Compte rendu de l’ouvrage de Laetitia Merli, De l’ombre à la lumière, de l’individu à la nation. Ethnographie du renouveau chamanique en Mongolie postcommuniste (original) (raw)
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Ce travail met en lumière le phénomène de renouveau du chamanisme en période de transition postcommuniste en République de Mongolie et s'interroge sur les différentes modalités d'utilisations et d'instrumentalisations du chamanisme dans ce processus. On y voit comment les chamanes jusqu'alors interdits par le système soviétique réapparaissent sur la scène publique, encensés par les médias et revalorisés par les traditionnalistes et nationalistes. Parallèlement à son aspect pragmatique et privé, qui connaît du succès auprès des clients visitant les centres chamaniques d'Ulaanbaatar, le chamanisme renouvelé et réinventé connaît des utilisations idéologiques et participe aux différents mouvements de reconstruction culturelle et identitaire. Les données ethnographiques ont été filmées et la thèse écrite est complétée par deux films documentaires.
Le chamanisme en Mongolie. Du renouveau à la globalisation. Merli 2018
Le chamanisme en Mongolie. Du renouveau à la globalisation. Laetitia Merli-2018 « Le Ciel te regarde et la Terre te soutient » disent les chamanes mongols. Nous vivons en effet dans le monde du milieu, celui « éclairé par le soleil ». Au dessus de nous, le Ciel Eternel et une multitude de ciels : 44 à l'Est, 55 à l'Ouest et les ciels-destins qui prédestinent tout un chacun. En dessous, le monde d'en bas, de la Terre et des Eaux, peuplé d'entités liées à la nature, Maîtres des montagnes et des rivières. Le chamanisme est un système de croyances et de pratiques qui consiste, de manière assez pragmatique, à négocier sa chance et sa bonne fortune avec des entités spirituelles et à rétablir une harmonie lorsqu'un déséquilibre apparaît, et ceci grâce à l'intervention du chamane. Le fonctionnement de ce système implique des conceptions particulières quant à la nature d'entités spirituelles extérieures à l'individu qui ont le pouvoir d'agir sur lui, et en même temps, implique que l'individu soit lui-même porteur de principes internes qui soient modifiables et influençables par ces entités. Que le chamane soit capable d'avoir une quelconque influence sur la vie de ses clients suppose que l'individu soit inscrit dans un cadre conceptuel répondant à des représentations partagées par tous. Ainsi la société a besoin d'un intermédiaire capable de communiquer avec les autres mondes afin d'assurer à tous les individus la possibilité d'agir intentionnellement sur leur vie : se protéger, se guérir, favoriser le succès à la chasse, assurer la prospérité de son troupeau, réussir en affaires, avoir du succès dans ses études… Tout est possible dans une juste mesure, si on entretient de bonnes relations avec les esprits. Il n'y a pas vraiment de bons ou de mauvais esprits, puisque leurs actions dépendent du comportement des humains et des offrandes qui leur sont faites. Ces entités toutes puissantes, responsables des maladies et de divers malheurs, sont pourtant amadouables, on peut même les tromper et pactiser avec elles par l'entremise du chamane pour la réalisation de nos souhaits. Le chamanisme dans la tradition mongole n'a pas pour but unique de soigner le corps ; il « soigne » le portefeuille, la maison, le destin, la confiance en soi, appelle l'amour, la santé, la prolongation de la vie… Il ne saurait traiter la maladie en tant que telle, si la personne et son microcosme n'étaient pas harmonisés dans sa globalité, d'où entre autres, l'importance de l'astrologie pour inscrire l'individu dans sa cosmologie cyclique et de la transgénéalogie pour soigner sa lignée et sa relation aux ancêtres, afin de lui donner sa place dans une histoire familiale et de l'enraciner dans un territoire ancestral. En introduction à une consultation, les chamanes mongols demandent toujours : « Quelle est ton année (signe astrologique) ? » suivi de « Quel est ton pays natal (territoire des ancêtres, montagne, rivière) ? ».
Autour des usages rituels du livre en Amérique indienne, Collège de France, 23 mai 2019
Deux versions du mythe matsigenka de l'empereur andin Korakonani placent le livre et l’appareil photographique sur le même plan. Les deux instruments, apportés par un homme blanc, déclenchent l’aliénation et la mort de Korakonani, ainsi que sa transformation en une maladie hautement contagieuse transmise par l'air. La place commune accordée aux deux technologies révèle : d'un point de vue mythologique, l'importance accordée au savoir-faire chamanique des étrangers dans le marquage du temps; d'autre part, d'un point de vue de l’épistémologie locale, la similitude que les matsigenka détectent en les modalités du fonctionnement chamanique des deux instruments. En fait, les deux instruments sont intimement associés à la capacité de faire apparaître (ineantagantsi) ou de faire écouter (ikantaka), d'induire la présence d'entités normalement invisibles et inaudibles. Cependant, la curiosité que l'écriture a toujours éveillée chez les matsigenka oscille entre la condamnation de leur manière « d'opérer » par une « séparation » (une représentation ?) et la fascination pour le fait de constituer un véhicule de communication « religieuse » (conversion) et de transformation « personnelle ». Dans cette intervention, j'esquisserai schématiquement le traitement que les discours matsigenka font de la photographie et du livre comme instruments de l'activité chamanique étrangère. À cette fin, ils seront également comparés à un autre instrument blanc, le fusil, qui contrairement aux deux autres, fut assimilé très tôt par la représentation du Maître de l'éclaire, esprit auxiliaire des chamanes. Nous décrirons ensuite quelques épisodes historiques et ethnographiques dans lesquels le livre et la photographie nous fournissent : d'une part des exemples de mises à jour de leurs apparitions mythiques ; et d'autre part des interprétations matsigenka des processus cognitifs que ces « appareils » déclenchent et des utilisations rituelles auxquelles ils peuvent être associés.
Archives de sciences sociales des religions
Benoît Vermander RÉFÉRENCE Aurélie NÉVOT, «Comme le sel, je suis le cours de l'eau», le chamanisme à écriture des Yi du Yunnan (Chine), Nanterre, Société d'ethnologie, 2008, 317 p. 1 L'ouvrage se donne pour ambition d'étudier «la religion chamanique des Nipa», un petit groupe culturel et linguistique rattaché par l'État chinois à la «nationalité» yi. Les Yi constituent l'une des cinquante-cinq minorités nationales officiellement reconnues en Chine continentale. Le recensement ethnique de 1953-1956 a amalgamé sous ce terme des groupes établis dans les provinces de Yunnan, Sichuan (préfecture de Liangshan), et Guizhou. Ce sont près de huit millions de personnes qui sont identifiées comme Yi, des populations que divisent l'usage de six langues, toutes tibéto-birmanes (on ne saurait parler de «grands dialectes» comme le fait l'auteur p.21, reprenant un terme de linguistes chinois-il s'agit bien de langues, parfois très différenciées) et vingt-six dialectes pour le moins-certaines de ces langues restant dominantes dans les zones où elles sont parlées, d'autres étant en voie d'extinction-ainsi que des conditions matérielles, une mémoire historique et des traditions rituelles et culturelles des plus variées. Ne pas en conclure que le terme Yi n'est qu'un mot vide de contenu. Non seulement la complexité de l'histoire des populations non han du sud-ouest de la Chine rend tout regroupement à la fois aléatoire et pourtant justifiable, mais encore l'usage d'une catégorie unique a d'ores et déjà créé une conscience commune, mise en avant par nombre d'intellectuels issus des groupes en question. Quoi qu'il en soit, les Aurélie Névot, «Comme le sel, je suis le cours de l'eau», le chamanisme à écr...
Le chamanisme suscite un engouement sans précédent auprès des occiden-taux. Nombreux sont ceux qui souhaitent l'expérimenter. De manière générale on peut noter trois formes d'apprentissage du chamanisme par les occidentaux, qui peuvent être exclusives ou combinées : une, par le contact direct avec des chamanes locaux, une, par la lecture d'ouvrages spécialisés (ésotériques ou scientifiques) et une autre par des stages en occident orga-nisés par des néo-chamanes occidentaux et/ou invitant des chamanes indi-gènes. Cet article présente deux études de cas : le premier concernant un apprentissage autodidacte bibliographique ; le deuxième, un apprentissage par une initiation directe d'une française avec une chamane mongole. Nous verrons comment ces occidentaux intègrent des pratiques « autres » en les adaptant à leur propre système de références. Résumé Mots clefs Chamanisme mongol versus néo-chamanisme occidental : Étude des processus interculturels de transmission, d'apprentissage et d'exportation des savoirs et des représentations.
Udgan, la quête du son. L'initiation chamanique d'une française en Mongolie
Cet article présente un exemple de néo-chamanisme avec l'initiation d'une européenne au chamanisme mongol. Entre thérapie et quête spirituelle, nous suivons son voyage initiatique, qui du Pérou à la Mongolie, l'emmène à la découverte des autres et de soi. Ce cas particulier devrait être le début d'une série d'histoires sur la transmission des savoirs et des représentations entre chamanes indigènes et néo-chamanes occidentaux. Pour citer cet article : MERLI, Laetitia, 2005. « Udgan, la quête du son. L'initiation d'une Française en Mongolie », L'autre. Cliniques, cultures et sociétés, numéro « Voyages, migrations, errances », Volume 6, n° 1, Editions la Pensée sauvage, Paris, 43-58. Les voyageurs ont de tout temps rapporté dans leurs bagages des récits de leur rencontre avec « l'autre et l'ailleurs ». Parmi ces rencontres, une figure s'est dessinée, construite au fils du temps et des imaginaires ; personnage sauvage et mystérieux s'il en est: le chamane. Selon les disciplines 1 et les époques, le chamanisme a été modelé et transformé dans les perceptions occidentales. Perçu comme « une sorte de religion diabolique et sauvage » à la fin du XVIIe siècle, le chamanisme a connu diverses interprétations jusqu'à nos jours, où la dernière tendance serait plutôt à l'expérience mystique et au développement personnel (Hamayon, 2003). La figure du chamane n'incarne plus, désormais, la marginalité et la folie, mais au contraire la sagesse et la connaissance (Kakar,1996). De la contre-culture des années soixante-dix à l'actuelle déferlante New Age du nouvel âge du Verseau, avec les succès de Carlos Castaneda et de Michael Harner, le chamanisme s'est popularisé ; non plus comme un système de représentations et de pratiques indigènes à étudier (anthropologues) ou à combattre (missionnaires, régime soviétique), mais comme un système originel et universel, 1 Les considérations psychiatriques, par exemple, ont entraîné des études se focalisant uniquement sur le personnage du chamane et son comportement, et en termes nosologiques, en essayant de savoir si celui-ci était névrotique, schizophrène ou hystérique. (Voir l'article de référence de Philippe Mitrani, 1992).