Le temps des autres pour se former soi-même : les dispositifs d’auto et de coformation au prisme de la temporalité (original) (raw)

De la recherche du temps perdu, à la « co-inclusion » de l’Autre en soi

Colloque IACCHOS : Achille Mbembe, les sciences sociales face aux défis du monde à venir, 2017

« Critique de la raison nègre » de A. Mbembe m'a permis de cheminer entre sociologie et histoire en me donnant des outils pour penser la « situation » postcoloniale et la manière dont elle module mon positionnement en tant que chercheuse. Sa lecture a mis les mots sur l'expérience sensible que j'ai faite lors de mon terrain ethnographique, qui a consisté en de nombreux allers-retours entre l'Algérie et l'Europe entre 2014-2016. Alors que je m'ancre dans une épistémologie du « savoir situé » (Dorlin, 2009), « Critique de la raison nègre » m'a permis de questionner ce qui est en jeu lorsqu'on pense et qu'on écrit l'Afrique depuis sa diaspora, son ailleurs, en l'occurrence pour une femme « immigrée » qui tente un « retour » au pays natal. Il a mis la lumière sur le rapport au temps dans la structuration de la subjectivité et l'infinie possibilité de combinaisons qu'offre la « concaténation » du temps pour les acteurs sociaux. Partant donc de mon expérience personnelle pour remonter en généralité, j’aimerais montrer comment ma « recherche du temps perdu » s’est soldée en illusion mais a permis à une « identité passante » d’éclore, une identité qui ouvre les canaux de communication entre le moi et son double, en co-incluant l’Autre en Soi.

LE « SELFIE » LITTÉRAIRE : UNE ÉTUDE BRACHYLOGIQUE DE L'« AUTOPORTRAIT (À LA TOUSSAINT

2020

Au sein de la narration « Polaroïd » de Toussaint, cette étude vise à analyser, dans une perspective brachylogique, son Autoportrait (à l'étranger) en mettant en évidence le rapport de perméabilité entre photographie et littérature qui aboutit à une réflexion sur le concept de selfie littéraire, à savoir un autoportrait extrêmement contemporain, où l'auteur devient à la fois le sujet et l'objet de la narration. Cette « photolittérature » représente une écriture visuelle, un récit de voyage autobiographique composé d'instantanés et, donc, bref, immédiat, incisif. Cette propension à la brièveté amène le je-narrateur à raconter une réalité très personnelle et « infinitésimale » et d'une manière brève et laconique, à savoir extrêmement contemporaine. Le selfie littéraire de Toussaint, qui diffère de l'autoportrait pictural mais aussi de l'autoportrait photographique, accomplit une mise en relation entre le je-microcosmique et le monde-macrocosme ; il atteste l'expérience « fugitive » de l'être au monde de cet auteur, en représentant un « brusque témoignage » du temps qui passe, mais aussi une façon de lui résister. Cette écriture instantanée inaugure une narration-Polaroïd qui immortalise le seul instant qui résume, en le minimisant, le récit du voyage entier. Abstract Within Toussaint's "Polaroïd" narrative, this study aims to analyze, from a brachylogical perspective, his Autoportrait (à l'étranger) by highlighting the permeability relationship between photography and literature which leads to a reflection on the concept of literary selfie, namely an extremely contemporary self-portrait, where the author becomes both the subject and the object of the narration. This "photoliterature" represents a visual writing, an autobiographical travel account made up of snapshots and, therefore, brief, immediate, incisive. This tendency to brevity leads the "I-narrator" Maria Giovanna Petrillo 104 to tell about a very personal and "infinitesimal" reality and in a brief and laconic manner, namely extremely contemporary. Toussaint's literary selfie, which differs from the pictorial self-portrait but also from the photographic self-portrait, brings about a connection between the "I-microcosmic" and the world-macrocosm; it attests to the "fleeting" experience of being in the world of this author, by representing a "sudden testimony" to the passage of time, but also a way of resisting it. This "snapshots writing" inaugurates a Polaroid-narrative which immortalizes the single moment which sums up, while minimizing it, the story of the entire trip.

Processus et temporalités de la formation de soi par le voyage autour du monde

L'objet de cette communication est l'expérience de voyageurs itinérants autour du monde, questionnée dans le cadre du paradigme de l'éducation tout au long de la vie. Cette expérience est caractérisée par une absence prolongée de cadres de références culturels, un étayage sur le rite de l'hospitalité, une acculturation non plus à telle culture singulière mais plus largement anthropologique, et une dimension formatrice, riche en sérendipité, à la rencontre de l'autre et de soi. Afin de pouvoir étudier les spécificités de la grande itinérance du voyage autour du monde, et les spécificités de ce type de formation de soi, je vous propose une série de cinq schémas que nous expliciterons : un voyage avec un faible ancrage institutionnel, une transformation de la forme d'immersion, des rencontres dans le rite de l'hospitalité, une gestion des temporalités spécifiques à l'itinérance, et enfin, une autoformation existentielle à deux niveaux.

Sergueï Paradjanov : entre l’autovisualisation et l’autonarration

Textimage, 2018

Plusieurs stratégies de narrativisation de soi et de sa biographie sont au coeur de toutes les œuvres de Sergueï Paradjanov (1924-1990). Les chefs-d’œuvres cinématographiques de Paradjanov occupent une place considérable dans l’art arménien, ukrainien, géorgien, ainsi qu’iranien. Leur formule transculturelle est interprétable comme une des modalités de l’autobiographie en image ; cette forme de dissémination est cruciale dans le projet biographique de Paradjanov. L’auteur commence à concrétiser ses opinions politiques et poétologiques dans les Chevaux de feu (1965) et dans La Couleur de la grenade (1969), une autofiction allusive, qui montre métonymiquement une mosaïque culturelle, déterminante pour sa propre identité. Par ailleurs, au centre de plusieurs collages et assemblages, Paradjanov dispose un personnage constant, répétitif : l’auteur lui-même. Est également à étudier de près la Confession (1990), un texte auto-narratif, film inédit : il reste dans la bibliographie de Paradjanov comme un journal intime et la matrice d’un film imaginaire.

Les temporalités de l’européanisation

2014

"Résumé: L’échec du sommet de Vilnius à la fin de 2013 et les récents événements ukrainiens ont mis en évidence les conséquences liées au refus de la prise en compte de l’histoire des partenaires dans la négociation que développe l’Union européenne avec ses voisins orientaux. Ils montrent que les expériences collectives alimentées à des sources historiques différentes sont autant de ressources que les acteurs mobilisent pour faire valoir d’autres dimensions temporelles. Sans une communauté de références partagées, à la base des intérêts collectifs, les asymétries entre les joueurs ne peuvent que croître. L’examen du processus d’élargissement et celui de la Politique européenne de voisinage mettent en valeur les limites de la stratégie de la Commission quand elle prétend s’appuyer sur la socialisation des élites pour contrer les conflits. Les résultats se mesurent en termes de déclarations sans suite quand les idées constitutives de l’UE et le transfert des compétences ne sont d’aucun poids. L’analyse des deux séquences permet de conclure que les temporalités sont un enjeu de la négociation et que l’ « européanisation » n’est pas le modèle de toute négociation possible. Abstract The failure of the Vilnius summit in late 2013 and the recent events in Ukraine have revealed the consequences of neglecting the historical trajectories of partner countries in negotiations between the European Union and its Eastern partners. The events demonstrate that collective experiences nourished by different historical references provide actors with the capability to invoke other temporalities. It appears that without shared references and collective interests, asymmetries between actors are bound to increase. The examination of the enlargement process and the European Neighbourhood Policy exposes the limits of the European Commission’s strategy that allegedly counts on the socialisation of elites to counteract conflict. When the ideas that founded the EU and the transfer of competences become irrelevant, results are no more than empty declarations. Based on the analysis of the two sequences of external EU policy, the article comes to the conclusion that temporalities are a major issue in negotiations and that “Europeanization” is not the model for every possible negotiation."