique et abstraite, peut-on vraiment l'enseigner, en supposant qu'on la possède déjà soi-même ? Dans quelle mesure le professeur de philosophie peut-il réellement transmettre le sens du problème à ses élèves ? Peut-on trouver une méthode fiable, simple à acquérir et facilement reproductible, pour poser des problèmes ? Suffit-il de suivre mécaniquement des règles techniques et de les appliquer correctement, comme on applique les instructions d'un protocole ou d'un rituel ? Ou faut-il en passer par un long et patient travail, fait d'exercices répétés, d'essais et d'erreurs rectifiés, permettant de s'incorporer le sens du problème, de savoir poser des problèmes, de problématiser les objets étudiés ? Voilà les questions directrices qui animent et qui orientent notre propos, dont l'enjeu principal est de mettre en évidence les conditions mais aussi d'expliciter les difficultés que peut rencontrer l'enseignant en philosophie quand il s'efforce de faire comprendre aux élèves de classe de terminale, que ce soit en série générale ou en série technologique, en quoi consiste problématiser, sans se limiter au seul cas de la dissertation et de l'analyse d'un sujet d'examen. Avant de passer à l'examen détaillé de nos hypothèses et arguments, un dernier postulat mérite d'être souligné, qui permet de préciser le sens et l'esprit de notre discours : les difficultés liées à l'acquisition du sens du problème en terminale ne dépendent pas uniquement des qualités et compétences de l'enseignant, ni même des capacités intellectuelles et bonnes dispositions des élèves. Il n'est donc pas question ici de pointer des « fautes » et des insuffisances individuelles. Ces deux aspects, cela va sans dire, interviennent, sachant que la pratique permet à l'enseignant d'inventer de nouvelles « façons de faire », et que les élèves peuvent progresser. Mais nous préférons insister ici sur des aspects structurels du problème, qui sont liés à une situation : le contexte scolaire et les orientations données à l'enseignement par le programme lui-même.